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IMMACULEE CONCEPTION


mère de Dieu ail été un seul moment esclave du démon, » et « que nous avons bien des raisons pour croire que Dieu a fait plus de grâces à la sainte Vierge qu’à saint Jean-Baptiste, qui fut sanctifié dans le sein de sa mère. » La même doctrine se retrouve dans d’autres livres du même genre, spécialement dans le Rituel publié en ITSC), par Mgr de.Juigné ; l’immaculée conception y est présentée comme une croyance ayant la faveur de l’Église. Cette affirniation et celle de l’Assomption corporelle de la sainte Vierge déplurent aux jansénistes ; ils reprochèrent au prélat " de donner comme une espèce de dogine de foi ces deux opinions laissées arbitraires dans l’ancien Rituel, conformément aux décisions de plusieurs papes et du concile de Trente. » Suite des Mémoires de Bæhaumont, an. 1787. Comme si, depuis lors, il n’y avait pas eu d’autres papes et d’autres décisions I

Un seul fait pourrait étonner, si on l’appréciait en dehors des circonstances du temps et du lieu. Par deux fois, les rois d’Espagne, Charles II en 1099 et Philippe V en 1732, sollicitèrent vainement Louis XIV et Louis XV de seconder leurs démarches en cour de Rome pour obtenir la définition du glorieux privilège. Mais il suffît de lire la réponse des rois de France pour comprendre que leur réserve ne vint pas d’un manque de sympathie ou de zèle à l’égard de la cause de Notre-Dame. « Non seulement, écrivait Louis XIV, le 5 novembre 1699, nous recoimaissons toutes les plus hautes prérogatives dans la mère de Dieu, nous souhaitons encore que ces pieux sentiments fussent communs à tous les chrétiens. Notre royaume est sous sa protection. L’Université de Paris, a, de tout temps, signalé son zèle pour la gloire de la sainte Vierge. C’est cette même Université qui soutint ardemment le mystère de l’immaculée conception lorsqu’il fut le sujet des plus grandes disputes des siècles passés. Ainsi notre dévotion particulière, l’opinion constante des plus sages et des plus éclairés théologiens de notre royaume, nous obligent à croire le saint mystère et nous feraient voir aussi avec plaisir qu’il fût un point de foi pour toute l’Église. Mais c’est à elle seule de décider sur de semblables matières. Les papes et les conciles ont été également retenus sur l’article de la conception immaculée. Il faut croire que Dieu veut que ce mystère demeure encore caché, et peut-être que le même zèle que l’on apporterait à presser une décision ne servirait qu’à faire renaître les anciennes disputes, heureusement détruites, et produire de nouveaux troubles dans l’Église. » La réponse de Louis XV en 1732 fut équivalente pour le fond.

L’affirmation que « c’est à elle seule (l’Église) de décider sur de semblables matières, » peut très bien se rattacher aux doctrines propres de l’Église gallicane. En tout cas, les principes émis par les évêques dans les quatre articles de l’assemblée de 1()82, ne les disposaient pas à recourir, pour la solution du problème, à l’intervention personnelle du pontife romain. En ce sens, il est vrai de dire avec M. I.esêtre, op. cit., p. 151 sq. : « C’étaientdoncdesconsidèrationsétrangères à la question même de l’immaculée conception qui empêchèrent les rois de France d’intervenir pour en obtenir la définition dogmatique. »

H. Lesêtre, L’Immaculée Conception et l’Église de Paris, c. iii, p. 136 sq. ; Mgr Malou, op. cit., t. ii, p. 487 sq. ; M. Lauras, S. J., Bourdaloiie, sa vie et son œuvre, Paris, 1881, t. ii, p. 477-500 ; François Louis Bona, Defensio hcaliv virginis Mariæ et cullorum illius contra libellum intitulatum : Monita salutaria, a S. Sede et S. Tribunali Hispaniarum proliibita, et contra Epistolam apologeticam pio iisdem…, Maycnce, 1674 ; [abhé Trevet], Refutatio libii editi a. lOTG subnomine : Prœscriptiones de conceptu Deipariv, 1700 ; en français. Réfutation d’un Libelle imprimé l’an MDCLXXVI, qui a pour titre : Prescriptions touchant la conception de Notre-Dame, Rouen, 1709 ; Aug. de Roskov6ny, op. cit., t. iii,

p. 427 sq., 666 sq. (bibliographie relative aux Monita salutaria).

