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JANSÉNISME, PREMIÈRES LUTTES, BULLE IN EMINENT1

contre la volonté formelle du pape qui ne voulait que confirmer les bulles de Pie Y et de Grégoire XIII ; elle est subreptice, obrepticc. altérée, corrompue par la malice des jésuites ; elle n’avait pas été affichée à Rome ; elle n’avait pas été précédée d’un examen ; d’ailleurs elle ne juge pas la doctrine du livre lui-même, puisqu’elle ne condamne l’Auguslinus que parce que la publication de ce livre viole les défenses de Pie V et de Grégoire XIII. Dans un autre écrit : Difficultés sur la bulle (janvier 1644). le même Arnauld s’applique à montrer que « par les contradictions, les défauts et les nullités dont elle fourmille, la bulle est subreptice ; c’est une pièce informe et un projet de bulle. »

Les évêques de Flandre, les universités de Douai et de Louvain se divisèrent au sujet de l’acceptation de la bulle. La faculté de théologie de Louvain décida d’envoyer à Rome deux docteurs avec des lettres pour demander des explications et obtenir la révocation ou au moins la réformation de la bulle. Les deux député ?

Jean Sintiich (1593-1666) et Corneille de Pæpe

(1609-1644) partirent de Louvain le 22 septembre 1643 et s’arrêtèrent à Paris chez les Pères de l’Oratoire. Mais déjà le pape, mécontent de l’opposition soulevée contre la bulle, avait envoyé (24 octobre 1643) une plainte à l’archevêque de Malines : « Nous avons appris, dit-il, avec beaucoup de chagrin, comme il convient, que notre zèle et sollicitude pastorale n’a pas eu l’effet que nous avions espéré, car on oppose, avec non moins de légèreté que d’impudence, certaines choses pour faire croire que cette bulle n’est pas véritable. .. Ainsi nous désirons que vous fassiez paraître les effets de votre vigilance, à la vue d’une obstination si manifeste… C’est pourquoi nous vous demandons notamment que vous réprimiez leur arrogance intolérable et que vous les contraigniez par toutes sortes de moyens d’obéir à ce qu’a ordonné le Saint-Siège. ..

Les brefs adressés aux évêques de Gand, Anvers et Cambrai et à l’université de Louvain exprimaient les mêmes plaintes et les mêmes désirs.

Les deux députés arrivèrent à Rome le 24 octobre et ils commencèrent aussitôt leurs démarches dont on trouve le récit détaillé dans Gerberon, Histoire du lansénisme, t. i, p. 80-105, 116-140, 164 167, 202 : mais ce récit accepté par Arnauld et les jansénistes, doit être soigneusement contrôlé.

Afin de clore le débat, Urbain VIII ordonna d’extraire des archives de la S. C. du Saint-Office le texte authentique de la bulle, certifié tel par les notaires et de le remettre aux deux députés après un examen juridique fait en sa présence (26 juin 1644) ; le secrétaire du Saint-Office écrivit aussi à l’internonce de Bruxelles pour le mettre en garde contre les discours fantaisistes qui pourraient le surprendre : « le pape a fait entendre qu’il voulait être obéi… Je lui ai déclaré (aSinnich) que la bu ! le était véritable et qu’il fallait s’en tenir à la copie de Rome… J’ai bien voulu vous in-truire de toul cela, afin que si ledit Sinnich, pour entretenir les contestations et appuyer la désobéissance des réfractaires qui s’obstinent à ne pas recevoir la constitution, écrivait autrement à l’université de Louvain ou à d’autres personnes et qu’il leur fit espérer que la bulle doit être révoquée ou mitigée, vous ayez soin de leur apprendre la vérité et d’assurer les universités des Pays-Bas et les prélats que jamais le pape n’a eu la moindre pensée de changer quoi que ce soit de la bulle, mais qu’il donnera tout le soin possible pour la faire garder exactement. »

Urbain YIII mourut sur ses entrefaites (29 juillet 1644), longtemps avant que la bulle fût publiée aux Pays-Bas, car, suivant les expressions de Philippe IY dans son édit du 28 février 1651, plusieurs

théologiens de l’université de Louvain s’y opposaient, sous divers prétextes, demandant du temps pour proposer leurs raisons.

