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JANSENISME, BlOClivl’Il II’. DE JANSÉNIUS


absolument indispensable à l’intelligence de l’évolution des Idées.

I. JANSÉNIUS ET LA PUBLICATION DE L’AU qustinus. — i. Biographie et écrits de Jansénius. II. La publication de l’Augustinus (col. 329.)

I. Biographie et écrits de Jansénius.

1° Biographie. — Cornélius Jansénius naquit le 28 octobre 1585 à Aequoy, petit village situé près de Leerdam, province de la Hollande méridionale, de parents catholiques peu fortunés. Son père s’appelait Jean Ottiie et sa mère Lyntje Gysberts. Suivant une coutume encore usitée dans les campagnes llamandes, l’enfant fut nommé « fils de Jean », en Hollandais Janszoon et, en langue vulgaire, Janssens, d’où est venu en latin Janssenius ou plus souvent Jansénius. Il manifesta une vive intelligence à l’école de Leerdam où il apprit les éléments de la grammaire, puis au collège SaintJérôme d’Utrecht où il s’initia à la littérature et à la philosophie ; il dut interrompre ses études pour venir en aide à ses parents et il travailla, dit-on, dans un atelier de menuisier ; mais, grâce à des amis généreux, il put reprendre ses études dès 1602 à Louvain, sous la direction des jésuites ; il étudia avec une ardeur opiniâtre et en 1604, à la fin de son cours complet de philosophie, il fut proclamé « primus >. A cette époque, au dire du P. Rapin, Histoire du jansénisme, p. 8, il songea à entrer dans la Compagnie de Jésus ; mais « son esprit, sa santé, son humeur, sa constitution naturelle » le firent écarter et le P. Rapin, op. cit., p. 8-10, raconte, d’une manière dramatique, ce départ qui expliquerait, en partie, la haine de Jansénius contre les jésuites. Rappelons d’ailleurs, une fois pour toutes, qu’il ne faut accepter que sous bénéfice d’inventaire les historiettes débitées par le P. Rapin. Quoiqu’il en soit, Jansénius serait entré au Collège Adrien VI dont le principal était Jacques Janson, le célèbre disciple de Baius, qui l’initia à la doctrine de son maître. Duchesnc, Histoire du baianisme, p 289-290.

Cependant dans son Élude sur J. Duuergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, Bruxelles et Paris, 1912, p. 11-13, M. Laferrière prétend, avec quelque vraisemblance, que Jansénius ne put alors connaître Janson, puisqu’il terminait sa philosophie en 1604 et que, cette môme année, il se trouvait à Paris. Jansénius n’aurait connu Janson qu’en 1(>17, quand il revint de Bayonne. Ce qui est certain, c’est que, quoi qu’en disent quelques historiens, Jansénius eut des relations avec Janson, car il écrit, Augustinus, t. ii, De statu naturæ lapsæ, . IV, c. xxvii, que Janson, dans un cours public, me præscnle, critiqua la bullequi condamnait Baius. Quoiqu’ilensoit de la date à laquelle il se lia avec Janson, dès cette époque Jansénius entra en relation avec Duvergier de Ilauranne qui lui fil connaître les doctrines de Baius et les attaques de Jacques Janson contre le P. Léonard Lessius, qui, à Louvain, s’appliquait alors à justifier la condamnation des erreurs enseignées par liai us. Sur Duvergier de 1 1 aurai) ne, voir t.iv, col. 19671975. L’université de I. du vain était très divisée ; par ses démarches, Janson avait obtenu la condamnation de quelques propositions dictées, disait-il, par Lessius et on commença à voir paraître des traités entiers sur la prédestination et la grâce ; on parla même de. réunir un concile national pour régler les difficultés doctrinales entre les deux universités de Douai et de Louvain, mais le pape Sixte Y avait évoqué l’affaire â Rome, cl, après examen, avait réformé les censures de Louvain et de Douai contre le P. Lessius. Le calme se rétablit provisoirement Jusqu’à la mort de Baius dont la soumission parut sincère..Mais son

disciple, Janson, continuait, paraît-il, â défendre ses

thèses sur la glace et créait a Louvain une atmosphère de sourde révolte contre les décisions arra chées à Rome, disait-on, par les menées des scolastiques et surtout des jésuites : ceux-ci, en faisant condamner les doctrines de saint Augustin, avaient voulu indirectement justifier leur molinisnie, nouveau-né, puisque l’ouvrage de Molina, De liberii arbitra eum qratise donis concordia n’avait paru qu’en 1588.

