Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/180

Cette page n’a pas encore été corrigée

S’il JANSÉNISME, L’AUGL STIM S, T. II. MÉTHODE DE’LA THÉOLOGIE 342

sénius se déclare nettement contre la probabilité extrinsèque des casuistes et il proteste contre leur ordinaire maxime qui est, dit-il, Aude tantum, nos faciemus probable, c. vin. L’Écriture et la tradition sont les seules sources de la révélation et de la théologie ; ce sont les conciles et les Pères des premiers siècles qui ont posé les limites de la théologie, c. ix. L’hérésie pelagienne est issue des plus purs principes de la philosophie aristotélicienne, c. x.

Après avoir proclamé que la théologie doit s’inspirer uniquement des sources de la tradition et n’employer que la méthoac d’autorité, Jansénius, dans un passage curieux, préconise une méthode toute différente, une méthode intuitive que certains regardent, bien à tort, comme une forme d’illuminisme.

Il y a, dit-il, c. vii, début, deux méthodes pour pénétrer les mystères divins que la révélation nous propose : l’une est celle des raisonnements humains, suivie par les philosophes ; elle est sujette à beaucoup d’erreurs. » Jusque-là, rien à noter de nouveau, mais un peu plus loin, Jansénius continue, et ceci est singulier. « L’autre méthode part de la charité enflammée par laquelle le cœur de l’homme est purifié et illuminé de manière à pénétrer les secrets de Dieu, contenus dans l’écorce des Écritures sacrées et dans’les principes révélés eux-mêmes. Ce mode de comprendre est très familier aux vrais chrétiens. C’est par ce moyen que dans les personnes spirituelles, hommes ou femmes, à mesure que la charité s’accroît, la sagesse croît aussi, jusqu’à ce qu’elle arrive à son jour parfait. En effet, de même que l’arbre naît de la semence et qu’à son tour la semence naît de l’arbre et qu’ainsi l’un et l’autre, par cette production réciproque, se multiplient à l’infini, ainsi la connaissance de la foi chrétienne suscite l’amour de la charité, et opère par elle ; cette charité aussitôt provoque une nouvelle lumière de connaissance ; cette lumière excite la flamme de la charité qui, de nouveau, engendre une lumière ; et ainsi, flamme et lumière s’excitant et s’engendrant, conduisent l’âme à la plénitude de la ferveur et de la lumière, c’est-à-dire à la plénitude de la charité et de la vérité, c’est-à-dire à la plénitude de la sagesse.

Il ajoute que ces deux méthodes conduisent à des résultats bien différents : « la première conduit à des vérités épineuses, arides, spéculatives et, par suite, frivoles et inutiles ; la seconde, au contraire, conduit à des vérités qui, soit qu’elles se rapportent à Dieu, soit qu’elles se rapportent à l’ordre, soit qu’elles se rapportent à la règle des mœurs, sont savoureuses et influent profondément, medullilus, sur la charité d’où elles étaient sorties.

2. Autorité de saint Augustin.

Dans son autobiographie, Jansénius raconte la résolution qu’il prit dès le temps où il fut témoin des controverses théologiques ; il ne trouve pas la vérité dans les livres scolastiques qui sont de pures élucubrations de la métaphysique aristotélicienne. Il étudie les Conciles et les Pères et, parmi eux, surtout saint Augustin : pendant vingt-deux ans, il s’est plongé, immersus fui, dans ce docteur chez qui il a trouvé réunies les doctrines dispersées çà et là dans les livres scolastiques et il a compris leur sens en les replaçant là d’où elles avaient été arrachées.

