Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/196

Cette page n’a pas encore été corrigée

373

    1. JANSÉNISME##


JANSÉNISME, L’AUGUSTINUS, T. II. ÉTAT DE PURE NATURE 374

naturelle ne peut être observée pleinement sans la grâce, c. ix.

Un autre argument est tiré du libre arbitre. Dans la nature pure, l’homme n’aurait pas eu le pouvoir de faire le bien et il eût été dans la nécessité de faire le mal, tout comme actuellement dans l’état de nature déchue, puisque ces deux états ne différent qu’accidentellement ; on peut même dire que la nature pure est inférieure à la nature déchue, puisque, dans cette dernière il y a des restes de la révélation primitive, des traditions transmises à sa postérité par Adam qui avait été élevé à l’état surnaturel, c. x.

3. Impossibilité de Celai de pure nature, prouvée par Canalyse de la concupiscence (Livre II, c. xi-xxi). — Jansénius développe très longuement l’argument tiré de la concupiscence qu’il étudie dans tout ce livre, en le décomposant en huit arguments secondaires, arg. 7-14, exposés dans les c. xi-xxi. Sous des formes diverses, ces arguments tendent à prouver que Dieu ne pouvait créer l’homme avec la concupiscence.

Julien admet toutes les thèses de la philosophie païenne au sujet de la concupiscence, qui, d’après lui, est une conséquence de la nature animale de l’homme : concupiscere viventis senlientisque naturse est. L’homme est composé de deux parties qui ont, chacune, leur bien propre ; au corps est naturellement attachée la concupiscence qui existait même au paradis terrestre, telle est également la doctrine d’Aristole et des scolastiques, de Bellarmin par exemple, c. xii. Par suite, la concupiscence est naturellement bonne ; elle est l’œuvre de Dieu, puisqu’elle tient à la nature de l’homme, tel qu’il est sorti des mains de son créateur, c. xii.

Mais saint Augustin s’élève énergiquement contre une telle opinion qu’il déclare fausse et impossible : la concupiscence et ses mouvements ne sont point bons et ils ne viennent pas de Dieu ; la concupiscence est vicieuse ; c’est une maladie, aigritudo ; ee est mauvaise, car elle est en lutte ouverte contre l’esprit et la droite raison ; elle vient de l’homme qui a péché, et, par son péché, a corrompu la nature créée par Dieu. L’exemption primitive de la concupiscence tenait à la santé naturelle de l’homme. Il faut donc encore conclure que la nature pure, uvec la concupiscence, est un état impossible, c. xiii.

Les mouvements de la concupiscence ne sont, au fond, que des désirs de pécher ; ils sont donc mauvais et illicites en eux-mêmes. Ces désirs sont indélibérés et ils précèdent la volonté ; mais il faut les réfréner, c’est donc qu’ils sont mauvais, bien qu’ils ne soient pas coupables en eux-mêmes. Us sont le châtiment du péché originel. Chez les animaux, cette concupiscence n’est pas mauvaise, parce qu’elle n’est pas, en eux, opposée à la raison, mais elle est mauvaise chez l’homme qui, lui, a la raison, in pecoribus non est rr.alum, quia in eis non concupiscit caro adversus spiritum. Ainsi ce qui est droit et bon dans une nature inférieure est vicieux dans une naturi supérieure qui voudrait l’imiter, vitium hominis est natura pecoris, car l’animal suit sa nature, tandis que l’homme poursuit une nature qui lui est étrangère et inférieure, c. xiv.

