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IMMACULEE CONCEPTION


conditionnelle, comme étant moins certaine que le privilège lui-même et moins avantageuse pour expliquer comment la bienheureuse ^’ierge avait été rachetée par son Fils. Appuralus, a. 2., n. 157. D’autres auteurs qui se proposaient expressément de réfuter Muratori, n’eurent pas le même scrupule ; ainsi le P. Milanese défendit-il cette théorie, c. xii, De Mariie immunitate a debiio proximo originalis culpæ contrahendsc. Dans sa seconde dissertation, saint Alphonse de Liguori cite avec complaisance divers théologiens favorables à cette opinion et ajoute : « La raison qu’ils font valoir et qui paraît probable, est que Dieu ayant éminemment distingué cette noble créature du commun des hommes en la favorisant de dons particuliers de la grâce, on peut croire pieusement qu’il n’a pas renfermé la volonté de Marie dans celle d’Adam, et qu’ainsi elle a été exempte de contracter même la dette du péché. » Œuvres dogmatiques, t. vi, p. 99. Le saint docteur va plus loin dans son discours sur l’immaculée conception, il ne se contente pas de déclarer l’opinion probable, il la fait sienne : « J’y adhère, comme plus glorieuse pour ma maîtresse bien-aimée. »

La question de savoir si celui qui verserait réellement son sang pour rester fidèle à son vœu, mériterait le nom de martyre, était discutable et discutée, comme on le voit par l’exposé de la controverse fait par Benoît XIV, De servonim Dei bcatificatione, t. III, c. XIX, n. 12 sq., Opéra omnia, Prato, 1840, t. iii, p. 192. Des faits d’ordre positif pouvaient être invoqués pour la négative. En 1619, l’Inquisition portugaise avait, avec l’approbation de Paul V, censuré une proposition où l’on proclamait vrai martyr celui qui mourrait pour la défense du privilège. Le P. Théophile Raynaud ayant avancé une assertion semblable dans l’un de ses écrits. De martyrio per peslem, Lj’on, 1646, la C. de l’Index l’avait fait supprimer. Opéra omnia, Lyon, 1665, t. xx, p. 256. A vrai dire, ces actes ne tranchaient pas la question. Dans le premier cas, l’auteur de la proposition censurée avait commencé par affirmer que, si l’institution de la fête de la conception ne pouvait pas être considérée comme une définition, elle n’en avait pas moins placé la pieuse croyance au rang des vérités appartenant à la foi, inlcr verilales iamen ad fidem pertinentes collocavit. Il semblait donc assimiler la pieuse croyance à une vérité de foi, en conséquence de l’institution de la fête, et fonder là-dessus l’assertion qui suivait : quare venim subiret martyrium, qui pro defensione eius moreretur. Dans l’autre cas, il s’agissait d’une mesure purement disciplinaire, qui semble avoir été provoquée par ce qu’il y avait eu de tranchant ou d’absolu dans l’affn-mation du P. Raynaud, à en juger parce qu’il insinue dans Y Admonilio ad lectorem de l’édition corrigée. Opéra, t. xviii, p. 362.

En fait, la controverse avait survécu. En 1653, Christophe de Vega pouvait imprimer impunément cette assertion : Tanquam verns martyr compulandus foret, qui morti se ubjiceret ut propugnaret veritatem speculativam immunitatis. Theologia mariana, palœstra III, certamen xix, n. 433. Saint Alphonse de Liguori est du même sentiment dans sa première dissertation : « Comme il est hors de doute que c’est un acte de religion que de rendre un culte à la sainte Vierge, en célébrant dans le sens de la pieuse opinion la fête de sa conception immaculée dès le premier instant, comme l’exige la sainte Église, il est certain aussi, d’après la doctrine du docteur angélique, que ce culte peut être à bon droit une cause du martyre. Donc, s’il est licite et méritoire de donner sa vie pour ne pas renoncer à rendre ce culte à Marie, à plus forte raison serait-il licite et méritoire de subir la mort pour défendre l’objet de ce culte, c’est-à-dire la préservation de la tache originelle en Marie, à qui le culte même se rapporte. » Œuvres digmatiques, t. vii, p. 425.