Alors Jansénius commence l’éloge vraiment dithyrambique du grand docteur de la grâce, c. xii-xxiv, Il suffit de citer le titre des chapitres qui se succèdent : Saint Augustin a posé les quatre thèses fondamentales du christianisme contre les quatre erreurs les ptur, formidables : l’unité du chef de l’Église, l’unité du corps de l’Église, l’unité du i - : i j > i ême qui incorpore à l’Église, c. xii, et enfin l’unité de la grâce, c. xiii. Le premier, il a ouvert aux fidèles et à l’Église l’intelligence de la grâce divine et du Nouveau Testa ment. La doctrine de saint Augustin sur la grâce est évangelique, apostolique, catholique, d’une autorité Irréfragable, écrite au nom de toute l’Église, au milieu du silence de tous les théologiens, c. xiv ; sa doctrine a été approuvée et consacrée en termes magnifiques par les papes Innocent, Zozime, Célestln, Léon, Hormisdas, Félix II, Jean II, Clément VIII, c. xv. Et pourtant certains modernes n’ont pas craint d’attaquer cette doctrine ainsi approuvée par l’Église, c. XVI, Saint-Augustin a surpasse tous les écrivains latins et grecs par l’abondance des lumières naturelles et surnaturelles, c. xvii. Son éloquence, son érudition, sa sagesse ont été célébrées par les éloges magnifiques des écrivains de son temps et des temps qui ont suivi, c. xviii. La force de la grâce a paru dans sa vie encore plus que dans ses écrits, dans celle conversion étonnante qui le rend semblable à Madeleine, à Pierre et surtout à Paul et dans l’institution des religieux qui se sont répandus en cinquante-quatre ordres, c xix. Il présente une surprenante ressemblance avec Paul par les marques de l’élection divine qui a brillé même dans sa vie dissipée, c. xx. En tous deux, on trouve un sens profond, l’intelligence et la prédication de la grâce chrétienne, qui venaient de leur amour, premier effet de la grâce, c. xxi. Les docteurs qui sont venus après lui ont appris de lui la grâce et la théologie : tout ce qu’il y a de solide chez les Pères grecs au sujet de la grâce vient de saint Augustin ; chez les latins, la chose est encore plus évidente et saint Thomas n’a fait, dans sa Somme, qu’un résumé de saint Augustin à l’usage des débutants. Si donc on a pu dire de saint Thomas qu’il a fait autant de miracles que d’articles, que dire de celui qui a fait de saint Thomas un tel thaumaturge, c. xxii.

Saint Augustin, dans ses écrits, a fixé les limites de la science théologique ; aussi tous les théologiens veulent être ou paraître augustiniens : Omnes mine augustiniani esse aut videri volumus, c. xxiii. C’est qu’Augustin est « le Père des Pères, le docteur des docteurs, le premier après les écrivains canoniques, vraiment sûr entre tous, subtil, irréfragable, angélique, séraphique, très excellent et ineffablement admirable », c. xxiv. Au cours de ce chapitre, se développent ces épithètes : Augustin est sûr, car il fonde sur des principes immuables toutes ses doctrines au sujet du chef et du corps de l’Église, de la trinilé, du baptême, de la grâce ; subtil, parce qu’il répand une lumière éclatante sur les points les plus obscurs en particulier sur la grâce ; irréfragable, car, dans la défense des mystères de la grâce et de la prédestination, il a soutenu l’autorité inébranlable des papes, des canons synodaux de l’Église et a écrasé tous les hérétiques ; angélique, car :  ! vécut comme un ange et brilla d’un éclat tout céleste ; séraphique, car personne, après les apôtres, ne s’arracha autant que lui aux passions d’ici-bas, n’adhéra plus fortement à la vérité et ne répandit les flammes de l’amour divin : très excellent et inefjablement admirable, car, docteur de la grâce, après les écrivains sacrés, il a pénétré, expliqué, la grâce plus clairement, plus pleinement et plus profondément, c. xxiv.

Bref, saint Augustin est le docteur infaillible et, en particulier sur la question de la grâce et de la prédestination, son autorité est absolue. Pour exalter saint Augustin, Jansénius est allé jusqu’à écrire : « C’est le rôle de l’Église de proposer et d’exposer aux fidèles les articles de foi combattus par les hérétiques et obscurcis par la négligence des hommes ; niais par un changement de rôle, dans lis débats sur la grâce, Dieu a choisi Augustin, ce vase d’élection, des le sein de sa mère, pour cette mission… ; taudis que, dans les autres chapitres de la doctrine chrétienne, quand ils sont attaques par les ennemis, tous les docteurs ont coutume de tirer de l’Église leur science et le décret