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nul’Il ET I E Dl. i : EMMANUEL

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J.ï-ûb son lils, et de lui parler au nom de Jahvé : « Cela ne tiendra pas, cela ne sera pas » dit le Seigneur Jahvé, après avoir rappelé le mauvais dessein des alliés ; et Achaz est solennellement invite par Isaïe à demander un signe, un prodige éclatant qui le convaincra de la ferme volonté qu’a Jahvé de sauver son peuple. Mais le roi incrédule se dérobe sous le prétexte hypocrite de ne pas vouloir tenter Dieu. Le véritable motif de son refus nous est connu par le livre des Rois, IV Reg., xvi, 7-8. Achaz a décidé d’envoyer à Téglath-Phalasar le message suivant : Viens et délivremoi des rois de Damas et d’Israël. Isaïe est au courant de cette résolution ; cette défiance vis-à-vis de Jahvé, et cette politique païenne funeste à Juda l’exaspèrent : il annonce à Achaz que Dieu lui-même donnera un signe a la maison de David, mais un signe d’une tout autre nature que celui que le roi aurait pu obtenir d’abord. Toutefois, ce nouveau signe, connu 1 le premier, devra démontrer à Achaz que Jahvé veut sauver ion peuple par lui-même, sans le secours des hommes ; et le prophète, avant d’apporter le signe, afïirme encore une fois solennellement cette volonté salvifique du Dieu d’Israël, en prédisant la naissance surnaturelle de l’Emmanuel, garantie du secours divin : « Voici que la Vierge a conçu et elle enfante un fils et elle l’appelle Emmanuel. >v 14. Quant au signe, c’est la dévastation prochaine du pays, le misérable état auquel Juda sera réduit par ceux-là même en qui Achaz avait placé ? toute sa confiance, qu’il appelait à son secours, dont il attendait la libération et le ^dut, 15 à 25.

Le morceau suivant, viii-ix, G développe le même thème, suit à peu près la même marche, et se rapporte aux mêmes circonstances historiques que le chapitre mi. Isaïe prédit d’abord l’échec de la coalition syroephraïmite, vni, 1-4 : dans un espace d’environ deux ans, les royaumes de Damas et d’Israël seront menacés de devenir victimes des Assyriens. Cette prédiction est faite d’une intéressante façon. A la naissance d’un de ses enfants, Isaïe reçut l’ordre de lui donner le nom de Mahèr-àlal-hâs-baz (Prompt-butin-Proche-pillag >) et la portée symbolique du nom est expliquée : avant que l’enfant sache dire : papa, maman, on portera les richesses de Damas et le butin de Samarie devant le roi d’Assur. Mais déjà avant la conception de l’enfant, le prophète avait dû graver le nom fatidique en gros caractères, sur une grande tablette, en présence de témoins dignes de foi. La ville de Damas est tombée en 732 ; la conception et la naissance du fils d’Isaïedont le nom présage la chute de cette ville doivent se placer vers 734.

Les ennemis d’Achaz ne l’emporteront pas, mais Juda lui-même sera dévasté par le torrent assyrien. Comme au chapitre vii, le prophète laisse clairement voir la répercussion qu’aura en Juda l’immixtion de l’Assyrie dans les affaires de Palestine, viii, 5-10 : Ce peuple a méprisé les eaux de Siloé qui coulent doucement ; voici que le Seigneur amène sur lui les eaux du fleuve, larges et puissantes, elles recouvrent toute l’étendue de ton pays, ô Emmanuel ! Mais les projets ennemis n’aboutiront pas, et cela précisément à cause d’Emmanuel.

Après un morceau d’ordre intime, 11-20, où Isaïe, fatigué de s’adresser à un peuple incrédule, déclare qu’il va confier ses instructions écrites à ses fidèles disciples, le discours revient à la description de l’invasion assyrienne, 21-22. On décrit l’angoisse, la famine, la détresse qu’amène cette invasion. Mais après l’humiliation viendra le gloire : viii, 23-ix, forment un contraste voulu avec le sombre tableau des versets précédents. L’angoisse et les ténèbres feront place à la lumière et à la joie, l’oppression a la délivrance, la guerre à la paix quand apparaîtra et régnera le Messie

libérateur, le Prince issu de David dont le quadruple nom est : Merveilleux conseiller, Dieu fort, Père à jamais. Prince de la paix.

