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IMMACULEE CONCEPTION

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le titre de la fête et l’objet propre du culte se distinguent nettement : le titre, c’est l’Apparition ou la Manifestation de la Vierge immaculée, source de joie, de reconnaissance et d’espérance ; l’objet propre du culte, c’est le privilège même de la bienheureusc Vierge, comme on le voit par l’invitatoire des deux offices, emprunté à la fête du 8 décembre : Immaculatam Virginis conceptionem celebremus… Immaculatam conceplionem virginis Mariæ celebremus.

Progrès doctrinal.

Bien que la définition du

8 décembre 1854 fiit un acte définitif et irréformable, une chose restait possilile : c’était que les évoques catholiques, réunis au Vatican en concile œcuménique, unissent leurs voix à celle du pasteur suprême en adhérant d’une façon collective et solennelle à l’acte pontifical. Il en aurait été de la sorte, si les membres du concile avaient eu le temps d’acliever leur œuvre. Dans les deux schèmes de la constitution De doclrina catholica, au chapitre concernant le péché originel, c. xvii du primum schéma, etc. m du scliema eformatum, on lit, après l’affirmation de la loi générale, le rappel du privilège propre à la mère de Dieu et défini par Pie IX : Ab omnibus tamen ftdelibus firmiter credendum constanterque profltendum est, Dei maircm beatissimam virginem Mariam in primo instanti suie conceplinnis, etc., prout per aposlolicam nostram constitutionem, quie incipit INEFFABILIS Devs, a Nobis declaratum iam ac deftnitum est. Collectio Lacensis, t. VII, col. 558 ; cf. p. 516 sq., 550.

S’il convient au magistère suprême de déclarer la vraie doctrine, il ne lui appartient pas moins d’en rejeter les fausses interprétations. Léon XI II a rempli ce rôle, quand il a confirmé la condamnation portée par le saint-office, le 14 décembre 1887, contre une singulière assertion d’Antoine Rosmini sur la manière d’entendre et d’expliquer le privilège de l’immaculée conception. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1924.

34. Ad præservandam bea tam virginem Mariam a labe

originis, satis erat ut incor ruptum mancret minimum

semen in homine, neglectum

forte ab ipso dæmone, et quo

incorrupto semine de gene ratione in generationem

transfuse, suo tempore ori retur virgo Maria.

Pour préserver la bienheu reuse vierge Marie de la

tache originelle, il suITisait

qu’en Adam une toute petite

parcelle de semence, négligée

peut-être par le démon, res tât intacte, et que de cette

parcelle intacte, transmise

de génération en génération,

sortît en son temps la vierge

Marie.

Cette proposition, contenue dans l’/n/rorfuz/one del Vangelo seconda Giovanni, lez. 64, p. 193. est intimement liée à une autre qui la précède dans le document pontifical et qui se trouve dans le même ouvrage, lez. 63, p. 191. Rosmini suppose qu’au paradis terrestre le démon avait pris possession du fruit défendu et qu’en portant le premier homme à en manger, il entra dans sa partie animale et la corrompit. Rêverie bizarre, qui ne renouvelait pas seulement l’erreur de la particula sana, soutenue par quelques-uns au moyen âge, mais qui la compliquait d’erreurs plus graves par cette hypothèse d’une possession diabolique, s’étendant d’abord au fruit défendu, puis à la partie animale de l’homme, avec nombre de conséquences erronées sur la nature, le mode de propagation et les effets du péché originel. "Voir Rosminianarum propositionum, quas S. R. U. Inquisilio approbante S. P. Leone XIII reprobavit, proscripsit, damnavit, Trutina theologica, Rome, 1892, p. 331, 353.

