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IMMACULEE CONCEPTION


renvoyée à un autre moment, ou mOme qu’elle ne devait être traitée en aucune façon. Les évoques dominicains, en particulier, se déclarèrent pour la négative ; Pierre Bertano. évéque de Fano, insista en disant que la question était difficile et qu’elle entraînerait une longue discussion, puisque de part et d’autre on produisait des raisons et des autorités nombreuses. Diuriorum pars prima, p. ()5.

Quand le décret sur le péché originel fut soumis, le H juin, à l’examen des membres du concile, le cardinal Paclieco releva, dans le texte primitif du second canon, ces paroles relatives à l’universelle transmission de la faute originelle : in omne gemis humanum secundum communem leyem. Il désapprouvait ces paroles, par crainte qu’on ne semblât inclure dans le décret la bienheureuse Vierge, ne includatur beata Virgo. Aussi demandait-il qu’on ajoutât ce correctif : nisi alicui Deus ex privilégia aliud dederit prout in bcatu Virgine, ou, suivant la formule proposée par l’archevêque de Torrés (Sassari) : « qiui lege pie creditur bealam Virginem exemptum. > Si l’on ne veut pas définir maintenant la doctrine de l’immaculée conception, qu’à tout le moins on ne la désapprouve pas, ad minus non improbetur. » Plus des deux tiers des membres de l’assemblée, y compris le premier président, cardinal del Monte, furent d’avis qu’il ne fallait pas comprendre la bienheureuse Vierge dans le décret, non includendam qiiidem in hoc décréta beatam Virginem, mais que, sur le point de sa conception, il fallait observer et renouveler la constitution de Sixte IV. Acta, p. 199, 203, 208.

Conformément à ce vote, une explication fut ajoutée à la suite des canons, pour déclarer qu’il n’entrait pas dans l’intention du concile de comprendre dans le décret la bienheureuse et immaculée vierge Marie, au sujet de laquelle on ne veut alTirmer, pour le moment, rien autre chose que ce qui a été décrété par Sixte IV d’heureuse mémoire. Diarium, p. 75, 76. Le nouveau texte fut lu et discuté le 14 juin. Le cardinal Pacheco réclama et insista pour qu’on insérât dans le canon 2 les paroles : nisi alicui…, ou : de qua pie creditur…, alléguant que plus des deux tiers des Pères s’étaient prononcés dans ce sens. Une nouvelle discussion suivit, où vingt-quatre seulement soutinrent cette motion ; les autres préférèrent s’en tenir, pour le fond, au texte de la déclaration, « bien que, suivant la remarque du secrétaire Severolus, la croyance du plus grand nombre fût en faveur du privilège, quamvis PLVRES essent qui crederent beatam Mariam conceplam fuisse sine peccalo originali. » Diarium, p. 76. Le texte, légèrement modifié, fut ratifié le 16 juin et promulgué solennellement le jour suivant, dans la Session V^.Ac^a, p. 233, 235, 238, 240.

Déclarât tamen h.ier ipsa

sancta synodus, non esse sua ?

intentionis, comprehendere

in hoc décrète, ubi de pec cato originali agitur, beatam

et immaculatam virginem

Mariam Del genitriccm, sed

observandas esse constitu tiones felicis recordationis

Sixti papa ? IV sub pienis in

eis constitutionibus conten us, quas innovât.

Cependant ce saint concile

déclare qu’il n’entre point

dans son intention de com prendre dans ce décrel, rela tif au péché originel, la bien heureuse et innnaculée vier ge ^larie, mère de Dieu, mais

qu’il faut observer les cons titiilions du pape Sixte IV,

d’heureuse mémoire, et cela

sous les peines édictées dans

ces constitutions que le con cile renouvelle.

Les constitutions renouvelées furent lues ensuite, et, par le fait même, elles sont nettement spécifiées : Deinde leguntur extravagantes Sixti IV circa ipsam conceptionem : prima quæ incipit, CUM pr^eexcelsa ; secunda, quæ incipit, grave ni mis, Acta, p. 223.

