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JANSÉNISME, PREMIÈRES LUTTES, BULLE IN EMJNENT1

rééditant les mêmes erreurs sur la liberté et la grâce.

Les premières attaques furent dirigées contre les théories soutenues par Jansénius sur la prédestination et la liberté, Augustinus, t. m. 1. IX et X. Le jésuite J. Sirmond (1559-lGôl), connu par son immense érudition, combattait la vieille hérésie prédestinatienne dans son I’nedeslinatus ; prædeslinalorum hæresis et libri S. Augustino lemere adscripli re/ulatio. Dans sa préface, Sirmond attaque vivement Jansénius qui nie l’existence de cette hérésie des prédestinations et il donne son livre comme un manuscrit trouvé dans la bibliothèque du cardinal Barberini.

Déjà le P. Petau avait abordé la question d’une manière plus directe dans son livre De libero arbilrio. Le célèbre jésuite donne la définition du libre arbitre : c’est, dit-il, la faculté d’un être intelligent qui permet de choisir un objet entre plusieurs autres qui lui sont proposés. Cette définition traditionnelle se rencontre chez les philosophes comme chez les théologiens ; on ne doit pas confondre, comme le font certains hérétiques, l’acte simplement volontaire et l’actejibre, lequel ne saurait venir d’une volonté déterminée par une nécessité quelconque, même intérieure ; bref, la liberté ne peut coexister avec la nécessité. Après avoir exposé ces principes, Petau examine la doctrine de saint Augustin qui est d’accord, dît-il, avec tous les Pères et avec le concile de 1 rente. Le péché originel a atteint mais non éteint le libre arbitre, et, même après la chute, l’état d’indifférence entre le bien et le mal persiste. Cependant, Petau est bien obligé de le reconnaître, dans l’ardeur de sa lutte contre les pélagiens qui exagéraient le rôle de la liberté, saint Augustin a parfois employé des expressions défectueuses, ou, du moins équivoques, parce qu’il ne prend pas toujours soin de distinguer la liberté qui est la faculté de choisir et qui est essentielle à la nature humaine de l’état habituel de la liberté dans lequel la volonté est débarrassée de ses entraves et va vers le bien. Cet état n’est possible que par la grâce dont les pélagiens niaient la nécessité. Sans doute, saint Augustin s’est élevé, à la suite de saint Paul, contre la loi, parce qu’il considère cette loi, abstraction faite de la grâce, parce qu’il considère la nature humaine livrée à ses propres forces sans la grâce. De plus, il faut distinguer soigneusement la difficulté absolue dont ne parle point saint Augustin et la difficulté morale et pratique dont il parle ordinairement. C’est donc tout à fait à tort, conclu ! Petau, que Jansénius prétend s’inspirer de la doctrine de saint Augustin.

D’autre part, l’évoque d’Ypres Interprète mal l’opinion <hs scolastiques dont il reproduit parfois les assertions en les dénaturant : ainsi il identifie la liberté humaine en général avec la liberté de Ji sus-Christ et des bienheureux au ciel. Chez ceux-ci, la liberté coexiste avec la nécessité, sans la moindre Indifférence ; donc, conclut Jansénius, [’indifférence n’est pas essentielle à la liberté. Mais, écrit Petau, la liberté des bienheureux diffère de la notre qui est le fondement et la condition de notre responsabilité.

Petau attaque également l’histoire des pélagiens et du seini-pélagianisnic, telle qu’elle est exposée dans l’ouvrage de Jansénius et il essaie de mettre au point les erreurs de ces hérétiques. Les pélagiens nient la nécessité de la grâce de Jésus-Christ et affirment la suffisance « le la nature et de la liberté pour arriver au saint ; plus tard, les pélagiens admirent quelques

atténuations a Unis thèses, mais toujours ils ont nie, sinon l’existence, du moins, la nécessité de la grâce

et rejeté le péché originel avec ses conséquences dans l’ordre surnaturel.

