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JACQUES (ÉPITRE DE), ANALYSE

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En Occident, nous en trouvons des traces dans Clément de Rome, Hermas et saint [renée. Elle n’es !

pas donnée expressément |>ar eux comme canonique, ni attribuée à Jacques, mais elle fournit un aliment à leur pensée et a leur foi. Nous ne la trouvons ni dans la plus ancienne version latine, ni dans le canon de Muratori. Elle n’apparaît que dans une recension tardive de la vieille version latine et nous ne la trouvons i>as dans le canon africain avant le tv siècle. 1 es rapports entre les orientaux et les occidentaux à l’occasion des.luttes doctrinales du iv° siècle, contribuèrent probablement à la faire connaître dans toute l’Eglise latine et à la faire accepter en Occident comme elle l'était en Orient. Ces faits n’ont rien d'étonnant si l’on considère le caractère avant tout pratique de l'épître et ses destinataires qui étaient des Juifs convertis. Elle n’offrait d’intérêt que pour le croupe d'Églises aux besoins desquelles elle répondait.

Les hésitations signalées par Origène, Eusèbe et saint Jérôme, ont probablement leur origine dans l’incertitude où l’on était sur la personne de Jacques « irère du Seigneur. évêque de Jérusalem, auquel la tradition attribuait l'épître ; sur son identité avec Jacques d’Alphée. l’un des douze. « Ces doutes pouvaient peut-être provenir aussi de ce que la rédaction de l'épître aurait été confiée par Jacques, évêque de Jérusalem, à un secrétaire de culture hellénique. Mais ces questions se rattacbent à l’objet d’un paragraphe suivant, l’origine de l'épître.

III. Caractères généraux et analyse de l'épître. — 1° Caractères généraux. — Sans l’adresse et le salut du commencement. I, 1, l'épître ne donnerait point l’impression d’une lettre. Elle ne contient aucune note personnelle et n’offre point de salutation finale. Elle consiste en une suite d’exhortations dans le ton de l’homélie ou de la littérature des proverbes : -a manière simple et pratique rappelle certains développements des évangiles synoptiques. Cependant elle n’est pas un traité général ; elle vise des lecteurs déterminés, et répond aux besoins d’un groupe d'Églises ou de communautés.

Dans la forme, l'épître ne présente pas une suite logique et cohérente d’enseignements ou d’exhortations, soutenue par une idée directrice. Les sections sont parfois reliées entre elles par la simple association des images : un mot suggère une idée et appelle un nouveau développement. Chaque développement porte sur un point déterminé de la vie chrétienne et se suffit n lui-même. Ce qui fait l’unité de l'écrit c’est son but : donner une règle de vie et réaliser le christianisme. L'épître veut montrer aux fidèles la différence qu’il y a entre le vrai et le faux christianisme, les encourager à supporter l'épreuve et la persécution, et à en tirer profit. Elle n’a point pour but de convertir par un exposé de la foi. ni de faire de l’apologie ou de la controverse ; elle est essentiellement pratique. Toutefois elle ne manque pas de profondeur et suppose une théologie des principales vérités chrétiennes.

L'épître, par le ton général, rappelle les écrits du Judaïsme, Elle insiste sur la justice, elle fait l'éloge de la sagesse, elle tire ses exemples de l’Ancien Testament. Ses expressions rappellent souvent celles des Proverbes ou des Prophètes. Elle conçoil la religion comme une connaissance de Dieu et de sa loi. et une pratique Adèle de cette loi, i, 22-24 ; ii, 19 sq., îv, 17. La sagesse est un don de Dieu, i, 5 ; ni, 17 : elle montre au fidèle le chemin et le guide dans les voies qui plaisent a Dieu, elle traduit la sainteté en acte par l’accomplissement des œuvres de charité en faveur des frere>, i, 26 ; n. 14-26. Si le juste souffre actuellement, il doit se consoler à la pensée du jugement qui mettra fin a ses souffrances et qui accablera

