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J] N VIII — JEAN IX


plus que de raison, la main de Formose, l’ancien missionnaire des Bulgares, ! e futur pape, dans certains agissements dirigés contre lui Jean NUI croyait, à tort ou à raison, que Formose avait convoité le suprême pontificat, qu’il ne reculerait devant aucun moyen pour y atteindre. Le fait que l’ancien évoque de Porto semblait avoir partie liée avec un certain nombre de personnages plus ou moins tarés de la cour pontificale explique, s’il ne les justifie, les mesures violentes prises contre lui par Jean Y 1Il aux deux synodes romains d’avril et de juin 870. ainsi qu’au synode de Troyes en septembre 878. Voir Formose, t. iv, col. 595 sq. Toujours est-il que, même après que Formose eut disparu de la seine, il put rester à Rome des ennemis irréconciliables de Jean VIII, des gens en tout cas qui souhaitaient sa place. Les Annales de Fulda prétendent que le vieux pape mourut assassiné par des gens de son entourage, qui lui versèrent d’abord du poison et. qui, voyant que le breuvage n’opérait pas assez vite, l’auraient achevé en lui brisant le crâne : malleo, diun usque in cerebro constabant percussus, exspiravit. Jafl’é, p. SS2. Si invraisemblable que ce renseignement paraisse d’abord, si contesté qu’ait été ce témoignage, il ne laisse pas que d’impressionner. L’assassinat d’un pape (c’est le premier qui se rencontre dans l’histoire, ce n’est pas, hélas ! le dernier) n’est pourtant pas chose si naturelle qu’un chroniqueur film nte de son cru. Le P. Lapôtre, qui ne croit pas à l’assassinat, n’écrit-il pas : (En ce moment) « descendait peu à peu sur la Ville éternelle cette affreuse nuit morale qui devait l’obscurcir dans les dernières années du ixe siècle et receler dans son ombre de si épouvantables forfaits ? Loc. cit., p. 161. Le meurtre de Jean VIII ne serait-il pas le premier terme de cette lamentable série ?

- I. Sources. — La correspondance de Jean VIII est la source principale ; elle nous est connue d’abord par le registre, qui contient les lettres écrites pendant les six dernières indictions du pontificat ; dans P. L., t. cxxvi, col. 651966. Le registre actuellsment conservé au Vatican est une reproduction du xie siècle, fidèle, quoique laborieuse, du registre primitif ; elle provient du Mont-Cassin, où, pour des causes restées mystérieuses, la seconde partie du registre avait été emportée. De la première partie nous n’avons plus que des extraits qui se sont conservés dans diverses compilations canoniques, spécialement dans celle de Deusdedit et dans la Collectio britannica. Ces textes ont été rassemblés par Ewald, -N’eues Archiv., t. v, p. 298-316, et par Lôwenfeld. Epislolæ RR. PP. ineditæ, p. 24-34 ; ils sont analysés dans Jaffé, Regesta, t. i, p. 376-422. — Il n’y a pas de biographie ancienne de Jean VIII, le Liber Pontificalis saute d’Adrien II à Etienne V ; le catalogue qui continue le Liber Pontificalis ne consacrait qu’une ligne à Jean VIII ; mais le moine Pierre-Guillaume du monastère de Saint-Gilles-sur-le-Rhône, qui a recopié ce catalogue au xii siècle, a joint à cette ligne un récit du séjour de Jean VIII au dit monastère lors du voyage en France. Voir Lib. Pont., édit. Duchesne, t. ii, p. 221-223. La vie de Jean VIII par Pandolfe de Pise, publiée par Muratori, Script, rerum liai. t. m b, p. 308-309, ne lait que répéter ces mêmes données. Les principaux textes des anciennes chroniques sont rassemblés dans Watterich, Pontificum Romanorum vilæ, 1. 1, p. 27-29, 83, 635-650. Les textes conciliaires dans Mansi, t. xvi et xvii.

II. Travaux.

1’Histoires générales. — Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. iv a, p. 547-607 ; b, p. 635688 ; Langen, t. iii, p. 170-263 ; Gregorovtus, t. iii, p. 165200 ; Baxmann, Polilik der Papste, 1. 1, p. 872-882 ; Hartmann Œschichte Italiens, t. m b, p. 1-41, 48-32 ; L. Duchesne, Les premiers temps de l’État pontifical, p. 130-143 ; Églises séparées, Paris, 1905, p. 217-218 ; Hergenrôther, Photius t.n, p. 291-587.

