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.1 I. (SA [NT), CONCLUSION

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caractère de révolution soudaine et catastrophique des événements qui marqueront la fin detemps, saint lean y montre plutôt le développement, le terme définitif et la consommation de réalités déjà présentes dans la vie de ce monde. L’avenir implicite dans le présent, la continuité entre la vie actuelle et la vie future, tel est le trait caractéristique de l’eschatologie johannique, beaucoup plus accentué que dans la conception synoptique ou même dans l’idée paulinienne de la parousie.

La récompense céleste.

On a déjà indiqué comment

des deux aspects de « la vie éternelle », c’est celui de réalité présente qui domine dans le quatrième évangile. Cependant il ne manque pas de textes où sa complète réalisation est renvoyée à l’avenir, où elle apparat ! comme une récompense céleste. On retrouve par exemple dans un discours du quatrième évangile la sentence synoptique : « Qui aime sa vie la perd et qui hait sa vie en ce monde la sauvera pour la vie éternelle », Joa., xii, 25, où il s’agit de toute évidence de la vie future, et elle est immédiatement complétée par celle-ci : < Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où je suis, là sera aussi mon serviteur », où la récompense des disciples du Christ n’est pas seulement l’union spirituelle avec lui, mais l’association à sa gloire céleste. C’est dans cette même demeure céleste, « la maison de son Père », que Jésus déclare à ses disciples qu’il les précède pour les y introduire à leur tour : « Quand je serai allé et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous prendrai auprès de moi, afin que, là où je suis, vous soyez aussi. » xiv, 3. Il n’est guère douteux que le retour dont il est ici question soit la parousie, comme l’entendent les synoptiques et saint Paul, sauf que l’idée de réunion l’emporte ici sur l’idée d’avènement (Loisy, op. cit., p. 712), sauf aussi que la parousie. ainsi intériorisée, paraît anticipée dans le retour spirituel qui s’opère dès la vie actuelle en chaque âme croyante, lui assurant le bienfait de la présence mystique du Christ et de son Esprit, xiv, 18. Cette présence invisible du Christ au milieu des siens est tellement un gage de la réunion avec lui dans la vie future, elle donne tellement déjà un avant-goût du bonheur céleste, que son retour visible passe un peu au second plan, n’excite pas un sentiment d’attente aussi vil. et qu’on se préoccupe moins du moment où il se produira. « La parousie est comme latente dans le rapport actuel du Christ avec les siens ; elle peut éclater d’un moment à l’autre ; et, bien que cette assertion ait l’air d’un paradoxe, on pourrait soutenir que la perspective en est plus rapprochée que dans les synoptiques et dans saint Paul. » Loisy, op. cit., p. 818.

2° La résurrection. - La résurrection se présente également dans le quatrième évangile sous un double aspeet. Il y aura une résurrection des morts au dernier jour, mais elle est figurée et garantie par la résurrection spirituelle qui lait passer les disciples du Christ de la mort a la vie. des ténèbres à la lumière, du péché a la sainteté. I >ans le discours sur le pain de vie. e. vi, la résurrection au dernier Jour apparaît comme l’effet suprême de la puissance vivifiante du Christ, s’exerçant surtout par [’eucharistie. Dans le discours du c. iv. la résurrection spirituelle et la résurrection corporelle s’eut remêlent, car, si la portée eschatologique du ꝟ. 25 reste douteuse, les v. 28 et 2 ! t, annonçant l’heure OÙ ceux qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils de Dieu et en sortiront, ceux qui ont fait le bien, pour une résurrection de vie. ceux qui ont lait le mal pour une résurrection de condamnation. doivent nécessairement s’entendre de la résurrection

au (Ici nier jour. Dans le récit de la résurrection de I. a/are «-il fin. la pensée de.Jésus, quand il déclare : « Je