les oppresseurs impies, v, 1-7. Les seuls représentants île la volonté de Dieu, sont des personnages de l’Ancien Testament, v, 10 sq ; v, 17 sq. Dieu, législateur et juge, est personnellement l’unique centre de la religion. Les références directes à Jésus sont raies dans l'épître. Le Christ n’y est nommé que deux fois, i, 1 ; n, 1. Il n’y est rien dit de sa mort, de sa résurrection, de son exemple de patience, cf. v, 10-Il et I Pet., ii, 21 ; de sa prière, cf. v, 17 et Heb., v, 7. L’organisation dénotée par l'épître est décrite dans les ternies du judaïsme : il est question de la synagogue, ii, 2 ; des i anciens de l'Église. v. 1 I : d’Abraham « notre père », n, 21 ; du Seigneur des années », v, I (la seule fois dans le Nouveau Testament), des < douze tribus qui sont dans la diaspora », i, 1. Lis expressions de l'épître rappellent, les Proverbes, Job, l’Ecclésiastique, la Sagesse. Tous les chapitres offrent de longs développements qui pourraient sans difficulté s’adresser à une communauté juive.

Mais tous ces caractères ne sont pas spécifiquement juifs, ils peuvent se trouver dans un écrit adressé à des fidèles du christianisme primitif à peine dégagé du judaïsme. L’ensemble de ces traits pourrait être d’un judéo-chrétien qui parle a des juifs convertis. D’ailleurs l'épître offre beaucoup de développements qui ne peuvent être le produit d’une conscience purement juive et qui sont spécifiquement chrétiens : la parole de vérité qui engendre, i. 18 ; le Seigneur Jésus-Christ, i, 1 ; ii, 1 ; le choix des pauvres pour être riches dans la foi et devenir héritiers du royaume, n, 5 sq. ; la conception du salut non par la foi seule, mais par la foi avec les œuvres, ii, 14-26 ; la loi parfaite de liberté, c’est-à-dire l’ancienne Thorah ramenée par Jésus à sa valeur religieuse et morale, ii, 8 ; cf. Matth., 'v, 17 ; la défense de jurer, en accord avec Matth., v, 34-37. L'épître offre beaucoup de points de contact avec le sermon sur la montagne, et les expressions « frères bien-aimés », i, 16-19, la nouvelle naissance, i, 18, « le royaume >, ii, 5, le nom que l’on blasphème, ii, 7, la loi royale de la liberté, ii, 8, sont des expressions et des idées chrétiennes. Les tendances pharisiennes et les observances légales ou rituelles des Juifs sont écartées de l'épître.

Enfin beaucoup de passages rappellent Philon ou les écrits du judaïsme hellénistique. La langue n’est pas un grec de traduction mais la xoivy) littéraire la plupart du temps, bien qu’elle n’atteigne pas à la perfection de celle de l'épître aux Hébreux. Tout cela suppose que l’auteur ou le rédacteur avait une culture judéo-hellénique et que l'épître s’adressait à des milieux judéo-chrétiens où l’hellénisme avait pénétré assez profondément (Voir plus loin Origine, de l'épître.) Enfin on sent chez l’auteur la conscience d’une autorité incontestée. Il ne cherche pas à se concilier la faveur de ses lecteurs ; mais, s’appuyanl sur un fondement de doctrine très net. il parle, à la manière d’un maître, parfois même un peu rudement, le langage du devoir. Si l'épître n’a pas la profondeur des écrits de r.aint Paul ou de saint Jean, elle nous olfre un type primitif de christianisme et un aspect souvent trop méconnu de la foi : le christianisme règle dévie, le christianisme en action. Elle n’est pas une « épître de paille » comme l’appelait Luther.

2° Anali/sr il<- VÉpUre. — 1..Adresse, i, 1. L'épître est adressée par < Jacques, serviteur de Dieu et du Seigneur Jésus-Christ, aux douze I ribus qui sont dans la dispersion.

2. Le fruil '1rs épreuves, i. 'i 18. H faut se réjouir des (-preuves, car elles donnent lieu a la patience de s’exercer, et la patience, a son tour, si elle est accompagnée de bonnes œuvres, est un moyen d’atteindre la perfection. Être partait, c’esl avoir la sauesse.

Mai' cette sagesse ient de l)'ru : il faut la lui denian-