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JEAN SAINT. LE QUATRIÈME ÉVANGILE ET LA TRADITION 546

qui sont manifestement inacceptables (sur l’âge du Christ qui aurait eu. d’après lui. près de cinquante ans au moment de sa mort). On discute même la nature et l’étendue des rapports d’Irénée avec Polycarpe. Sur ce dernier point, si l’on conteste qu’Irénée ait été a proprement parler un disciple du vieil évêque de Smyrne. il faut au moins admettre que, à un âge qui ne peut être inférieur à 15 ans, il en fut l’auditeur habituel et attentif, recueillant de sa bouche les échos de la tradition apostolique. Dès lors une opinion erronée que soutient l’évêque de Lyon en l’appuyant non sur l’autorité de Polycarpe, mais, d’une façon vague, sur les dires des presbytres d’Asie en général, ne doit pas suffire à faire rejeter les données qu’Irénée semble bien tenir de l’évêque de Smyrne et qui portent sur ce Jean d’Éphèse, qu’il considère certainement comme l’auteur du quatrième évangile et qu’il présente comme ayant été le maître de Polycarpe. En identifiant Jean d’Éphèse avec l’apôtre, fils de Zébédée, Irénée aurait-il fait une confusion ? C’est un point sur lequel il faudra revenir, mais on peut dès maintenant remarquer combien il est peu vraisemblable que saint Irénée se soit ainsi mépris sur la véritable identité d’un personnage dont il avait entendu parler par l’évêque de Smyrne qui en avait été lui-même le disciple. Sur le témoignage d’Irénée, cf. Labourt, Le témoignage de S. Irénée, dans la Revue biblique, 1898, p. 59-73 ; et Camerlynck, De quarti evangelii auctore, pars I, Louvain, 1899, p. 128138.

2. Opposition ancienne aux écrits iohanniques.

Les critiques qui minimisent la valeur du témoignage de saint Irénée attachent par contre une importance qui paraît bien excessive aux seuls adversaires qu’ait rencontrés le quatrième évangile au cours du iie siècle. Il s’agit d’une école ou d’une secte, qui apparaît en Asie vers 165 et qui rejette les écrits johanniques ; on connaît l’existence de ces adversaires du quatrième évangile par saint Irénée qui les combat, et par saint Épiphane qui les représente comme attribuant les écrits johanniques à l’hérétique Cérinthe et les baptise ironiquement du nom à’Aloges. Il y eut sans doute, ajoute-t-on, des aloges ailleurs qu’en Asie, et le fait que, au commencement du iiie siècle, un prêtre romain, Caïus, rejetait l’Apocalypse et l’attribuait à Cérinthe, semble prouver qu’à Rome aussi il y eut un foyer d’opposition aux écrits johanniques. Ce serait là tout au moins un indice, que l’origine johannique de l’Apocalypse et du quatrième évangile n’était pas si fermement ni si exactement attestée que pourrait le donner à penser l’unanimité de la tradition à partir du iiie siècle.

Les défenseurs de l’authenticité du quatrième évangile ne sont pas très impressionnés — et à juste titre — par cette opposition aux écrits johanniques, à laquelle on ne peut donner une certaine solidité qu’en exagérant manifestement la portée des quelques allusions qui y ont été faites par les écrivains ecclésiastiques. Saint Irénée indique que c’est simplement par réaction contre le montanisme, lequel s’autorisait de quelques textes du quatrième évangile, que certaines gens rejettaient cet écrit, et il ne semble pas supposer que ces gens aient formé un groupe un peu important, encore moins une véritable secte ; le fait qu’il ne leur oppose pas les témoignages précis qu’il aurait dû avoir sur l’origine apostolique de l’évangile ne prouve pas que ces témoignages lui fissent défaut, mais bien plutôt qu’il ne croyait pas nécessaire de réfuter une opinion à laquelle, vu sans doute la qualité et le nombre de ses adeptes, il attribuait peu d’importance. Sur les Aloges, voir Rose, Les aloges asiates et les aloges romains, dans la Revue biblique, 1897, p. 516-534. Cf. art. Ai.ooi.s. t. i. col 898-901.

