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359 JANSÉNISME, L’AUGUSTINUS, T. II. ŒUVRES DES INFIDÈLES 360

connaissance de la loi ne donne pas le pouvoir de l’accomplir ; tout au contraire, la loi fait abonder le pèche ; p. sans la grâce, la lutte contre la concupiscence est impossible, car l’iiomme esclave ne peut que suivre cette concupiscence ; ys ; m s la grâce, l’iiomme ne peut vaincre les tentations : ou bien, on est vaincu par elles, ou bien on en triomphe, mais ce triomphe n’est qu’apparent ; en réalité, la prétendue victoire est due à une autre concupiscence (orgueil, crainte des châtiments, etc.), si vincit occultius, velsuperbia, vel timoré, vel alia cupiditate superatur, c. xv. Dès lors, l’action inspirée par la crainte par exemple, ne saurait être bonne : il faut l’amour de la justice, la charité ou amour de Dieu et celui qui agit par crainte d’un châtiment a’aime pas la justice, c. xvi.

Seule, est bonne l’action qui a pour motif l’amour de Dieu, fin dernière, l’amour de Dieu aimé pour lui-même ; et l’action inspirée par un autre motif n’est pas exempte de faute, parce que l’action qui n’est pas rapportée â la fin â laquelle la vraie sagesse prescrit de la rapporter, n’est pas conforme à l’ordre et, par suite, est plus ou moins coupable, c. xvii. Tout amour de la créature est vicieux ; or, cet amour occupe le premier plan dans toutes les œuvres des infidèles : ils aiment ïa créature plus que le créateur et le monde plus que Dieu ; ils obéissent à la cupidité plus qu’à la charité ; donc toutes leurs œuvres sont mauvaises, c. xviii. D’ailleurs, il n’y a pas de milieu entre la charité et la cupidité coupable et comme l’amour règle tout, il faut qu’une action vienne ou de l’amour de Dieu ou de l’amour de la créature ; ainsi la cupidité règne partout où n’est pas la charité de Dieu, c. xix.

Jansénius consacre les derniers chapitres de ce livre à préciser cette thèse : sans la foi et la grâce, l’homme peut observer matériellement les commandements, mais par orgueil ou par crainte, c’est-à-dire, sous l’impulsion de la cupidité terrestre, toujours coupable, qui nous enserre dans ses liens. On n’évite un péché que pour tomber fatalement dans un autre, peut-être plus grave et plus dangereux, parce qu’il est plus cache : omne quod non est ex fide peccaiam est, c. x.x. Aucune tentation ne peut être vaincue effectivement que par l’amour de Dieu ; autrement, elle n’est vaincue que par une autre tentation, c. xxi.

C’est pourquoi nous n’avons de nous-mêmes que cupidité et mensonge, car c’est en nous que naît la cupidité d’où vient tout péché et qui ne peut produire que péché. La charité qui triomphe ne peut venir de nous ; aussi les œuvres laites sans charité sont péchés, même celles qui surmontent le péché, en apparence. Voilà la doctrine formelle de saint Augustin, dit Jansénius. Comprise autrement, cette doctrine est un pur labyrinthe, mcruni labyrinthum, c. xxii.

Le concile d’Orange a emprunté à saint Augustin ces mêmes paroles et en a fait un canon dogmatique, can. 22. Omnis homo mendax. C’est pourquoi nous devons avoir soif de la justice de Dieu, de cette justice qui vient de la grâce de Jésus-Christ, c. xxiii.

Voir Augustin (Saint), t. i. col. 2435-2436.

il) Conséquence de l<i déchéance du libre arbitre : ions des infidèles ; Nécessité de péchei et liberté (Livre IV). — Jansénius continue de signaler les conséquences du péché orginel sur la liberté et il développe

des idées ébauchées au livre précèdent, en particulier

au Mijei des actions des Infidèles.

