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605 JEAN VIII. SA POLITIQUE OlllKNTAl K. lïKI I.Mil LIT ATM i DK l’IlOTIl s i ; m ;

mort d’Ignace. Sans égard pour les Interdits et les anathèmes dont il avait été frappé au concile de 869, il remontait sur le trône, qu’il considérait toujours comme sien : et il trouvait un épiscopat nombreux pour applaudir à ce geste d’une suprême désinvolture. Le basileus. s’il n’était pas complice, laissait faire : cette solution, il l’espérait, ramènerait le calme à Constantinople toujours en fermentation depuis le début de l’aventure photienne. Mais que devenaient en tout ceci le prestige et l’autorité de la vieille Rome ? Les légats romains se rendirent aisément compte de la complexité de la situation et restèrent sur la défensive, sans trop se presser pourtant de demander à Rome de nouvelles instructions. D’ailleurs ils n’étaient pas venus à ByLanee pour régler exclusivement des questions ecclésiastiques. En cette année 878, la défense de l’Italie méridionale préoccupait tout autant leur maître que la question bulgare. Il s’agissait d’obtenir du basileus une action navale énergique qui nettoierait le littoral italien des pirates sarrasins. Du jour où ils comprirent que l’empereur voyait d’un œil satisfait la réintégration de Photius, les légats sentirent tomber leur animosité contre la patriarche intrus. Celui-ci d’ailleurs travaillait énergiquement l’opinion ecclésiastique dans son partriarcat et dans le reste de l’Orient. Son idée fixe était de réunir un concile aussi nombreux que possible qui effacerait les décisions imposées par Rome au synode de S63 ; ce serait pour lui la plus éclatante des revanches. Nous allons voir Jean VIII se mettre en devoir de la lui procurer.

Vers le début de l’été 87’J parut à Rome une ambassade byzantine ; c’était le moment où, rentré de sa vaine expédition en France, Jean VIII s’épuisait en combinaisons pour sauver ce qui pouvait encore l’être de son domaine italien et de sa puissance politique. Le messager du basileus et de Photius aurait la partie belle, quand il s’agirait de convaincre Jean VIII d’entrer dans les vues de Constantinople. C’était pourtant chose considérable que de déchirer les décisions du VIIIe concile ; mieux que personne, Jean, qui avait été l’auxiliaire de Nicolas I er et d’Adrien II, savait de quels crimes Photius s’était rendu coupable à l’endroit du siège romain. Tout au moins si l’on se décidait à fermer les yeux sur l’invraisemblable manière dont le patriarche déposé s’était réintégré lui-même, fallait-il exiger de lui un geste, un mot, qui témoignât de son regret du passé, qui exprimât un désaveu et, pour tout dire, une demande de pardon tant à l’Église en général qu’au Saint-Siège en particulier. Ainsi opina un synode romain, aux lumières de qui Jean VIII en cette conjoncture voulut faire appel. Mansi, Concilia, t. xvii, col. 359-364 ; 173. Mais l’ambassadeur byzantin insistait : le synode qui devait ratifier la restauration de Photius était déjà rassemblé ; il n’attendait pour entrer en séance que l’arrivée d’un apocrisiaire romain muni de pleins pouvoirs. Jean VIII dut se résigner. Le 16 août 873, il signait, pour les remettre au cardinal Pierre qui allait rejoindre à Constantinople les deux premiers légats, toute une série de lettres respectivement adressées au basileus, aux évêques orientaux des quatre pratiarcats, a Photius lui-même, aux adversaires de Photius, enfin aux légats eux-mêmes. Des instructions spéciales étaient données par écrit au cardinal Pierre qui aurait a les communiquer aux légats qu’il allait retrouver a Constantinople. Jafîé, n. 3271-3275.

