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prédictions d’Isaïe ; son véritable nom aurait été, d’après Strabon, Agradathes. Mais Dunckeret Herzog soutiennent que Cyrus était le nom propre et Agradatheslenomhonoriflque. Cf. Wildeboer, DieLileraturdes alten Testaments, p. 270-271, Gôttingen, 1905 ; Meignah, Les Prophètes d’Israël et le Messie, p. 252-253, Paris, 1893.

Quatit à l’impression générale qui se dégage à première lecture de cette partie du livre, les défenseurs de l’authenticité en rendent compte en disant qu’Isaïe n’écrit pas pour ses contemporains, mais pour un avenir très éloigné, et qu’il a été transporté par l’Esprit de Dieu au temps de l’exil pour en prédire la fin, Ils trouvent naturelle, chez un prophète, cette attitude que leurs contradicteurs estiment singulière, gratuitement affirmée, et sans aucun parallèle certain dans l’histoire du prophétisme. Ils relèvent aussi dans la seconde partie d’Isaïe certains faits, certaines manières de s’exprimer, qui tendraient à prouver que l’auteur ne vit pas constamment à Babylone, parmi les exilés, qu’il n’a pas perdu tout contact avec les réalités historiques du vine siècle. L’auteur parle de la fin de l’exil et de Cyrus, comme d’événements lointains que Dieu seul peut prévoir, xlii, 19 ; xlv, 21 ; XLvni, 5, 14, 16. Il fait à ses lecteurs des reproches qui n’auraient aucun sens, s’ils s’adressaient aux exilés de Babylone : le peuple est obstinément attaché à l’Idolâtrie, xlii, 17 ; LVn, 3-13 ; lix, 4 ; lxv, 3-5, 11 ; il est infidèle, apostat, meurtrier, il viole la sainteté du sabbat, LVni, 13 ; lix, 3, 13 ; ses chefs sont aveugles, cupides et débauchés, lvi, 10-12. Nous rencontrons presque à chaque page de la seconde partie d’Isaïe des satires contre les idoles, et des parallèles entre Jahvé et les faux dieux, xl, 18-26 ; xii, 6-7, 2129 ; xliii, 8-13 ; xi.iv, 6-20 ; xlv, 5-7 ; xlvi, 1-7 ; xlviii, 12-16, etc. D’autre part, plusieurs détails font voir que l’auteur ne vit pas en Chaldée, mais qu’il écrit en Palestine. Jérusalem est encore debout, le temple existe toujours et l’on y offre des sacrifices, lxvi, 3. Parlant d’Abraham, le prophète rappelle que Dieu l’a appelé des extrémités de la terre, xli, 8-9, expression qui ne se comprendrait pas, s’il écrivait en Chaldée, pays d’origine du grand patriarche. Exhortant les captifs à profiter de la faveur de Cyrus, et à quitter Babylone. il ne leur dit pas « sortez d’ici », mais » sortez de là » ; il n’habite donc pas Babylone. lii, 11.

Si ces constatations étaient exactes, elles seraient manifestement incompatibles avec celles que nous avons relevées plus haut, et qui occupent, de l’aveu de tous, une place prépondérante dans la seconde partie d’Isaïe. Ce recueil deviendrait une énigme indéchiffrable, tant pour les contemporains d’Isaïe que pour les exiles de Babylone. Ce serait une juxtaposition d’oracles disparates, sans aucun lien entre eux, où le prophète passerait brusquement, sans ménager aucune transition, des Israélites du huitième siècle à ceux du sixième. Quel serait le lil d’Ariane qui nous guiderait (laie, le labyrinthe de la seconde partie d’Isaïe ? Il faudrait se résoudre alors à y reconnaître de fréquentes et co Interpolations.