2° Travaux spéciaux. Balan, // pontificalo di Giovanni, VIII, Rome, 1880 ; Gasquet, Jean VI II et la finde l’Empire cirolingien, dans f Empire byzantin et la monarchie franque, 1 aris, 1888 ; A. LapOtre, S..1., L’Europe et le Saint-Siège à Cépoque carolingienne, 1. 1. Le pape Jean VI II, Paris, 1895.

F. Amans.

10. JEAN IX, pape, consacré en avril 898, mort en mai 900. — L’année 897 avait vu successivement disparaître après un très court pontiticat les deux papes Romain et Théodore. Ce dernier, l’élu du parti formosien avait essayé de prendre à l’endroit de la mémoire de Formose des mesures de réparation ; mais il ne dura que vingt jours ; à sa mc’rt, décembre 897 ou Janvier 898, le calme était loin d’être revenu à Rome. Un anti-formosien déclaré, Sergius, essaie de prendre le pouvoir dans des circonstances qu’il est impossible de préciser ; les formosiens lui opposèrent Jean, qui finit par l’emporter et fut consacré vers le milieu d’avril. Quand il arrivera an pouvoir en 904, Sergius se considérera comme, élu depuis 898, et traitera en intrus les papes Jean IX, Benoît IV, Léon V, et Christophe. Effroyable époque, où se succèdent, à Rome les scènes les plus tragiques l Le plus pressant était pour Jean IX de faire régulariser sa propre situation et de parachever la réhabilitation de la mémoire de Formose qu’avait entreprise Théodore. C’est à quoi tendirent trois synodes successifs tenus, les deux premiers à Rome, le troisième à Ravenne. Sur le premier, nous n’avons point de renseignements ; des deux autres il nous reste une série de décrets relatifs aux diverses affaires où était impliquée dès le début la politique de Jean IX. Le synode romain annula et décida de brûler toute la procédure du concile cadavérique contre Formose, et décréta qu’à l’avenir il ne serait plus permis de juger les morts ; les évêques et les clercs qui avaient pris part au macabre concile étaient néanmoins absous, pour avoir demandé humblement leur pardon. La réhabilitation de Formose impliquait la reconnaissance des ordinations faites par lui, comme aussi du sacre impérial conféré à Lambert de Spolète ; mais elle n’entraînait pas, ceci était bien spécifié, la revalidation de tous les actes de ce pontife. En particulier l’onction impériale donnée au barbare, c’est-à-dire à Arnoul, était considérée comme sans valeur ; de même, le cas de Formose, transféré pour raisons de nécessité du siège de Porto à celui de Rome, ne saurait être interprété à l’avenir comme un précédent ; ceux qui passeraient outre à la vieille règle défendant la translation d’un évêque d’un siège à un autre seraient excommuniés, sans espoir de jamais recevoir la communion, même laïque : staluimus ut id in exemplum nullus assumai, privsertim cum sacri canones hoc penilus interdicanl et prsesumenles lanla (eriant ullione, ut eliam in fine laicam eis prohibeant communionetn. Pour prévenir de nouveaux troubles au moment de la vacance du Saint-Siège, on renouvelait les anciennes règles (peut-être le décret d’Etienne IV (V) en 816, plus probablement le constitulum de l’empereur Lothaire en 824), relatives au droit dé regard de l’autorité civile dans les élections pontificales et l’on précisait les droits respectifs de chaque groupe d’électeurs. Le candidat élu par les évêques et le clergé tout entier, à la demande du sénat et du peuple, et dès lors choisi par tous et en public, ne serait consacré qu’en présence des légats impériaux : constituendus pontifex convenientibus episcopis et universo clero eligatur, expctenle senatu et populo, qui ordinandus est, et sic in conspeetu omnium ccieberrime electus ab omnibus, pnesentibus legatis imperialibus consecretur.

Le synode de Ravenne, tenu peu de temps après en présence du pape et de l’empereur Lambert, s’efforçait de plus, d’assurer au Saint Siège. l’appui effectif de la maison de Spolète et garantissait une nouvelle fois les possessions territoriales du Saint-Siège. Mais le jeune empereur ne survivait que quelques mois au traité d’alliance qu’il venait de conclure avec la papauté († 15 octobre 898). De nouvelles compétitions politiques allaient agiter la malheureuse Italie. Nous ignorons quelle attitude y prit Jean IX.