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IMMACULEE CONCEPTION

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lirnie cette remarque de Mgr Malou, op. cit., t.ii, p. 49 : " Tout en ayant l’air de n’attaquer que l’opinion scotiste, Ja négation de la dette du péché originel en Marie et le vœu sanguinaire dont nous venons de parler, il accumule avec ardeur toutes les difficultés possibles contre la pieuse croyance elle-même, il les exagère, il les grandit, et il dissimule constamment tout ce qu’on peut apporter de preuves en sa faveur. »

Les attaques de ; Muratori suscitèrent un grand nombre d’apologistes. Il y en eut de divers côtes : en Portugal, comme Bernard de JMoraës, en Autriche, comme les jésuites Etienne Vargyas et Joseph Petzler à Tyrnau ; en Allemagne, comme Georges Lienhart, abbé prémontré de Roggenburg, etc. Il y en eut surtout en Italie, et, d’une façon plus notable à Palerme, où trois théologiens jésuites se distinguèrent dans la lutte : les Pères François Burgio, sous le pseudonyme de Candidus Parlhenufinnis, François Antoine Zaccaria et Joseph Antoine Milanesc. Tous s’efforcent d’abord (l’établir que, contrairement à l’affirmation fondamenrale de l’adversaire, la pieuse croyance ne peut plus être considérée maintenant comme une simple opinion. Ils se servent naturellement des principaux arguments, scripturaires, patristiqucs ou de raison théologique, dont s’étaient servis leurs devanciers, mais en insistant particulièrement sur la preuve tirée du consentement commun. Ils insistent plus particulièrement encore sur celle que pouvait fournir la fête de l’immaculée conception ; ce qui s’explique par le genre de l’attaque et par cette circonstance qu’ils écrivaient après les constitutions d’Alexandre VII et de Clément XI. Muratori avait opposé au culte légitime la piété individuelle et mal réglée, principe du « vœu sanguinaire ; » le P. Burgio répond à bon droit que le vœu de défendre le glorieux privilège, même au prix de la vie, n’est l)as un acte quelconque de piété, mais un acte rentrant dans l’objet total d’un culte non seulement approuvé par l’Église, mais prescrit universellement et ayant par là même une garantie de vérité, dira dubikilionem. vero. Le P. Milanese s’appuie également sur Ja fête, telle qu’elle existe à présent, pour affirmer la certitude morale du privilège car le siège apostolique n’impose pas une fête à l’Église universelle sans en tenir l’objet pour certain, au moins moralement, c. vu. Le P. Zaccaria, prenant la distinction classique des trois certitudes, métaphysique, physique et morale, déclare ne pas prétendre soutenir les deux premières, mais il reste que la fête de la conception a réellement pour objet le privilège dont la ^’ierge a joui d’être préservée de tout péché et que l’extension de la fête à l’Église universelle équivaut à une canonisation, rano/uzalio per ictiuipolknx, qui requiert pour l’objet du culte une certitude morale.

. Palerme encore, le P. Benoît Plazza publia, en 1717, son grand ouvrage, souvent cité. Causa immaculatæ (omeptionis. Chemin faisant, il y discute la valeur probante, parfois même rauthenticité ou l’intégrité des témoignages allégués par.Muratori ; en particulier, .-ct. III, a. 1, n. 27 sq., pour les textes patristiqucs, et Ad., a. 2, n. 171, pour la bulle d’Alexandre VIF, Solliciludo, traitée de subrcpiicc. par Muratori et autres adversaires. Mais la meilleure réfutation se trouve dans l’ensemble même de l’ouvrage, dans les multiples arguments apportés pour prouver que la pieuse croyance jouit, dans l’ordre théologique, d’un degré de certitude suffisant pour que l’Église puisse la définir. Conclusio causir, Cologne, ~^), p. 357 sq. La légitimité du vœu incriminé était un simple corollaire : cuni c.T lis quir de piir sententiie rcrdludine adversus I.ampridium concludemus, affirmantem islius quwstionis parirm /ocile possil quisqiic coUigere atque de/endere. Act. VM, a..3, n..312.