a. V.r.s ntlions des infidèles et des philosophes, C. I xvii. — Saint Augustin, écril Jansénius, enseigne ex professo ce principe constant : tout ce qui ne vient pas de la foi est péché ; il commente le texte de saint Paul

au nom duquel il conclut que toutes les œuvres des

Infidèles Boni mauvaises ; lorsque les infidèles paraissent faire quelque acte de vertu, en réalité, ils commettent des péchés : luillnm ab lioininibus qui eurent

fide passe fieri opus bonum, sed solum mendacia atque peccata, c. i. Jansénius prend vivement à partie Suarez qui essaie d’adoucir les thèses augustiniennes, qui déclare que la doctrine de saint Augustin prise au sens gênerai est inacceptable, que les raisons alléguées par lui sont frivoles et que ses arguments sont équivoques. Les textes de saint Augustin, dit Jansénius. ne peuvent s’entendre au sens dont parle Suarez : il ne s’agit point d’actes bons, mais qui ne peuvent servir à la vie éternelle, car saint Augustin parle de vrai péché, quand il commente saint Paul et il oppose sa thèse à celle de Julien qui admet des actes bons stériles. Pour le grand docteur, les actions des infidèles, par le fait qu’elles ne se rapportent pas à Dieu, ne sont poipt bonnes et les volontés qui les produisent, étant stériles, ne peuvent donner de bons fruits ; leurs œuvres sont seulement moins mauvaises que d’autres et elles seront jetées au feu. En elTet, il n’y a pas de milieu entre les péchés et les actions qui méritent la vie éternelle. L’infidèle fait /m// une action bonne en soi ; or, celui qui fait mal une chose pèche très certainement : qui autem facit mate uliquid, profecto peccat et bonu maie jæil. L’infidèle peut faire des actions qui paraissent bonnes devant les hommes, parce qu’elles sont bonnes par rapport à leur substance, à leur objet, mais ces actions sont pourtant de vrais péchés en ceux qui n’ont pas la foi, parce que ces actions ne sont pas des fruits de la foi et que l’infidèle ne peut agir que par son propre esprit. Bien que les infidèles soient coupables eu faisant ces prétendues bonnes œuvres, parce qu’ils les font mal, cependant ils sont moins coupable i que s’ils les omettaient. Ceux qui ont mené une vie plus honnête parmi les païens ne doivent pas être regardés comme plus vertueux que ceux qui ont fait profession de crimes ; mais ils ont été moins méchants, ils se sont moins écartés de la vertu. La volonté de l’infidèle est tellement détournée de Dieu que, quoi qu’elle fasse, elle n’agit que suivant sa nature corrompue ; dès lors, leurs actes sont contraires à la vraie justice et dignes de supplices. En résumé, pour faire une action bonne, et pour éviter le péché, il faut une intention et une fin bonnes, c’est-à-dire, la foi et l’amour de Dieu ; l’acte fait et inspiré par ces motifs conduit nécessairement à la vie éternelle, c. n.

La seule absence de la foi suffit pour qu’on puisse dire que les actes des infidèles sont de vrais péchés, car. en eux, il ne peut y avoir aucun mouvement de la grâce, puisque celle-ci commence toujours par la foi et on n’a aucune part à la grâce avant de commencer à sortir de fin fidélité, hoc ipso quod non adest ille finis debitus qui est verus Deus, et fide per dilectionem opérante intenlionemque finis dirigenle proponi débet, opus esse matum…. Hoc ipso quod fide opus ad Deum rejercnle curent, efficiuntur injusti… Ubi nen est amor creatoris, necesse est ut creaturis vel utatur, vcljruatur.., et la conclusion est catégorique et absolument générale. Omnia omnino opéra in fidelium, nullo excepto, esse vera peccata, née esse pusse nisi peccata, lanla mani/estatione declarai’it ut si solis radiis cam (sententiam) scribere vouiisset, l’ix arbitror illustrius cam no bis depingere potuisse. Bref, pas de vertu possible sans la grâce ; pas de grâce sans la foi. Reconnaître quelque vertu dans les infidèles, ce serait anéantir la mort de Jésus-Lhrist et ruiner la grâce, c. ni.

El les raisons données par saint Augustin ne sont point frivoles, l’ar l’Infidélité, l’âme se trouve éloignée de Dieu, détournée de Lui ; donc elle ne peut faire aucune œuvre bonne. L’infidélité est une fornication de l’âme qui s’attache aux créatures. Il en est de même des pécheurs ; mais comme ceux-ci ont la foi, ils peuvent faire quelques œuvres pour l’amour de Dieu ; leur foi prie et ils peuvent exécuter quelques

actions imparfaites, c. IV.