Mais le nouveau pape, Innocent X, dès le 2 mars 1645, envoyait quatorze brefs au gouverneur des Pays-Bas, le marquis de Castel Rodrigo, et à tous les évêques pour faire exécuter la bulle de son prédécesseur et « afin de détruire les maximes insensées de ces opiniâtres qui ne sont que trop pernicieuses aux royaumes. »

3. En France.

Le livre de Jansénius souleva en France d’aussi vives polémiques. Isaac Habert, docteur de Sorbonne et théologal de l’église de Paris, plus tard évêque de Vabres, dans trois sermons, prononcés le premier et le dernier dimanches de l’Avent 1642 et le dimanche de la Septuagésime de l’année 1643, attaqua les doctrines de l’évêque d’Ypres : il accuse Jansénius d’exalter saint Augustin au détriment des autres Pères et d’enseigner positivement quelques erreurs, par exemple, la nécessité de la contrition parfaite pour recevoir validement le sacrement de pénitence, la réduction de toutes les vertus à la charité, la négation de l’universalité de la rédemption et de l’existence de la grâce suffisante ; enfin il signale la coterie qui prêche ! *éloignement de la communion. Aussitôt Saint-Cyran que la mort de Richelieu venait de délivrer de prison écrit sa fameuse lettre Tempus tacendi et terr.pus luquendi (1" février 1643) et engage Arnauld à répondre. Les prédicateurs favorables a Jansénius, de leur côté, ripostent et, du haut de la chaire, défendent les thèses de Jansénius. Le P. Toussaint Desmares, de l’Oratoire, (1602-1687), se fait particulièrement remarquer. Pour arrêter toutes ces discussions dans la chaire chrétienne, l’archevêque de Paris, Paul François de Gondy, publie un premier mandement (4 mars 1643) et défend de traiter les questions de la grâce dans les sermons et les catéchismes et de « taxer d’hérésie ou d’erreur les sentiments soutenus par des catholiques jusqu’à ce que le Saint-Siège s’en fût déclaré » Le mandement resta lettre morte. G. Hermant, M émoires, t. i, p. 174, 179-185, 191-195.

Aux polémiques orales, succèdent les polémiques écrites. Le premier ouvrage publié contre l’Augustinus semble être celui du feuillant dom Pierre de Saint-Joseph (1594-1662) ; c’est la Defensio S. Augustini Hipponensis contra Augustinum Iprensem quoad auxilia gralise et humanam liberlatem, cum defensione S. Thomse Aquinalis, in-4°, 1643. Au mois d’octobre de la même année, paraissait un écrit anonyme composé par quelques docteurs de Sorbonne sous ce titre : Extrait de quelques propositions de Jansénius et de ses sectateurs condamnés par le concile de Trente, et par les papes Pie V et Grégoire XI 11. On y signale huit propositions condamnées. Cet écrit ne fait guère que reproduire, en les résumant, les thèses des jésuites de Louvain.

La bulle In eminenti d’Urbain YIII parut en France et fut reçue dans les formes et enregistrée au Parlement le ïl décembre 1043. Le même jour, l’archevêque de Paris publiait un nouveau mandement par lequel il ordonnait de recevoir la bulle d’Urbain YIII et il défendait, pour la seconde lois, de traiter les questions de la grâce dans les sermons et dans les catéchismes. A cette occasion, un anonyme (Edmond Amiot, d’après Gerberon, Histoire du /annisme, t. i, p. 109) faisait réimprimer la Censure de la faculté de Paris de 1560 contre Baius, pour engager la faculté de 1643 à rester fidèle à ses traditions : les constitutions de Pie V et de Grégoire XIII avaient condamné en 1567 et en 1579 les erreurs de Baius déjà censurées par la Sorbonne en 1560 ; dès lors, la Sorbonne se devait à elle-même de recevoir la constitution nouvelle qui condamnait V Augustinus comme