Naples, comme Palerme, fournit des apologistes

marquants dans la controverse muratorienne. Voir pour les frères mineurs, t. vi, col. 855. Saint Alphonse de Liguori cite avec éloge un livre composé récemment par « un pieux auteur : » Deipara eiusque cultores vindicati, etc. Le livre avait paru à Naples en 1753, et le « pieux auteur, » était un jésuite espagnol, François Joseph Antoine de Vera. Mais beaucoup plus important pour la cause de la Vierge fut le patronage du docteur que nous venons de rencontrer, saint Alphonse de Liguori (1696-1787). Il a traité du glorieux privilège dans ses écrits dogmatiques, ascétiques et même poétiques ; mais trois pièces se recommandent particuhèrement à notre attention : une « courte dissertation sur les censures relatives à l’immaculée conception » (1748), Theologia moralis, 1. Vil, n. 244, édit.^ Gaudé, Rome, 1912, t. iv, p. 398 ; Œuvres dogmatiques, trad. Dujardin et Jacques, Tournai, 1866 sq., t. vii, p. 385 ; une autre dissertation sur l’immaculée conception, dans la Défense des dogmes catholiqucs définis par le concile de Trente, (1769), c. ii, § 7, ibid., t. vi, p. 91 ; un discours dogmatique sur le même sujet, dans les Gloires de Marie, 11^ part., sect. ii.

Dans ce sermon le saint docteur expose surtout les convenances du privilège ; il développe les raisons qui ont dû porter les trois personnes de la très sainte Trinité à vouloir préserver Marie du péché originel. Les preuves d’autorité sont présentées dans les dissertations ; preuves multiples, empruntées à l’Écriture, aux bulles pontificales, aux conciles, aux saints Pères, au consentement universel des fidèles et à la célébration de la fête dans l’Église entière. Les deux dernières preuves, indiquées aussi brièvement à la lin du discours sur l’immaculée conception, sont pour saint Alphonse les plus efficaces : « Il y a deux motifs qui nous garantissent spécialement la vérité de cette pieuse croyance. Le premier est le consentement universel des fidèles sur ce point… Le second motif qui établit plus solidement encore que Marie a été exemple de la tache originelle, c’est la célébration de la fête de l’inuTiaculée conception, ordonnée par l’Église universelle conformément à l’esprit de lapieusecroyance, c’est-à-dire celle qui admet en faveur de Marie la préservation de toute tache dès le premier instant de sa conception, comme l’a déclaré Alexandre VIL » Seconde dissertation, t. vi, p. 104.

D’où ce corollaire, énoncé dans l’autre dissertation, t. vii, p. 419 : « Il faut regarder comme n’étant ni probable ni suffisamment pieuse cette opinion d’un auteur moderne (Muratori) : // peut se faire que l’Église définisse un jour que la conception de la Vierge n’a pas été immaculée. En effet, comme le remarque très bien Vasquez, on ne peut nullement admettre que l’Église définisse jamais comme dogme de foi que la bienheureuse Vierge a été conçue dans le péché originel, puisqu’elle a prescrit elle-même, en vertu de son autorité, de célébrer la fête de la (Conception dans toute la chrétienté. » D’après ces principes, le saint docteur concluait dans l’une et l’autre dissertation, t. vi, p. 111 et t. VII, p. 423, cpi’il est permis de faire le vœu de donner sa vie pour la défense du glorieux privilège : car défendre l’immaculée conception, c’est défendre, non pas une opinion purement humaine, mais une croyance certaine et cpii est en rapport étroit avec le culte public de l’Église entière.

.Muratori avait mêlé à la controverse principale, sur la légitimité du « vœu sanguinaire, » <lcux autres points relatifs l’un au martyre de celui qui mourrait pour rester fidèle à son vœu, l’autre à la nature de la dette du péché originel en Marie. Soucieux avant tout de dégager le principal de l’accessoire, le P. Plazza s’était tu complètement sur le point du martyre, et n’avait pas cru. malgré une certaine sympathie qu’il cjirouvait pour elle, devoir soutenir la théorie de la dette