suis la résurrection et la vie », xi, 25, va à la fois à la

résurrection des morts proprement dite, sur laquelle seule se fixe la pensée de Marthe, et à la vie mystique, qui est pour le croyant un gage d’immortalité et enlève à la mort physique son importance et sa signification. Il faut noter ici que cette déclaration de Jésus, exprime une pensée qui ne se retrouve pas dans le reste du Nouveau Testament. Dans les synoptiques et chez saint Paul lui-même, la résurrection des morts est toujours attribuée à Dieu le Père, bien que ce soit dans le Christ et à cause de son Esprit habitant en eux que Dieu les ressuscitera ; dans saint Jean au contraire. c’est Jésus lui-même qui sera l’agent de la résurrection de ses fidèles.

Le jugement.

L’eschatologie johannique comprend

encore un jugement au dernier jour, xii. 19 ; v, 29. semblable à celui dont il est question dans les synoptiques et auquel présidera le Fils de l’homme. C’est aussi sans doute de ce jugement que parle Jésus lorsqu’il dit que Dieu lui a donné le pouvoir de juper parce qu’il est fils de l’homme, v, 27. Mais ce jugement final ne tient que peu de place dans la doctrine johannique, parce qu’il ne fera que sanctionner le jugement qui s’opère constamment sur la terre, séparant, triant. selon le sens original du mot xpîaiç. les enfants de Dieu et les fils du diable, le monde et les disciples du Christ. Bien que Jésus puisse êlrc dit l’auteur de ce jugement, ix, 39, parce que sa venue a été la cause de la discrimination qui s’opère entre ceux qui acceptent la lumière et ceux qui, préférant les ténèbres, s’aveuglent volontairement, le Christ insiste plutôt sur cette idée que sa mission n’est pas de juger, mais de sauver. Celui qui ne croit pas est déjà jugé par son incrédulité même, sans avoir besoin d’un juge extérieur, iii, 18, tandis que les enfants de Dieu, par le fait même de leur adhésion au Christ, entrent dans la vie sans avoir à subir de jugement proprement dit. Le sort éternel des uns et des autres est ainsi fixé dès ici-bas. car il ne sera que la conséquence et le développement de l’attitude prise par chacun durant la vie terrestre : pour les justi sera 1’épanouissement de la vie qu’ils possédaient déjà par leur union au Christ, pour les méchants ce sera la persistance dans l’état de péché, et par suite la colère de Dieu demeurant à jamais sur eux.

V. Conclusion.

Cet exposé fort succinct iv la théologie johannique suffit à mettre en lumière l’étape décisive que marque le quatrième évangile dans le développement de la pensée chrétienne. Ce n’est plus seulement la conscience éclairée par les enseignements du Christ, surélevée par l’idéal chrétien, c’est l’intelligence s’appliquant à la foi et la foi prenant possession de l’intelligence. Plus encore que dans les écrits de saint PaUl, les faits de la vie de Jésus et ses enseignements sont pénétres par une intclli : puissante, qu’éclaire surnaturellement l’Esprit divin, et présentes dans une lumière supérieure, qui, sous la matérialité des faits et la lettre des discours, fait saillir fortement l’élément dogmatique qui y est implicite, préparant ainsi les fondements et traçant déjà les grandes li| nés d’un synthèse théologique Intég]

On a dit c’est la théorie la plus en faveur actuellement chez les critiques radicaux que l’auteur du quatrième évangile avait achevé de la sorte la transformation, commencée par saint Paul, de l’évangile en « mystère », et que la figure du Christ, dépouillée

de tout élément judaïque et ainsi universalisée, présentée comme celle d’un Dieu-Sauveur analogue aux sauveurs divins qu’honoraient les initiés des mystères païens, avait pu s’imposer, grâce ii cette transformation, à la piété grecque, tandis que d’autre part l’élément de gnose contenu dans cet évangile donnait satisfaction aux intelligences éprises de philosophie mystique. Sans entreprendre une réfutation proprement dite de cette théorie, il convient de présenter