3° Les lettres de Jeun Y 1 1 1 relatives à la réintégration de Photius. - Toutes ces pièces nous sont conservées en une double rédaction, d’une part au registre de Jean VII Iqui existe encore, au moins en partie, dans les archives du Vatican, d’autre part dans le texte grec des actes du concile qui a réhabiliter Photius, et qu’on lira dans Mansi, Concilia, t. xvii, col. 365-530. Les

deux rédactions sont à la suite l’une de l’autre dans P. L., t. cxxvi, col. 855-875. Une comparaison, mena superficielle entre les deux formes révèle Immédiatement des différences capitales, et qui dépassent de beaucoup les divergences qu’on est en droit d’attendre entre un texte authentique et sa traduction. Il ne s’agit même pas d’une amplification telle qu’un Grec disert eu aurait pu improviser en partant d’un original latin. C’est l’esprit même des documents primitifs qui a été modifie dans l’adaptation grecque. A coup sûr celle-ci suit dans l’ensemble l’argumentation générale du texte latin, mais à un certain nombre d’endroits de première importance se révèlent des changements essentiels. Sans entrer dans de plus amples détails, faisons seulement remarquer que l’idée générale exprimée par le texte latin est celle-ci : Toute regrettable qu’elle soit, la réintégration de Photius peut être acceptée, puisqu’en fait elle est réclamée par une grande partie de l’Église orientale et qu’elle est un moyen d’y ramener la paix ; mais il reste bien entendu que l’acte du siège apostolique reconnaissant le patriarche est un acte de miséricordieuse condescendance, qui laisse intacte l’autorité du VIIIe concile ; cette miséricorde, Photius s’en rendra digne en témoignant publiquement de son regret, en demandant son pardon en quelque manière. Si satisfaciens coram sunodo misericordiam secundum consuetudinem poslulaveris, ac si evidenli correclione ularis… et si omnes uno volo. uno consensu et una concordia in tua restilulione conveneritit, veniam pro pace… libi concedimus, communionem queque et gradum, coram synodo misericordiam queerendo, nihilominus reddinflis. P. L., col. 871.

Rien de tout cela ne transparaît dans le texte grec ; non seulement il n’est plus question pour Photius de fournir une satisfaction quelconque, non seulement l’éloge de celui-ci est fait sur le mode le plus solennel, mais encore toute la procédure dû VIIIe concile contre Photius est déclarée nulle et de nul effet, comme n’ayant pas été ratifiée par le Saint-Siège. Synodum vero contra pielatem tuam ibidem habitam irrilavimus et annulavimus, imo et abjicimus, lum propter alia, tum eliam quod bealus papa Adrianus prædecessor nosler illi non snbscripsil. Ibid., col. 874. Tout le reste est à l’avenant.

Une question grave se pose donc. Quelle est de ces deux recensions l’authentique, celle qui est émanée de la chancellerie de Jean VIII et qui a été signée par lui le 16 août <S73 ? Dès qu’il ont eu conscience de l’écart considérable qui sépare les deux textes, les historiens ecclésiastiques latins, Baronius tout le premier, n’ont pas hésité, à déclarer que l’adaptation grecque était un faux audacieux, commis soit par Photius, soit par un de ses partisans. Le cardinal Pierre, disent-ils. apporta à Constantinople les pièces authentiques dont le re^is tre du Vatican conserve la minute ; pour être versés aux débats concilaires, ces documents latins devaient être traduits en grec. Photius, ou quelqu’un des siens, se chargea de la traduction, et la fit telle que nous la connaissons. Lu égard a la façon cavalière dont on traitait parfois les documents officiels a Byzance, l’hypothèse n’a rien d’invraisemblable : « Ile n’est pourtant pas la seule qui se présente à l’esprit, et elle ne laisse pas de se heurter à, quelques difficultés que l’on n’a peut être pas assez remarquées. En particulier

elle oblige d’admettre chez les légats du Saint-Siège une dose peu commune de malhonnêteté ou de sottise. Il est remarquable en effet qu’à aucun moment de la lecture de ces pièces prétendues Falsifiées les apocri siaires romains n’aient émis la moindre protestation. Nous n’avons pas le droit de supposer sans preuve que les présents des Byzantins les aient rendus complètement sourds ; et par ailleurs, quelqu’impaifaite que pût être leur connaissance du grec, il est bien difficile