Mais les faits sont-ils bien interprétés ? Les choses anciennes prédites depuis longtemps, que Jahvé seul peut prévoir, c’esl entre autres l’exil annonce par les

prophètes antérieurs connue châtiment des péchés du peuple. Parmi ces péchés, la seconde partie d’Isaïe rappelle miMiil l’idolâtrie, l’infidélité, l’apostasie. I hoseï nouvelles, que le prophète annonce main te » l’avènement de Cyrus et la fin de la cap tivité. Les n prochl s <]uc le prophète adresse a ses lecteurs peuvent parfaitement se comprendre pendant l’exil, i’étude des prophéties d’Ézéchiel nous montre

que la In. il ion religieuse des déportes n’était pas brillant. |n’c ll(.iail ses uni. les et ses tache

cultes idolâtriques exerçaient une véritable fascination sur les Israélites captifs, et le danger d’apostasie était grand. De là ces avertissements, ces objurgations, ces satires contre les faux dieux, ces parallèles qui ont pour but de faire ressortir la transcendance, la toute-puissance, l’omnisciencc de Jahvé. — - Aucun passage de la seconde partie d’Isaïe ne suppose vraiment l’existence de Jérusalem et du temple de Salomon, mais peut-être la reconstruction de Jérusalem et le second temple. Le chapitre lxvi débute par un avertissement aux constructeurs de la Jérusalem nouvelle : Jahvé n’a pas besoin d’une demeure faite de main d’homme, le ciel est son trône. Le culte purement extérieur ne lui est pas agréable ; le vrai culte qui l’honore est de nature spirituelle comme lui : c’est l’humilité, l’obéissance, l’amour du prochain. — Enfin, quand le prophète dit que Dieu a appelé Abraham des extrémités de la terre, il songe au pays de Chanaan où Jahvé le conduisit au terme de son pèlerinage. Et quand, s’adressant aux exilés de Babylone, il leur crie « sortez de là », son langage suppose seulement qu’il n’habite pas Babylone ; il ne prouve pas qu’il habitait Jérusalem, au viiie siècle.

b. Tendances doctrinales. — La seconde partie d’Isaïe présente, de l’avenir messianique, une conception différente de celle de la première parlic. Le Roi-Messie décrit d’une façon si caractéristique, comme rejeton de la tige de Jessé, dans les chapitres vii, ix et xi, n’apparaît plus ici. Seul le chapitre lv, 3 parle des grâces assurées à David, et encore s’agit-il probablement d’une translation au peuple, des promesses faites à David. Au lieu de l’Emmanuel, du rejeton de David, du roi futur, c’est le serviteur de Jahvé, le médiateur du salut spirituel qui est au premier plan dans toute cette partie. La doctrine du « Reste qui se convertira » si fréquemment affirmée dans la première partie, ne revient que rarement et d’une manière implicite. Lix, 20 ; lxv, 8-9. Les espérances messianiques sont plus grandioses, plus universalistes, xlii, 6 ; xlix, 6, le monothéisme plus transcendant, xl, 18, sq. Par contre, les tendances légalistes sont plus accusées : l’importance accordée à la célébration du sabbat, lvi, 2 sq. : lviii, 13 ; comparer avec i, 11, 15, la nient ion des prêtres, lxi, 6 ; lxvi, 21, des prosélytes, lvi, 3, 6, la qualification de Jérusalem comme » sainte », etc. Ces conceptions et ces préoccupations sont celles d’un prophète de l’exil, comme le montre la comparaison avec Ézéchiel. Les défenseurs de l’authenticité les expliquent par la diversité de circonstances, de but, de temps, de destinataires, de sujets traités. Ils reconnaissent d’ailleurs, comme nous l’avons vii, que l’auteur de la seconde partie d’Isaïe vit en esprit au temps de l’exil, et écrit pour les exilés.

c. Style et vocabulaire. — Les différences de style entre les deux parties d’Isaïe se remarquent même dans une bonne traduction. D’une façon générale, le style de la seconde partie est plus simple, plus coulant, plus clair, mais moins puissant que celui de la première. Il se caractérise par un symbolisme spécial, l’introduction de morceaux hymniques, le retour fréquent suides sujets déjà abordés précédemment, certaines appositions constantes au nom de Jahvé, comme Jacob ou Israël, la répétition des mêmes paroles, par exemple, consolez, consolez mon peuple, etc.

On fait les mêmes constatations pour le vocabulaire, la terminologie et la langue. Une dizaine de tenues et de tournures de phrases, totalement étrangers à la première partie d’Isaïe, si l’on excepte les passages que d’autres raisons forcent à rapporter à une époque plus récente, se rencontrent souvent dans les 27 derniers chapitres : bâliar, choisir ; hillêl, louer ; hâfes, préférer ; pdsatl, exulter ; sâmah, pousser un rc jeton, au sens figure ; râsôn, se complaire ; S us, se rc