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439 JANSÉNISME, L’AUGUSTINUS, T., III. LA PREDESTINATION

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c’est simplement approuver, constater ce qui est fait : sic aliquid velle facere quod jam fularum vides, non est velle ut aliquid fiut, sed approbare quod faclum est. La thèse de saint Augustin est formelle : Dieu choisit tel ou tel, afin qu’il croie et non point parce qu’il a cru ; notre sort est entièrement entre les mains de Dieu et nous ne sommes que ce que Dieu a voulu que nous soyons, c. xxii.

f) Enfin les plaintes des Marseillais contre saint Augustin permettent de connaître la thèse du grand docteur. L’origine de l’erreur semi-pélagienne est dans ce fait que les Marseillais ne veulent pas comprendre et croire que la prédestination divine précède toute prévision des actes de l’homme. Cette prédestination, disent-ils, serait le destin, le fatum païen, il détruirait le libre arbitre et engendrerait le désespoir et la paresse, rendrait la correction inutile, supprimerait les conseils, les commandements, la prière, puisque les actes de l’homme dépendraient de la prédestination gratuite, laquelle est posée à priori par la volonté de Dieu, c. xxin.

Cependant on trouve dans saint Augustin, spécialement dans le I er livre à Simplicien, des textes qui sont en opposition avec cette interprétation et qui semblent indiquer que saint Augustin ne parle que de la prédestination de mérite et non de grâce. Mais, répond Jansénius, ces livres sont antérieurs à la controverse pélagienne et appartiennent à une époque où saint Augustin n’était pas encore niai Lie de sa pensée définitive ; d’ailleurs Augustin ne discute avec les semi-pélagiensquesurlane’cessf’/e de la grâce et souvent il distingue la prédestination et l’élection. Bien qu’il parle de prédestination à la grâce et à la gloire, il suppose chez l’élu une qualité spéciale qui le sépare du réprouvé : nemo eligitur nisi jam distans ab Mo qui rejicitur ; par suite, on est prédestiné avant d’être élu, quoiqu’en fait, le prédestiné soit élu. Quels que soient les textes allégués, ils ne sauraient détruire la thèse fondamentale de saint Augustin sur la nature de la grâce et la manière dont elle agit ; or, cette thèse conduit nécessairement à la prédestination gratuite : la délectation victorieuse de la grâce fait faire le bien infailliblement ; elle donne la volonté et opère Invinciblement son effet, depuis le commencement de la foi jusqu’à la fin de la vie ; elle est le principe nécessaire de toutes les bonnes œuvres ; donc elle doit être décrétée et ordonnée avant même qu’on puisse concevoir une bonne œuvre quelconque, car la cause doit être ordonnée avant son effet ; bref, il n’y a pas de mérite possible qui précède la prédestination, car tout mérite suppose la grâce, et la grâce, chez les élus, suppose la prédestination. Comme Lessius prétendait, d’après un texte de saint Augustin, que la prédestination suit la prévision des mérites, Jansénius, pour lui répondre distingue l’élection selon l’intention et l’élection selon l’exécution. La première précède, la seconde suit les mérites. Or saint Augustin distingue l’élection et la prédestination : l’élection suppose la Justification et, par conséquent, la connaissance préalable du mérite qui procède de la grâce accordée gratuitement. Quand il parle « le la prédestination ou élection vraie, saint Augustin ne fait aucune allusion à la prévision des mérites et quand il parle de prévision ou de prescience, il s’agit toujours des effets qui naissent de son décret. Ceux (|iii font dépendre du consentement de la volonté, l’efficacité de la grâce sont en opposition formelle avec saint Augustin ; ils soutiennent la doctrine de Molina d’accord avec les senii-pélagiens, comme il le montrera dans son Parallèle, notes des c. i et iv, c. xxiv.