De la thèse pélagienne, Jansénius tire plusieurs conséquences qui, dit-il, en montrent la fausseté absolue. Si Dieu avait créé la nature humaine avec la concupiscence, il serait permis de consentir à ses mouvements, puisque, par là, on obéirait à la sagesse divine et on suivrait la nature telle qu’elle a étéfaiteparDieu, c. xv ; de plus, dans cet état, il eut été mal de s’abstenir du mariage, puisque c’eût été agir contre la nature et résister à la concupiscence, œuvre de Dieu, c. xvi. La pudeur et la honte qui accompagnent les mouvements de la concupiscence montrent bien que la cuncupiscence ne tient pas à notre nature ; cette pudeur vient d’un désordre que l’on constate. Si la

concupiscence était l’œuvre de Dieu, on ne devrait pas rougir de ses mouvements, car rougir de l’œuvre de Dieu.ce serait une ingratitude et une impiété à l’égard du créateur, c. xvii La conclusion de toutes ces observations est que l’état de nature pure dans lequel la concupiscence serait attachée a la nature, et, par conséquent, viendrait de Dieu, est impossible, puisque ses mouvements sont mauvais, illicites, honteux, et Julien qui a défendu cette thèse est tombé dans le vieux manichéisme, c. xviii. Ce qui est vrai de la concupiscence charnelle est également vrai de toutes les autres passions, qui, toutes, ont leur origine dans une révolte du corps contre l’âme et sont une punition du péché, et, par suite, n’appartiennent pas à la nature même. Toutes, plus que les passions déréglées de l’esprit, sont accompagnées de honte, parce que l’esprit est vaincu par le corps et que cette défaite de l’esprit est particulièrement honteuse, c. xix.

Jansénius poursuit sa démonstration : l’ordre naturel exige que le corps soit soumis à l’âme ; la perturbation de cet ordre est évidemment coupable, d’autant plus coupable que, sans l’âme, la vie du corps en rébellion est impossible ; de plus, l’âme est divisée contre elle-même. Cette révolte et cette division que l’on constate aujourd’hui ne peuvent venir de l’institution primitive. Si, en effet, il est naturel à l’appétit sensible de désirer et de poursuivre le bien sensible, son propre bien, il n’est pas naturel qu’il poursuive ce bien contre l’ordre de la raison qui devrait commander et se faire obéir ; cette résistance de la partie inférieure ne vient pas de la nature, mais du péché qui a corrompu la nature jusqu’en ses racines.

Cette opposition, disent les scolastiques, tient à la distinction du corps et de l’âme, de l’appétit sensible et de la volonté raisonnable ; sans doute, répond Jansénius ; mais l’ordre exige que l’inférieur soit subordonné au supérieur, le corps à l’âme, l’appétit sensible à la volonté, comme « la femme mariée à son mari. La femme non mariée se gouverne elle-même, mais mariée, elle doit obéissance. De même, le corps seul, dans les animaux, se gouverne lui-même, mais dans le composé humain, il doit se soumettre à l’âme, » c. xx.

Enfin, conclut Jansénius, le conflit de saint Augustin avec Julien, au sujet de la transmission du péché originel par la concupiscence prouve que la concupiscence n’appartient pas à la nature pure. La source du mal est l’esclavage de la partie supérieure de l’homme. Ce renversement de l’ordre, cette injustice ne peut être qu’une punition du péché, c. xxi.

De même, l’ignorance profonde de notre intelligence ne peut être attachée à la nature pure ; l’ignorance invincible du droit naturel, qui n’excuse point du péché, est mauvaise, parce qu’elle est une punition du péché ; elle n’est point primitive et ne saurait venir de la nature créée par Dieu, car elle est contraire à la vraie sagesse ; elle est la source de l’erreur et de la folie, opposées à la vérité et à la sagesse, error, stultitia, c. xxii.

4. Impossibilité de l’état de pure nature prouvée par les misères du corps (Livre III). — Après avoir exposé seize arguments tirés de l’ordre moral, pour prouver l’impossibilité de la nature pure, Jansénius aborde les arguments tirés de l’ordre physique.

Les misères du corps ne rendent pas la créature raisonnable mauvaise, mais elles la rendent malheureuse ; c’est pourquoi Dieu ne peut les infliger à la créature innocente. Les jésuites, Suarez et Vasquez, ont cru cependant que Dieu, en vertu de son souverain domaine, pourrait affliger de souffrances physiaucs l’homme innocent, c. i.

Contre les modernes, Jansénius veut montrer, avec saint Augustin, que Dieu ne peut pas ne pas punit le péché, non potest ut non puniat peccatum Deut, caril doit sanctionner la loi éternelle ; les méchants doivent