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IMMACULEE CONCEPTION

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de saint Anselme et de saint Thomas d’Aquin. En outre, beaucoup considèrent l’existence de Marie et sa prédestination à la maternité divine comme décrétées avec l’incarnation du Verbe dans un seul et même signe, logiquement antérieur à la prévision de la chute originelle ; c’est même là qu’ils prétendent trouver le premier fondement de la double exemption de la bienheureuse Vierge, exemption du péché originel proprement dit, exemption de la dette prochaine ou absolue de ce même péché.

d) Débats suscités par la théorie de la dette éloignée ou conditionnelle. — Laissons de côté la question de savoir si Marie a été prédestinée avec son divin Fils indépendamment ou dépendamment du péché originel prévu ; question d’école, qui ne semble pas avoir de rapport nécessaire avec la controverse du debitum peccati. Que la prédestination à la maternité divine, dans quelque hypothèse qu’on la suppose faite, constitue au moins moralement un titre à l’immaculée conception, il n’y a pas lieu de le nier ; mais ceci ne préjuge point dans quelles circonstances concrètes la bienheureuse Vierge recevra l’existence ni, par conséquent, quelle sorte de relations, d’obligations ou de dénominations elle pourra contracter en vertu de sa descendance adamique. Aussi trouve-t-on des partitisans de la dette stricte parmi les théologiens qui admettent la prédestination du Verbe et de sa mère comme antérieure à la prévision du péché ; réciproquement, on trouve des partisans de la dette conditionnelle parmi les théologiens qui, conformément à l’opinion plus commune, n’admettent la prédestination du Christ et de sa mère qu’en fonction de la chute originelle. Voir Recherches de science religieuse, Paris, 1910, t. I, p. 610 sq.

D’ailleurs, ce n’est pas sur ce terrain que se posa l’objection, quand la théorie de la dette non réelle, mais conditionnelle, s’affirma expressément et méthodiquement. L’objection devait être et fut celle-ci : Soustraire Marie à la loi générale de solidarité et nier qu’elle ait encouru effectivement la dette du péché originel, n’est-ce pas rendre illusoire cette affirmation dogmatique, qu’elle a été, non pas simplement préservée, mais proprement rachetée par Jésus-Christ ? Les tenants de la dette stricte ne furent pas unanimes dans leurs appréciations. Malgré son peu de sympathie pour la nouvelle opinion, Suarez estima qu’il fallait distinguer en cette matière deux sortes de propositions. D’abord, celles qui porteraient atteinte à l’universalité de la rédemption par Jésus-Christ ; par exemple, si l’on disait : « La bienheureuse Vierge n’a pas été préservée du péché originel en prévision de la mort du Christ, » ou bien : « La bienheureuse Vierge n’a pas été proprement rachetée par la mort du Christ, » ou encore : « La Vierge n’a pas eu besoin, pour son salut éternel, du sang ou de la mort du Christ. » Ces propositions, Suarez les déclarait erronées et condamnables, comme toute autre qui aurait avec elles une connexion nécessaire. Dans l’autre catégorie il rangeait les propositions qui porteraient exclusivement sur le point précis de la dette absolue du péché originel, considérée en elle-même ou dans son fondement ; celle-ci, par exemple : « La bienheureuse Vierge n’a pas péché en Adam, » ou cette autre : « Elle n’a eu ni en elle-même, ni dans un autre, la dette du péché. » De ces propositions Suarez disait : « Je ne les estime pas dignes de censure, parce qu’on peut les défendre indépendamment des précédentes. »

D’autres théologiens se montrèrent plus sévères. Le cardinal Bellarmin ne croyait pas qu’on pût, sans quelque danger, nier que la bienheureuse Vierge eût péché en Adam : non admodum tuta esse videtur. Gilles de la Présentation renchérissait encore sur ce jugement, en parlant d’erreur positive, t. II, q. ni, a. 5 : Ego non

solum cum Bellarmino exislimo non esse lulum in fide…, sed addo esse errorem in fidc. L’opinion nouvelle fut dénoncée à l’Inquisition de Tolède, et ce tribunal inclina d’abord vers la prohibition ; cependant, avant de rien conclure définitivement, il prit l’avis des plus doctes professeurs d’Alcala, de Séville, de Cordoue, de Grenade et d’autres universités. D’après les réponses reçues, il déclara, le 22 janvier 1616, que l’opinion était soutenable. Roskovâny, op. cit., t. ii, p. ix. Vers le milieu du siècle, Philippe de la Ïrès-Sainte-Trinité, général des carmes déchaussés, écrivait, disp. V, dub. L, que l’opinion soutenant la dette personnelle était plus commune, plus probable et plus sûre, mais qu’elle n’était pas de foi et que l’opinion opposée ne méritait pas de censure : Licet sit communias, probabilius et tutius, quod Deipara virgo Maria habuerit in seipsu debitum peccati originalis, non tamen est de fide, nec contraria opinio meretur censuram.