En somme, la controverse soulevée par Muratori eut pour résultat, en Italie, de faire affirmer plus fortement la certitude du glorieux privilège, ce qui était le point capital, et examiner de plus prés les l)oints secondaires et rentrant dans le champ de la libre discussion. La lutte eut un autre caractèreen Aulriciie. où les étudiants venus d’universités italiennes firent connaître les ouvrages et soutinrent les idées du critique modénois. L’ne première controverse eut lieu à Salzbourg dans les années 1740 et suivantes. Roskovâny, op. cit., t. iii, p. 709 sq. Elle porta principalement sur les prétendus excès de la dévotion envers la sainte Vierge, mais parfois aussi sur la pieuse croyance, comme on le voit par ces lignes d’une Epistola responsoria ad Ludouicum Antonium Muratorium, par un religieux bénédictin, Grégoire Horner : Maie quidem istc libellus apud nos uudiit et adhuc audit, sed inler alia potissimum ex eo capite, quod de immaculalæ Dei genitricis conceptione tam viliter sentiat, ut eam inter levés causas abiiciat. Id quod adeo lanta divina maiestate et sanctitate indignum nabis videtur, ut saltem inler propositiones maie sonantes et piarum aurium offensivas similià esse recensenda iudicemus. Et l’auteur rappelait le vœu que l’université de Salzbourg avait fait, en 1697, de tenir et de défendre la pieuse croyance. Malheureusement, l’empereur Joseph II (1765-1790) s’engagea dans d’autres voies ; il abolit le serment de l’immaculée conception. A cette occasion éclata dans l’université d’Inspruck, en 1781, une controverse qui dura plusieurs années, avec publication d’écrits en sens contraire. Roskovâny, op. cit., t. iii, p. 615 sq.

L’Espagne resta fidèle à ses traditions. Philippe V fonda une université à Cerbère en Catalogne ; les statuts, confirmés par Clément XII le 4 décembre 1730, contenaient cette clause : Jurabunt, se immaculatani bealæ Virginis, hujus Academise Patronæ, conceptionem strenue propugnaturos. En 1779, Charles III étendit le serment à toutes les universités du royaume. Avec l’approbation de Clément XIII, il avait, en 1760, la seconde année de son règne, déclaré Marie immaculée patronne de l’Espagne et de toutes ses possessions. A ces hommages il joignit encore l’institution, sub protcctione immaculatae conceptionis beatse Virginis, d’un ordre équestre qui fut approuvé par Clément XIV en 1771, puis confirmé avec extension de privilèges par Pie VI en 1783. En même temps, les théologiens s’efforçaient, comme leurs devanciers, de mettre en relief la certitude de la pieuse croyance pour appuyer les instances faites à Rome en vue d’une définition ; tels, entre autres, ThjTse Gonzalez de Santalla, plus tard général de la Compagnie de Jésus, le franciscain Dominique Lossada et, en 1778, les théologiens de ^Madrid dans un mémoire rédigé pour le roi Charles III.

Ouvrages de Muratori relatifs au « vœu sanguinaire » ; Lamindus Pritanius, De ingenioruni moderatione in rcliqionis negolio : iibi, quæ iurii, quæ frœna futiira sintliomini christiann in inquirenda et trad.nda veritale, ostenditiir. Paris, 1714 ; Antonius L-ampridias, De superstitione uilanda, sioe censura voli sanguinarii in tionorcm imniaculatx conceptionis Deiparæ eniissi, a Lamindo Pritanio antea oppugnati atqae a Candide Parthenotimo Iheologo sicnlo incassum vindicati. Milan (Venise), 1740 ; Ferdinandus Valdesius, Epistolæ, sive Appendix ad libnim Antonii Lampridii de siiperstitionc uilanda, nbi votum sanguinarinmrecteoppiignaluni, maie propugnalum, ostenditiir. Milan (Venise), 1743 ; Lamindus Pritanius, Délia regolata divozione de’cristiani, Venise, 1747.

Rétutations : Roskovâny, op. cit., t. iii, p. 699-724, pour la bibliographie du sujet ; Candidus Parthenotimus sicutus (François Burgio, S. J.). ^^otu^l pro tuenda immactilaia Deiparæ conceptionis ab inipngnalionibus rccentioris Lamindi Pritanii vindicalum. Disserlatio theologica, Palerme, 1729 ; Id., De pielale in Deiparani ampli ficanda dissertatio duplex, in qaa duplex exponitiir et vindicaiiir votum pro tuenda eiusdem Deiparx immaculaia conceptione susceptum,