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IMMACULÉE CONCEPTION


mêmes transmise en des témoignages graves et nombreux, que la vénérable antiquité professe souvent dans d’insignes monuments et que, finalement, l’Église a revêtue, en la proposant elle-même, de sa haute et souveraine autorité. »

2° Synthèse des preuves et connexion du dogme avec la révélation divine. — Nous retrouvons dans la bulle de définition les chefs de preuves indiqués dans le Sylloge degli argomenti, col. 1201 : convenance, Écriture sainte, tradition patristique, fête de la Conception, sentiment de l’Église universelle. Mais les trois dernières preuves rentrent, comme parties intégrantes, dans l’argument de tradition pris dans son ensemble.

1. Convenance.

Dans la bulle comme dans le Sylloge, cette preuve est rattachée au titre de mère de Dieu et au rôle unique qui en résulte pour Marie dans l’œuvre de la rédemption. Il ne s’agit pas de la simple convenance qui s’attache à tout ce que Dieu opère effectivement, convenientia rei factæ ; il s’agit d’une convenance spéciale, fondée sur un titre qui appelle positivement le privilège, convenientia rei faciendee, et dès lors s’imposant moralement à l’être parfait qu’est Dieu. Que cet argument ait des racines profondes dans l’ancienne tradition, toute l’étude présente le démontre. Nous l’avons rencontré de bonne heure chez les Pères grecs et latins. Au xii » siècle, les champions de l’immaculée conception, Eadmer et ses associés, en firent particulièrement usage. Scot et ses disciples le développèrent : Potuit, decuit, fecit. Nous avons vu quel parti en ont tiré des orateurs, comme Gerson, Bossuet et autres. Les simples fidèles allaient comme d’instinct à la même conclusion ; de là ce que nous avons constaté plus d’une fois, des sentiments d’étonnement, de malaise, et parfois d’irritation, quand un prédicateur osait attaquer publiquement la sainte conception de la mère de Dieu. Cet argument mène-t-il jusqu’au dogme, tel qu’il a été défini par Pie IX ? S’il permet d’affirmer la réalité du privilège, il ne semble pas que, pris en soi, et d’une façon abstraite, il suffise à l’établir comme vérité divinement révélée. N’avons-nous pas rencontré, au cours de cette étude, des théologiens graves qui admettaient cet argument et sa valeur probante, et qui, pourtant, ne considéraient pas le privilège comme définissable de foi divine ? Mais rares ont dû être ceux qui se sont cantonnés dans ce point de vue partiel et étroit.

2. Écriture sainte.

Les deux textes cités dans la bulle, Gen., iii, 15 et Luc, i, 28, 42, ont été utilisés par les Pères et les écrivains ecclésiastiques. Voir col. 853 sq., 862 sq. Des explications données il résulte que, d’après un grand nombre de théologiens, ces textes, pris sous la lumière de l’interprétation patristique et ecclésiastique, contiennent un témoignage implicite en faveur du privilège. Dom Guéranger écrivait dans son Mémoire, § 6 : » Nous conviendrons volontiers que ces divers textes ne forment pas une démonstration évidente ; mais il faut bien reconnaître aussi que, si une définition favorable Intervenait, le sens de ces textes serait définitivement fixé, et ils acquerraient une valeur de preuve positive qui leur manque jusqu’à présent. » La définition du 8 décembre 1854 n’a pas porté sur ces textes ; il reste seulement qu’ils ont été jugés assez solides pour figurer dans l’exposé doctrinal qui précède la définition et tend à la justifier.

3. Tradition, — C’est comme organe actif, manifestant, transmettant ou sanctionnant la croyance à la conception sans tache de Marie, que la tradition est invoquée dans la bulle : témoignages des Pères, implicites ou explicites, généraux ou particuliers ; célébration de la fête dans le sens immaculiste, en Orient et en Occident ; dans l’Église catholique, à un moment donné, croyance commune des fidèles et des pasteurs,

sanctionnée finalement par l’adhésion du magistère suprême. A ce dernier stage, la preuve est achevée ; preuve indirecte et de pure autorité, il est vrai, mats décisive, puisqu’elle s’appuie sur la promesse d’inerrance faite à l’Église par son fondateur. Là est le dernier mot pour les catholiques ; s’ils croient que l’immaculée conception de Marie est une vérité divinement révélée, c’est surtout à cause de l’autorité infaillible de l’Église qui l’a solennellement affirmée.

Un problème grave n’en subsiste pas moins : Comment la tradition patristique, qui se trouve à la base du reste, se rattache-t-elle à la révélation ? Problème dont la solution est d’autant plus délicate que, suivant l’explication donnée, col. 847, la définition a porté sur le seul fait de la révélation, esse a Deo revelatam, sans que le mode ait été spécifié ni, par conséquent, la façon dont le privilège est contenu dans le dépôt primitif. Parmi les membres de la Consulte théologique établie par Pie IX, quelques-uns soutinrent l’hypothèse d’une tradition orale et formelle, datant des apôtres et suffisant à elle seule pour légitimer une définition. Les autres, en beaucoup plus grand nombre, n’allèrent pas si loin ; ils jugèrent seulement que la tradition active se présentait dans des conditions qui garantissaient une connexion objective entre l’immaculée conception comme vérité transmise et le dépôt primitif. Ce qui peut se vérifier indépendamment d’une tradition orale et formelle d’origine apostolique ; il suffit, en effet, que la tradition active exprime une vérité implicitement contenue soit dans une vérité révélée d’une portée plus générale, soit dans les saintes Lettres, interprétées à la lumière de la foi et de la doctrine catholique.

La théorie d’une tradition orale et formelle d’origine apostolique apparaît, chez beaucoup de ceux qui l’ont soutenue, comme dépendante de documents apocrj’phes ou de témoignages sans valeur probante. A ceux-là on a le droit de rappeler l’aveu fait dans le Sylloge degli argomenti : « Il n’y a pas lieu de disconvenir que, parmi les Pères et les autres écrivains qui ont vécu dans les premiers siècles de l’Église, on n’en a pas encore trouvé qui aient affirmé clairement, apertis verbis, l’immaculée conception de la bienheureuseVierge. « Voir col. 873. Même dégagée de cette fausse monnaie et appuyée seulement sur les témoignages plus sérieux de saint Éphrem, de saint Augustin et autres du même genre, donnés comme indices d’une croyance commune qui aurait précédé, cette hypothèse reste sujette à de réelles difficultés. On ne s’explique alors ni l’absence de témoignages formels pendant plusieurs siècles, ni les controverses si vives et si prolongées qui ont existé plus tard. Partir du fait que la croyance au privilège se manifeste nettement à telle époque, pour inférer qu’elle existait aussi dans une période antérieure, c’est s’exposer, dans l’occurrence, à commettre une pétition de principe : il faudrait d’abord prouver que, par sa nature, l’immaculée conception fait partie de ces vérités fondamentales qui, dès le début, ont dû être crues d’une façon explicite.

Beaucoup plus vraisemblable est l’opinion de ceux qui se contentent d’une révélation implicite du glorieux privilège ; révélation dont ils cherchent le fondement, soit dans les deux principaux textes scripturaires, Gen., iii, 15 et Luc, I, 28, 42, mis en parallèle et éclairés l’un par l’autre sous la lumière de l’interprétation patristique et ecclésiastique, soit dans une vérité révélée d’une portée assez générale pour englober l’immaculée conception, comme paraît être la notion de mère de Dieu. Non pas la notion simple ou abstraite qui s’arrêterait au rapport de génération physique ; mais la notion historique et concrète, telle qu’elle a été insinuée dans la sainte Écritiu-e et com-