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    1. JANSÉNISME##


JANSÉNISME, L’AUGUSTIXL’S. T. III. LE LIBRE ARBITRE

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empêche de forger des chaînes qu’on ne pourrait rompre, car la répétition des actes engendre la nécessité ; elle est inilium sapientiæ : c) elle chasse l’habitude des actes mauvais et laisse aux actes bons une place libre, car les habitudes mauvaises s’opposent au bien et finissent par le rendre impossible : la vertu paraîtra moins austère et on goûtera moins les faux plaisirs des actions mauvaises ; elle fait naître une certaine iacilité pour le bien et apprivoise avec la vertu, car la douceur de la vertu vient en partie de l’abstention du mal ; d) pressé et forcé par la crainte des châtiments, le pécheur a recours à la miséricorde de Dieu et le supplie de le délivrer des châtiments, en le priant de lui accorder sa grâce pour éviter le péché lui-môme. Ainsi la crainte prépare à la vraie sagesse et c’est pour cela que saint Augustin la déclare bonne, utile, très salutaire ; c’est pour cela que le concile de Trente a très justement condamné Luther qui prétend que la crainte de la géhenne rend les hommes plus méchants, alors qu’en réalité, la crainte ouvre les voies à la charité. C’est un mouvement de l’Esprit qui n’habite pas encore en nous, mais qui nous excite et nous prépare à le recevoir dans la charité, c. xxvii, xxxv.

6° Le libre arbitre (Livre VI). — Après avoir étudié la nature de la grâce qui consiste essentiellement dans la délectation victorieuse de la charité et non point dans la crainte des châtiments, Jansénius aborde le problème délicat de la liberté et de son accord avec la grâce. A cette grave question, il va consacrer les livres VI, VII et VIII, où il ne veut, dit-il, que souligner et reprendre les thèses de saint Augustin. Le livre VI expose plutôt ce que n’est pas le libre arbitre ; le livre VII essaie d’en préciser le concept positif ; le livre VIII aborde le redoutable problème de la conciliation entre grâce et liberté.

1. Définition du libre arbitre (c. i-v). — Le mot de libre arbitre, pour saint Bernard, désigne le jugement de la raison, arbitrium et le caractère essentiel de la volonté, liberum, mais pour saint Augustin le libre arbitre ne comprend que la puissance ou l’acte de la volonté qu’il appelle vouloir ; la raison n’intervient qu’indirectement, par l’intermédhire de la volonté elle-même. Saint Augustin emploie indisinctement les mots : uoluntatis arbitrium, arbitrium libertatis, libéra voluntas, et il entend surtout l’acte de la volonté ou volition, c. i.

Etre libre s’oppose à être captif, détenu, empêché ; être libre, c’est n'être pas soumis à la domination d’un autre, s’apparlenir à soi-même ; par suite, la liberté s’oppose à l’esclavage, car l’esclave dépend d’un maître. Bref, le libre arbitre exclut toute sorte de domination étrangère, de servitude à l'égard d’autrui ; par suite, le libre arbitre est quelque chose de positif, de réel qui signifie qu’on est en possession de son droit, qu’on est maître de son action, qu’on fait sans contrainte et sans violence ce qu’on veut, parce qu’on le veut. Aristote et les pélagiens eux-mêmes admettent cette définition, ainsi que les l'éres grecs, en particulier, saint Basile, saint Grégoire de Nysse, ainsi que saint Thomas et les scolastiques nouveaux qui ne s'écartent pas de cette définition du libre arbitre : actuum suorum dominum esse. Etre libre, c’est avoir un empire sur ses actes et les produire quand on veut, c. ii, m.