I.e seini pelagianisme, d’après Petau, attribue à la seule nature l’aete de volonté par lequel l’homme

adhère aux vérités révélées ; la grâce ne fait qu’aider

la volonté à donner son consentement. Cette grâce est offerte à tous et chacun peut l’accepter ou la rejeter à sou gré : la prédestination et la réprobation sont fondées sur la prescience divine mais l’élection suppose la prévision des mérites et le don de persévérance n’existe pas.

Petau ne croit pas que toutes les opinions des semipélagiens soient condamnées par l’Église. A ses yeux. le semi-pé’agianisme a été condamné surtout, et peut-être exclusivement, pour avoir attribué la première grâce et la foi à la liberté humaine et non à un don de Dieu et, par là, il a nié la distinction des deux ordres naturel et surnaturel, puisque l’homme, par ses propres forces, peut entier dans l’ordre surnaturel.

I)ans cet ouvrage, Je P. Petau a montré l’importance des deux grands problèmes soulevés par Jansénius : le problème philosophique pour la détermination de l’essence de la liberté et le problème historico-théologique pour l’exposé exact des hérésies pélagienne et semi-pélagienne et la valeur dogmatique des théories augustiniennes.

Petau attaque encore V Augustinus dans les trois parties de son Opus de theologicis dogmatibus, où il combat quelques thèses de saint Augustin et leur oppose l’Ecriture et la tradition antérieure relativement à la prédestination et à l’universalité de la rédemption ; cet abandon de saint. Augustin sur les questions de la grâce exaspéra les jansénistes qui accusèrent Petau de sacrifier les intérêts de la vériti aux intérêts de sa compagnie.

Jusque-là, les jansénistes, par crainte de Richelieu, axaient à peu près gardé le silence en France : mais dès 1643, les amis de Saint-Cyran, déjà groupés à Port-Royal, relèvent la lète. Parmi eux, la première place appartient incontestablement à % un jeune docteur dont l’œuvre immense (43 in-4°, publies à Paris et à Lausanne, 1775-1783) est presque tout entière consacrée à la défense de Jansénius. C’est Antoine Arnauld.

L’archevêque de Sens, Octave de Bellegarde, avait déjà publié un écrit en faveur de Jansénius : Sanctus Augustinus per se docens catholicos et convineens pelagianos, in-4° et in-16, Paris, 1043. Cet ouvrage composé, dit-on, par Arnauld, était une réponse provisoire aux sermons de Habert ; les extraits de saint Augustin tendaient à prouver la prédestination absolue et l’efficacité nécessaire de la grâce. Arnauld ne parait ouvertement qu’en 1644, d’abord dans une lettre anonyme où il répond au faux pacificateur François [renée qui avait publié en 1643, Les sentiments sincères et charitables sur les questions de la prédestination et de h. fréquente communion, pour essayer de concilier les deux partis. Dans sa réponse intitulée : Lettre d’un docteur à un théologien, Arnauld félicite l’auteur de son amour de la paix, mais il faut que la paix soit réglée par la science ; il reprend les idées de Jansénius sur la prédestination toute miséricordieuse de Dieu qui, parmi les hommes, tous tombes dans la masse de perdition, choisit ceux qu’il veut ; enfin il compare le mot Fréquente communion à l’homoousios du concile W Nicée et affirme que « la nouveauté, et la singularité sont parfois fort utiles. » Œuvres d’Arnauld, t. xxvill, p. 461-492 ; Gerbcron, Histoire du jansénisme, t. i, p. 151-153.

Un moment toutes les discussions onl se concentrer sur l’autorité de saint Augustin. L’écrivain anonyme qui répond à l’Extrait de quelques propositions de Jansénius et de ses sectateurs, in->S n. Paris, 1644, insiste sur l’abs due certitude des doctrines de saint Augustin et Arnauld lui-même dans les Considérations sur ta censure de la faculté de Paris de 1660, Œuvres t. XVI, p. 25-37, revient sur ce point et montre que la Sorbonne a été surprise, quand elle a prononcé cette censure qui d’ailleurs n’est pas aulhent ique, qui ren-