5. liaisons de. la predestination(c.xxv-xxvi). — Pourquoi Dieu pr< desline-t-il les uns et pas les autres ? Quelle est la raison de son choix ? Les lumières natu relles montrent que la créature raisonnable est libre et qu’elle doit être heureuse ou malheureuse suivant ses vertus ou ses vices personnels. Comment peut-on réduire cette créature à un état tel qu’il lui soit impossible d’arriver au bonheur, par le seul fait qu’elle n’a pas été prédestinée ? « De grâce, s’écrie saint Augustin, qui êtes-vous ? L’homme ne voudrait pas dépendre de Dieu et il voudrait trouver en lui-même quelque chose qui explique la prédestination et la réprobation. » L’obscurité de cette question a fait naître de nombreuses erreurs, de véritables hallucinations : les uns, avec Origène, ont imaginé une vie antérieure ; d’autres attribuent à l’homme tous ses mérites (pelagiens) ; d’autres supposent certaines affections qui naissent en nous et qui permettent à Dieu de nous élire (semi-pélagiens) ; des théologiens prétendent que l’homme qui vit moralement bien a certaines dispositions dont Dieu se sert et sur lesquelles il s’appuie pour lui accorder des grâces ; d’autres affirment que Dieu accorde sa grâce à celui qui fait ce qu’il peut. Pour tous, c’est la liberté de l’homme qui fait la prédestination. Autant d’erreurs qui viennent de la raison et de la philosophie ; ceux qui les soutiennent se sont égarés misérablement pour n’avoir pas consulté Dieu, la révélation et la tradition.

Que nous dit, en effet, la révélation ? Que les anges qui ont persévéré et ceux qui se sont perdus ont été la cause de leur prédestination et de leur réprobation par l’usage qu’ils ont fait de leur liberté. Mais il n’en est pas de même pour l’homme déchu, car sa liberté n’est plus capable de choisir entre le bien et le mal.

Dieu nous avait créés libres et le sort de l’homme était entre ses propres mains ; mais Adam a péché en abusant de sa liberté et, sans avoir égard au don magnifique de Dieu qui l’avait fr"* ce qu’il était, il a lâchement abandonné son créaieur pour courir après les créatures. Dès lors, comment l’homme pourrait-il avoir les mêmes droits qu’avant sa rébellion ? Dans le premier état, l’homme se serait discerné lui-même par les forces de sa nature, par sa liberté ; mais cette heureuse liberté a disparu ; il n’y a plus en lui que vanité et mensonge ; il est esclave de ses passions, soumis à la malheureuse nécessité de pécher, incapable de faire aucune bonne œuvre, même au point de vue moral. Par lui-même, l’homme ne peut que pécher et évidemment cela ne saurait être la cause de la prédestination. On ne peut parler de nos efforts personnels pour le bien, afin de nous disposer à la grâce et à la prédestination, puisque l’effort pour le bien n’est possible que par la grâce. Nous sommes tous également misérables et Dieu n’est nullement tenu de nous secourir ; entre les démon* - et les hommes, il n’y a qu’une différence : hue tantum distat inler homines malos et deemones quod hominibus supersi !, si Deus misereatur, reconciliatio, dse.mon.ibus autan nulla est servala conversio. Dieu choisit ceux qu’il veut, par pure miséricorde, sans commettre la moindre injustice à l’égard des autres ; il délivre les uns et abandonne les autres ; c’est son secret incompréhensible et impénétrable que nous devons adorer avec humilité et non point scruter avec curiosité et présomption, c. xxv.

Le nombre des élus est fixe, certain, arrêté par Dieu. Dei pnvscienlia definitus muncrus sanctorum… ila est certus ut née addalUT cis quisquam ; nec minuMur ex eis.

Parmi ces élus, 1 y a les anges et les hommes. Les bons anges n’ont point été réellement prédestinés, car ils se sont discernés eux-même par leur liberté, tandis que la prédestination proprement dite est un décrel efficace qui réalise la béatitude et aussi la sanctifleation il le mérite ; ils ont été seulement prévus, prtrscili. comme devant persévérer par eux-mêmes. Au contraire, ! es hommes sont vraiment prédestinés à la grâce et a la réconqx use à cause de la clvute d’A-