Saint Augustin a résumé toutes ces idées dans une fitfinit ion célèbre : c’est être a soi-même, avoir ses actions en son pouvoir : quid sit esse in nostra potestate, niai actum luiberc in potestate. Les scolastiques disent qu’une chose est ni noire pouvoir, lorsqu’ayanl tout ce qui est nécessaire pour agir, nous pouvons, i noire gré, agir ou ne pas agir. Saint Augustin est très éloigné 'l’une semblable pensée : avoir un acte en sa puissance, c’est le faire quand on veut : hoc

habemus in potestate quod, cum oolumus, fæimus. Pour savoir si ce que nous faisons est en notre puissance, il suffit de voir si nous le faisons, quand nous voulons. Une action est en notre pouvoir, lorsqu’elle vient de notre volonté et la seule présence de notre volonté indique d’une manière infaillible que l’acte est en notre pouvoir, donc qu’il est libre. C’est pourquoi les passions que nous subissons ne sont pas en notre pouvoir, ne sont pas libres ; c’est pourquoi les mêmes actes peuvent être libres ou ne l'être pas, suivant les cas : ainsi les mouvements de nos membres sont libies, quand ils dépendent de notre volonté, en tant que nous les faisons, quand nous voulons et ils sont libres dans la mesure même où le commandement de la volonté se fait sentir, c. iv.

Toute action de notre volonté est donc en notre pouvoir et, par suite, libre. La volition est essentiellement libre, parce qu’elle est essentiellement en notre pouvoir, car il n’est pas possible que nous ne voulions pas, quand nous voulons. La volonté ne peut être, si elle n’est pas libre, car, si elle agit, c’est évidemment qu’elle a en sa puissance ce qu’elle fait ; autrement elle n’agirait pas. La prescience divine ne peut, en rien, compromettre cette liberté, car elle ne saurait empêcher que notre volonté soit en notre pouvoir. Dieu prévoit ce que nous faisons, mais nous restons libres de le faire, car il ne prévoit que ce que nous pouvons vouloir librement et ce que nous faisons en le voulant. Rien n’est donc plus en notre puissance que notre volonté ; l’essence de la liberté est dans la volonté ; aussi toutes les actions qui se font par ordre de la volonté sont nécessairement libres, parce qu’elle sont en notre puissance. Par suite, volonté libre, volition libre et libre volonté sont des termes équivalents : nihil iam esse in nostra potestate quam ipsam voluntatem. Par contre, une chose n’est pas libre, quand elle n’est pas en notre puissance, quand clic est faite, lorsque nous ne le voulons pas ou qu’elle n’est pas faite, quand nous le voulons quod fit nobis nolenlibus. Cela arrive, quand nous sommes contraints par quelque nécessite qui produit son effet malgré la résistance que nous y opposons, lorsque l’action procède d’une contrainte extérieure. Celui qui est contraint ne veut pas, donc n’est pas libre, c. v.

2. Liberté et nécessiié(c. ix). — Pour préciser, Augustin distingue deux sortes de nécessités : l’une simple et volontaire qui ne répugne pas à la liberté ; l’autre de coaction, de contrainte, involontaire qui détruit la liberté. La nécessité de coaction produit son eflet, malgré la volonté ; elle opprime la volonté comme un poids qui l’accable et l’empêche d’agir (naître, vivre, grandir, dormir.mourir. etc.). Mais la nécessité simple et volontaire nous laisse libres, bien que les actes soient déterminées dans l'état où on se trouve. Si la volonté ne résiste pas, si elle désire ce qu’elle fait, si elle s’y attache inviolablement, elle agit avec libei té, bien qu’elle agisse nécessairement, car, malgré cette nécessité simple, elle veut ce qu’elle fait, elle prend plaisir à l’acte, puisqu’elle ne fait aucune résistance ; bref, la volonté reste volonté, donc demeure libre. Il faut que l’acte se fasse, mais de telle manière que la volonté consente et veuille sans violence, spontanément, qu’il en soit ainsi ; l’acte dépend de la volonté et se trouve en la puissance de cette volonté, de telle sorte que, si elle ne voulait pas, l’acte n’existerait pas. Dieu a connu de toute éternité que j'écrirai ces lignes ; comme il ne peut se tromper, il faut que cela arrive, néanmoins il ne contrainl point ma volonté ; je suis maître de iion action, je reste libre. C’est une nécessité simple et volontaire. La volonté, quoique déterminée à un acte par cette nécessité qui nous faire dire : cela est nécessaire, ne cesse pas cependant d'être libre, parce qu’elle ne cesse pas d'être volonté. Vouloir une chose ardemment,