Cette diversité de vues sur la façon dont la dette du péché originel atteint la bienheureuse Vierge, entraîne une conséquence d’une certaine importance pour la manière de répondre aux difficultés que les adversaires de l’immaculée conception tirent des textes scripturaires ou patristiques, relatifs à l’universalité du péché originel, de la mort comme châtiment du péché, etc. Ces lois présupposent la loi plus générale de la solidarité entre Adam et ses descendants. Si Marie est soustraite à cette loi fondamentale, elle ne tombe évidemment pas sous les autres. La réponse aux objections sera, que ces lois ne s’appliquent pas à la mère de Dieu, qu’elle bénéficie d’un régime à part. Si, au contraire, Marie est, par hypothèse, incluse dans la loi de solidarité, elle tombe sous les autres lois, mais seulement en principe ou en droit. La réponse aux difficultés consistera dans une distinction entre la loi prise en elle-même et l’application ou l’effet de la loi : si la bienheureuse Vierge tombe sous la loi elle-même, elle échappe, par faveur spéciale, à l’application de la loi. Distinction qui semble plus efficace pour résoudre certaines difficultés et dont nous avons déjà eu l’occasion de faire usage, col. 870 sq.

Pour la dette réelle et prochaine : l-iellarmin. De amis.tinne gratiic et statu peccati, t. IV, c. xvi ; Vasquez, In JII*’^ part., t. ii, disp. CXV ; Suarez, De vitiis et peccatis, disp. IX, sect. IV, n. 10 sq., édit. Vives, t. iv, p. 614 ; De mysteriis, disp. III, sect. II, t. XIX, p. 28 ; Gregorius de Valentia, Commentar. Vieolog., Lyon, 1603, t.iv.disp. II, q.i ; cf. t.ii, g Tertio objiciiint, col. 128 ;.T^girtiiis de Pi irsentntione, augiisîin. De immacalata beatæ Virginis conceptione ab omni originali pecatn immuni, Coïmhre, 1617, 1. II ; Philippe de la Très-Saiate-Trinité, carme. Maria sicut aurora consiirgens, Lyon, 1667, disp. V ; Collegii Salmaniicensis cursus theologicus, tract. XIII, disp. XV, édit. PalniP, t. tii, p. 85.

Pour la dette éloignée on conditionnelle : Jean-Baptiste de Lezana, carme. Liber apologeticus pro immacalata virginis Mariæ conceptione, ubi non modo caruissc peccato originali, sed negue in Adamo pecca.’ise, nec debitum proximum originalis tiabuisse defenditur, Madrid 1616 ; Ferdinand Chirino de Salazar, S..1., Pro immacalata Deiparæ Virginis conceptione defensio, Alcala, 1618, c. i sq. ; Jean Perlin, S. J., Apologia scholastica, sive controvcrsia ll^eologica, pro magnæ Matris ab originali debito immunitate, Lyon, 1630 ; Ambroise de Penalosa, S. J., Vindiciæ Deipara : Virginis de peccato originali et debito illius contrahendi, Anvers, 1650 ; .’Vdam Burghaber, S. J., Immunitas beatee rirginis Mariæ ab ipso etiam originalis labis contrahenda’debito, Lucernc, 1652 ; Christophe de Vega, S..1., 2°/ieoZoffia Man’ana, Lyon 1653, palppstra V ; Jean Eusèbe Nieremberg, S. J. Opéra parthenica, Lyon, 1659, Opusc. ; Salvator Montalbanus, capucin, Opus theologicum iiibus distinctum tomis, inquibus, efficacissime ostenditur, immaculatam Dei Genitricem, utpotc ex Clirisli meritis pr.’rservaliite redemptam, fuisse prorsus inununem ab omni debito, tumronlrahendi or iginalepeccatum, tum ipsius fomitem incurrendi, Païenne, 1723.

4. Objet de la croyance et du cuUc, d’après les théologiens des ZVI" et xr//e siècles. — Nulle difficulté n’exis-