Jansénius vécut dans cette atmosphère de lutte contre le inolinisme qu’on respirait alors à Louvain et, avec une ardeur toute juvénile, il se plongea dans l’étude de saint Augustin ; mais il tomba malade et les médecins lui conseillèrent un climat plus doux. Il se rendit d’abord à Paris, en 1604 et son ami Duvergier de Haurannc lui procura un préceptorat chez un conseiller au parlement ; ils devinrent très intimes : ensemble, ils suivent les cours de Sorbonne ; ensemble, ils travaillent ; ensemble, ils étudient la grave question de la grâce qui, à cette date, soulève partout des discussions. Baiiez, professeur à l’université de Salamanque (1528-1604) venait d’enseigner sa théorie de la prédétermination physique, tandis que le jésuite espagnol.Molina (1535-1600) développait la thèse de la science moyenne du jésuite l’onséca (1528-1599). Les deux écoles baiïesicnne et moliniste s’étaient attaquées avec une vivacité extrême au point que le pape Clément VIII dut intervenir : il institua la célèbre Congrégation De auxiliis (1597). Après quatorze ans de débats presque ininterrompus sous les pontificats de Clément VIII et de Paul V, ce dernier termina, d’autorité, le procès demeuré sans solution, permit aux deux écoles de soutenir leurs thèses, et, pour éviter à l’avenir toute nouvelle discussion, fit défense expresse de publier des ouvrages sur la grâce sans la permission formelle de l’Inquisition (1611). Cette défense ne fut peut-être pas connue partout, Histoire générale du Jansénisme contenant ce qui s’est passé en France, en Espagne, en Italie, dans les Pays-Bas, etc., au sujet du livre intitulé Augustinus Cornelii Jansenii, par l’abbé** (Gerberon), Amsterdam, 1701, t. i, p. 11-26 ; en tout cas, la défense de Paul V ne fut guère obeie. Au dire de Clémencet, Histoire générale de Port-Royal depuis la ré/orme de l’abbaye jusqu’à son entière destruction, préface, p. xxxi-xxxii, ce fut cette décision de Paul V qui donna naissance au jansénisme : Paul V avait épargné l’erreur de Molina : » lorsque Dieu permit ce scandale, il choisit des hommes remplis de son esprit pour le réparer et pour combattre les funestes erreursqui venaient d’échapper â une condamnation. »

Duvergier avait déjà publié la Question royale, où on montre en quels cas un sujet peut être obligé de « conserver la vie du Prince aux dépens de la sienne, » in-12, Paris, 1609. Duvergier défendait, avec Edmond Richer, les maximes gallicanes, et, à toute occasion, raillait la scolastique, « avec laquelle on peut rendre probable tout ce qu’on veut. <> Jansénius ne semble pas avoir pris une part importante à cet écrit ; lui, étudiait toujours saint Augustin.

En 1611 (d’autres disent en 1606), Duvergier fut rappelé à Bayonne, sa patrie, par l’évêque Bertrand Deschaux qui le nomma chanoine de la cathédrale, mais il resta peu de temps à ce poste et il se retira dans une maison de campagne, voisine de Bayonne, à Champré que Rapin, op. cit., p. il, appelle Campiprat. Jansénius vint bientôt rejoindre son ami ; comme la ville de Bayonne venait de fonder un collège et que l’évoque ne savait à qui en confier la direction, Duvergier pensa à Jansénius qui fut agréé. Celui-ci resta principal du collège du 15 décembre ltil2 au l or juillet Uill. Histoire du Collège municipal aux XVIe, xvif et.wiw siècles à Bayonne avant 7 78P, par Drevon, in-8°, Agen. 1889, p. 170 sq.

Comme les fonctions de principal du collège ne lui permettaient pas de se consacrer tout entier à