C’est d’après ces documents authentiques qu’il faut déterminer la réelle portée de la déclaration émise en faveur de la Vierge au concile de Trente. Qu’on ne

puisse pas y voir une définition, même implicite, du glorieux privilège, la chose est évidente, puisque les Pères ont nettement et délibérément voulu le contraire : juridiquement jjarlant, ils ont laissé la question dans l’état où elle était auparavant. Mais si l’on tient compte, non pas seulement du texte officiellement approuvé, mais de la pensée des membres du concile, telle qu’elle se dégage de l’ensemble des débats, on ne peut pas douter que, pour la grande majorité, l’intention de ne pas comprendre la mère de Dieu dans le décret relatif au péché originel venait de la persuasion où ils étaient que, de fait, elle n’avait pas encouru ce péché. Par là s’explique l’interprétation donnée dans la bulle Inefjabilis Deus : « Par cette déclaration les Pères du concile de Trente ont insinué suffisamment, eu égard aux circonstances des temps et des lieux, que la très sainte Vierge est exempte de la tache originelle, et ils ont ainsi fait comprendre qu’on ne saurait légitimement rien tirer, soit de fÉcriture sainte, soit de la Tradition ou de l’autorité des saints Pères, qui s’oppose, en quelque façon que ce soit, à cette cminente prérogative de la Vierge. »

Les membres du concile servirent encore la cause de l’immaculée conception d’une autre manière, indirecte, il est vrai, mais réelle ; ce fut en fixant la doctrine catholique sur plusieurs points dont l’exacte intelligence était de nature à faire disparaître divers obstacles. Ils déclarèrent quels étaient les effets propres du péché originel : perte pour Adam et pour ses descendants de la justice et de la sainteté qu’il avait reçues comme bien de famille, inimitié divine, mort corporelle et spirituelle, asservissement au démon, état de déchéance dans tout l’être. Ils déclarèrent que, si la concupiscence est parfois appelée par saint Paul péché, « ce n’est pas qu’elle soit vraiment et proprement péché dans ceux qui ont été régénérés, mais c’est parce qu’elle vient du péché et incline au péché. Sess. V, can. 1, 2, 5. Denzinger-Bannwart, Ench., n.l88, 789, 792. Ils déclarèrent que la justification comprend, dans l’ordre actuel, une sanctification et un renouvellement de l’homme intérieur ; sanctification et renouvellement dont la grâce sanctifiante est félément essentiel. Sess. A’, c. vii, ibid., n. 799. Prises dans leur ensemble, ces déclarations n’ont pas seulement porté le coup de grâce à de vieilles théories qui obstruaient le chemin ; elles ont, en outre, permis aux théologiens modernes d’expliquer le glorieux privilège d’une façon très simple, par la présence dans fâme de Marie, dès son premier instant, de la grâce sanctifiante, directement opposée au péché originel en tant qu’il dit inimitié divine, mort ou souillure de l’âme, état d’injustice et d’iniquité spirituelle.

Quelques publications se rattachent, par leur origine, aux actes ou à la doctrine du concile. Quand Paul III institua une congrégation romaine pour s’occuper des travaux des Pères réunis à Trente, Barthélémy Spina en fut nommé membre ; prévoyant que le problème de l’immaculée conception serait soulevé, il résolut de publier le traité, jusqu’alors manuscrit, de Jean de Torquémada. La mort ne lui permit pas de mener l’œuvre à bonne fin ; son disciple, Jean Duimius de Catharo, le remplaça, mais le livre ne parut qu’en 1547. En réponse à cette publication, Catharin composa enl551, pourdéfendre lapieuse croyance et la fête de la Conception, une troisième dissertation dont il fit hommage aux membres du concile. Un écrit du P. Nieremberg, Exceptiones concilii Tridentini pro omnimoda puritate Deiparæ Virginis expensæ, Anvers, 1655, se relie au j>rivilège, revendiqué pour la bienheureuse Vierge, sess. VI, can. 23, d’avoir pu éviter pendant sa vie entière tout péché, même véniel : nij>i ex speciali Dci privilégia, quemadmodum de beata Virgine ienet Ecclesia. Denzinger, n. 833. Le théologien espa-