DIC.T. Di : TI1ÉOL. CATHOL.

.">. Données historiques défavorables à l’authenticité. — Il n’y a pas lieu d’insister davantage sur la plus ou moins grande précision et unanimité de la tradition relative à l’origine johannique du quatrième évangile, puisque les adversaires de l’authenticité reconnaissent que cette tradition a son point de départ et son appui dans l’évangile lui-même, ses rédacteurs, ou du moins ceux qui l’ont mis en circulation, ayant cherché délibérément, dit-on, tout en le laissant anonyme, à le faire passer pour une œuvre de l’apôtre Jean. Ce qu’il importe de discuter, ce sont les motifs qu’on peut avoir de traiter de fictive cette attribution.

Avant d’étudier les principaux, qui sont tirés de l’examen interne de l’évangile, il faut signaler les arguments extrinsèques sur lesquels s’appuient un certain nombre de critiques pour soutenir que l’apôtre saint Jean n’a pu composer un évangile à Éphèse, où en fait il ne serait jamais venu, et que, s’il y a eu dans cette ville un personnage important, du nom de Jean qui peut-être serait l’auteur de deux petites épîtres johanniques et même de l’Apocalypse, ce « Jean l’Ancien » n’était pas en tout cas l’apôtre, fils de Zébédée.

a) Destinées de l’apôtre Jean. — Les critiques récents qui n’admettent pas le séjour de l’apôtre saint Jean à Éphèse, après avoir signalé comme assez étrange le silence de saint Ignace et de saint Polycarpe sur ce point, font grand état de quelques textes qui semblent indiquer que saint Jean fut mis à mort à Jérusalem par les Juifs. Un ms. de la Chronique de Georges Hamartolos, moine byzantin du ixe siècle, le Codex Coislinianus 305 (texte dans Funk, Patres apostolici, t. i, p. 368) et un autre ms. publié par de Boor, Texte und Unlersuchungen, t. v, fasc. 2 (voir aussi Funk, ibid., p. 366) contenant un abrégé de la chronique de Philippe de Side, historien du v c siècle, font en effet allusion à un texte de Papias, qui « dit dans son second livre que Jean le théologien et Jacques son frère furent mis à mort par les Juifs. » D’autre part un martyrologe syriaque, publié pour la première fois par W. Wrigth dans le Journal of sacred Lilcraturc, 1866, et qui dépend d’un original grec du ive siècle, énumérant les martyrs, mentionne conjointement au 26 décembre les apôtres Jean et Jacques à Jérusalem. Ce sont, il est vrai, des témoignages isolés, relativement récents, et qui se présentent dans des conditions quelque peu suspectes, mais, ajoute-t-on, ils trouvent une confirmation que plusieurs jugent décisive dans la parole de Jésus, .Marc, x, 39 ; Matth., xx, 23, déclarant aux deux fils de Zébédée qu’ils partageront son calice et seront associés à son baptême : cela ne suppose-t-il pas que les deux frères ont subi également le martyre, et que ce martyre, inconciliable avec la tradition qui fait nourir saint Jean à Éphèse à un âge très avancé, était connu des évangélistes ? Quant à la date du martyre supposé de saint Jean, ou ne s’accorde pas : les uns (Loisy) pensent que saint Jean a été condamné a mort par le roi Hérode Agrippa, au commencement de l’an 44 en même temps que son frère. D’autres ne jugent pas que les textes qui viennent d’être cités exigent que le martyre des deux apôtres ail été simultané, et comme saint Paul, Gal., H, 9, mentionne Jean parmi les apôtres avec qui il conféra a Jérusalem à une date postérieure a celle de la morl de saint Jacques, ils lonl d’autres li pothèses plus "H moins plausibles sur les cii-constances OÙ saint Jean aurait pu clic mis a mort par les Juifs a une époque plus tardive. Sans

entrer dans une discussion détaillée, il suffit île Doter combien est incertaine la teneur <a texte de Papias,

auquel se réfèrent le manuscrit d’I lannal olos (dont

la leçone’d’ailleurs contredite par tous les autres

manuscrit de la (.lir>>niipir) et le fragment publié

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