De leur côté, les théologiens, ne se sont pas désintéressés du dogme proclamé par Pie IX. Le doulde rôle, qui leur convient : défendre la doctrine de l’Église et l’expliquer de leur mieux, gardait sa raison d’être après comme avant l’acte pontifical du 8 décembre 1854. Qu’ils n’aient pas failli à la tâche, les

ouvrages cités et utilisés au cours de cet article suffisent à le montrer, car beaucoup, et des plus importants, ont paru après la définition. Aux traités d’allure classique, des écrivains distingués ont ajouté des études en langue vulgaire, tendant à mieux faire connaître aux fidèles les fondements du dogme et la faiblesse des raisons opposées ; tels, en Belgique et en France, Mgr Malou et le cardinal Gousset ; en Angleterre, Mgr Ullalhorne, Newman et le P. Harper ; en Allemagne, Scheeben et, pour n’en citer qu’un autre. Ed. Preuss, converti au catholicisme et rendant publiquement à la Vierge immaculée le tribut de vénération et d’amour qu’il lui avait d’abord refusé. Les fêtes du vingt-cinquième, et surtout du cinquantième anniversaire de la définition, les congrès mariaux, n’ont pas seulement donné lieu à de splendides manifestations de piété, ils ont provoqué des travaux d’une grande portée, comme l’édition des Attie dncumenti par Mgr Sardi et la composition de monographies, générales ou particulières, d’un intérêt capital pour l’histoire du culte et de la croyance. La publication en divers pays, Allemagne, France, Amérique, de grands dictionnaires ou encyclopédies catholiques, ont permis aux défenseurs de l’Église et de la foi romaine d’ouvrir les yeux du grand public sur la juste valeur d’assertions imperturltablement émises, dans des œuvres du morne genre, par les adversaires de cette Église et de cette foi, rationalistes, protestants, jansénistes ou vieux-calholiques.

Signalons quelques points notables. Grâce au nombre considérable et à l’importance des documents nouveaux qui ont été découverts et publiés depuis un demi-siècle, l’hislolre du culte de l’immaculée conception et de la croyance correspondante a été virtuellement renouvelée pour certaines périodes, soit de l’Église grecque byzantine, soit de l’Église latine, du IX » au xiiie siècles. Qui oserait parler maintenant du glorieux privilège comme totalement inconnu dans les treize premiers siècles chrétiens et créé au début du xiv par Duns Scol ?

D’un autre point de vue, l’absence de textes scripturaires explicites et de témoignages primitifs formels en faveur de l’immaculée conception n’a pas peu contribué à faire étudier de plus près cette question délicate : Quel minimum de donné révélé est nécessaire pour qu’une proposition puisse être définie comme de foi divine, et de quelles manières, sous l’assistance du Saint-Ksprit, ce donné primitif peut-il en quelque sorte prendre vie, croître et s’épanouir au cours des siècles, jusqu’à devenir dogme au sens rigoureux de vérité doctrinale solennellement sanctionnée par le magistère suprême ?’oir t. iv, col. 1575, 1610 sq., 1616 sq., 1642 ; H. Pinard, art. Dogme, dans le Dictionnaire apoldç/f tique de lu foi catholique, Paris, 1911, t. I, col. 1150 sq.. 1162. 1174 ; J.-V. Bainvel et Léonce de Grandtnaisoii, cités plus loin.

Enfin, inspirés par la devise anselmienne : Fides quærens intelleclum, les théologiens de nos jours se sont gardés de traiter l’immaculée conception de Marie comme une vérité isolée ; ils l’ont, au contraire, envisagée dans le tout dont elle fait partie, c’est-à-dire la maternité divine, considérée pleinement dans sa notion physique et dans son être moral. En particulier, ils l’ont étudiée dans ses harmonieux rapports avec le dogme de l’incarnation et la rédemption. Ils ont insisté sur le rôle de la bienheureuse Vierge, nouvelle Eve que son fils, le nouvel Adam, a daigné s’associer, comme un instrument subordonné, dans son œuvre rédemptrice et sa victoire complète sur le démon. En ce sens, le cardinal Dechamps a pu dire, La nouvelle È : >e, p. 60 : « Si la conception de Marie était exceptioinielle par rapport aux autres hommes, elle était au contraire en harmonie parfaite avec l’ensemble