Après avoir replacé dans leur cadre historique les deux prophéties messianiques de vii, 14 et de îx, 5-6, il nous reste à justifier l’interprétation sommaire que nous venons d’en donner.

b) La prophétie de la naissance d’Emmanuel, Is., vii, 14. — Nous aurons à rechercher qui est, dans l’esprit du prophète, cet Emmanuel dont la naissance est attendue ; ensuite, quel caractère particulier revêt sa conception et sa naissance ; enfin quelle est la place de cette prophétie dans le contexte du chapitre vu.

a. Qui est Emmanuel ? — Tout a été mis en œuvre pour reconnaître l’enfant annoncé par Isaïe et qui portera le nom d’Immanu-El, et les identifications les plus diverses ont été proposées.

a) Les anciens juifs, au témoignage de saint Jérôme, y voyaient Ezéchias : Hebrsei hoc de Ezechia, filio Achaz, prophetari arbitrantur, P. L., t. xxiv, col. 109. Cf. Justin, Dial, n. 66, 68, 71, 77. P. G, t. vi, col. 628, 633,. 644, 656. Quelques modernes, se rallient à cette opinion. Tout semble indiquer, disent-ils, qu’il s’agit d’Ézéchias. Il était fils de roi, de la race de David. Il a grandi sous les yeux d’Isaïe : enfant au début du règne d’Achaz, il était arrivé à l’âge d’homme au moment de la grande invasion assyrienne de Sennachérib. Ses voies n’étaient pas celles de son père : pieux, juste, confiant dans le secours de Dieu, il mérita d’être délivré par un éclatant miracle. La version des LXX favorise cette interprétation. D’après elle, en effet, le prophète s’adressant à Achaz, dirait : Tu l’appelleras, xaXécreiç, du nom d’Emmanuel. [Achaz donne à l’enfant le nom qu’il doit porter, c’est donc qu’il s’agit de son fils.

Emmanuel n’est pas Ezéchias. La leçon du texte grec ne l’emporte pas sur celle du texte massorétique : il est reconnu que la version des LXX du livre d’Isaïe est d’une manière générale assez défectueuse. D’ailleurs, Ezéchias devait être né au moment où Isaïe prononça cet oracle. Saint Jérôme le faisait remarquer déjà : Quomodo… de Ezechise conceptu dicitur et nativilale, cum eo lempore quo regnare cœpit Achaz, jam novem Ezéchias esset annorum ? (loc. cit.) Les difficultés chronologiques qui entourent l’avènement d’Ézéchias ne permettent plus aux exégètes modernes de proposer cet argument avec la même assurance que Jérôme. Il nous semble pourtant n’avoir pas perdu sa valeur. Trois passages bibliques sont en conflit pour la date de l’avènement d’Ézéchias. D’après IV Reg., XViïi, 9-10, Samarie a été prise la 6e année d’Ézéchias, ce qui nous conduit pour l’avènement de ce prince en 727. Il devait donc être né en 734 lors de la guerre syro-éphraïmite, d’autant plus que la Bible, IV Reg., xviii, 2. le fait monter sur le trône à l’âge de 25 ans. Mais, d’après IV Reg xviii, 13, l’invasion de Sennachérib en Juda eut lieu la quatorzième année d’Ézéchias. Or Sennachérib monta sur le trône en 705 et son expédition en Palestine eut lieu en sa troisième année, en 702 (cylindre de Taylor). Il faudrait donc dater l’avènement d’Ézéchias d’environ 715. S’il avait 25 ans à son avènement, Isaïe n’a pas pu prédire sa naissance en 734. Mais on ne peut dater le règne d’Ézéchias de 715 ; l’invasion assyrienne de 702 ne tombe pas la quatorzième année d’Ézéchias ; nous avons dit plus haut que cette indication chronologique convient à la maladie d’Ézéchias, mais ne peut d’aucune façon se rapporter a l’expédition de Sennachérib. Il faut donner la préférence à la notice de IV Reg., xviii, 9-10 sur celle de IV Reg., xviii, 13. On ne peut yuère tailler non plus sur les seize ans de iègn< que IV Reg., xvi, 2 assigne à Achaz, pour dater l’avènement d’Ézéchias de 719, son père n’ayant pas occupé le I rône avant 735. Cette date serait à la fois en outra-