2. La controi’erse du > vœu sanr/uinaire. » — En 171’!, parut à Paris, sous le pseudonyme de Lamindus Pril (mius, un livre ayant pour titre ; De ingeniorum ponderalione in religionis negolio. L’ouvrage avait été composé deux ans plus tôt à Modène, et l’auteur réel était le célèbre Louis Antoine.Muratori (1672-I7r.0). Parlant, t. II, c. vi, de superstitions qui commençaient à s’introduire sous le voile de la piété, il attaquait vivementccux qui ne se contentaient pas de défendre parla plume et par le raisonnement l’immaculée conception de la mère de Dieu, chose qu’il déclarait louable, mais qui s’engageaient encore par serment et par vœu à donner pour la même cause leur sang et leur vie : Novitium cerle marlyrum genus, quod nusquam maiores noslri somniarunt, nunquam posleri nostri, si quidpiam sapiunl, probent. Nous ne devons pas répandre notre sang pour nos opinions, mais pour des vérités divinement révélées etpourdes lois très saintes ; or, quelle que soit la persuasion qu’on ait de la conception sans tache de la mère de Dieu, ce n’est là qu’une opinion humaine et sujette à l’erreur, tant que le Saint-Siège et l’Église n’auront pas déclaré que cette doctrine est suffisamment fondée sur l’ancienne tradition et la révélation divine.

Il y eut des réfutations ; en réponse, Muratori publia en 1740, sous le nom d’Antonius Lampridius, un ouvrage portant directement sur le point controverse : De superstitione vilanda. sive censura volt sanguinarii in honorem immaculatæ conceplionis Deiparæ emissi. C’était le développement de la thèse précédemment soutenue. Le vœu de défendre l’immaculée conception de Marie jusqu’à l’effusion de sang est inspiré par une piété mal éclairée ; il est imprudent, téméraire, gravement coupable. On ne peut faire un tel vœu que pour la défense de vérités absolument certaines ; le faire pour la défense de l’immaculée conception, c’est assimiler une opinion humaine à des vérités qui sont objet de foi divine, hominum opiniones œquat verilatibus dii’ina fide creditis, c. xv. Vainement leurre-t-on de l’espoir du martyre ceux qui émettent ce vœu : marlijrii spes voli sanguinarii amatoribus perperam facta, c. XVI. Vainement aussi prétend-on soustraire la bienheureuse Vierge à la dette réelle ou prochaine du péché originel, c. xxiv-xxv.

Au cours de la controverse qui suivit, Muratori écrivit sur le même sujet dix-sept lettres qui furent réunies et publiées en 1743 sous un nouveau pseudonyme : Ferdinandi Vatdesii epistolse. Il y attaquait avec tant d’ardeur l’opinion « scotiste », qu’il en arrivait à compromettre le privilège, malgré ses protestations de respect ; il proposait en effet, Episl. x, p. 121, comme n’ayant rien d’inconvenant cette hypothèse : la bienheureuse Merge contractant le péché originel dans le premier instant de sa conception et sanctifiée dans le même instant. Non incongruum fore, cogitare beatam virginem in eodem primo instanti suæ conceplionis coniraxisse tabem et sanctiftcalam fuisse. « Ainsi Suarcz reconnaît-il qu’au premier instant la bienheureuse Vierge fut soumise au péché en sa propre personne, in propria persona fuisse peccalo obnoxiam, et que, néanmoins, elle a pu être exempte du péché et prévenue par la grâce de Dieu au même instant. » Paroles qui sont réellement de Suarez, // ! /// » ’" part. Summx. disp. III, sect. IV, n. 7, mais dites de la dcllc, et non pas de l’acte du péché. Enfin, dans un quatrième ouvrage, publié en 1747 sous son premier pseudonyme de Lamindus Prilanius, et intitulé : Délia regolata divozione de’cristiani, au dernier chapitre, Muratori décocha encore une flèche contre ses adversaires en donnant comme prohibé par Innocent XI YOfJice de l’immaculée conception. Assertion fallacieuse, qui con à