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IMMACULÉE CONCEPTION


tiennes qui suiviiU ; celle-ci, par exemple, au troisième nocturne :

Fusca fit conccptioiu’Maria, sed citius

Ex divina sanctioiio

Forniosa fit plenius.

Et pourtant, dans un troisième office : In Conccpliiiixe B. M. V., publié dans le même recueil, t. xxxiv, p. 65, et côté aussi xiv « -xv siècle, une note très clilTérente se fait entendre :

Tota pulchra os,

Virgo sacrata,

Nunquam labe aliqua

es maculata.

Plena gratia

fuit concepta,

A patrc mundissinia

est goncrata.

Que dire, si ce n’est que, sur ce point, il y a eu dans la liturgie gironaisc des variations, subordonnées sans doute aux phases successives de la croyance et peut-être aussi aux influences qui s’exerçaient. Le second office, spécialement favorable à la fête de la .sanctification, semble bien remonter à l’époque où Nicolas Eymeric, natif de Girone, avait aussi cette ville pour résidence habituelle. D’ailleurs, ce serait se tromper que de voir dans le cas précédent un cas unique, même dans le royaume d’Aragon ; il y en eut d’autres, ne serait-ce que celui d’Elne, où la fête instituée par Gui de Perpignan est désignée de la même façon : de sanctificatione conceptions Virginis (jloriosæ. Voir Doncœur, loc. cit., p. 38 (712).

Dans l’article Chartreux, t. ii, col. 2303, le P. Autore affirme que la solennité dont la célébration fut ordonnée au chapitre général de 1333, était celle « de la conception de la vierge Marie, et, en adoptant le mot (le conception au lieu de sanctification, l’ordre suivait ofliciellement l’enseignement des scotistes. » Assertion vraie, en ce sens que licence fut accordée au prieur de Luvigny, et à qui voudrait, de célébrer solennellement la fête de la Conception, en se servant de l’office de la Nativité, ce mot étant remplacé par celui de Conception : Priori et conventui Liivigniaci etaliis quitus placuerit, conceditur ut feslum conceptionis beatæ virginis Mariée possint solemnitcr celebrare, et fiat ofjlcium sicut in Nalivitate, in nomen Conceptionis nomine Natii’itatis commutato. Le Couteulx, Annales ordinis Cartusicnsis, Moatreuil, 1898sq., t.v, p. 333 ; Mabillon, A ; i ;  ! a/fsordinis S. Benedicti, Paris, 1739, t. vi, p. 687. D’un autre coté, l’affirmation de Torquémada trouve un point d’appui dans les Antiqua statula, can. 45 : In jeslo de conceplione beatæ JMariæ dicatur i < o Conceptionis, sanctiftcationis. Mabillon, ibid. Ce c. ; on étant postérieur à l’autre, il y aura donc eu, à un moment donné, changement de vocable. Pourquoi et sous quelle influence ? Le P. Autorc remarque que l’usage était de laisser aux théologiens qui venaient en chartreuse la liberté de leurs opinions ; à titre d’exemple, il cite le célèbre Ludolphe qui, d’abord religieux dominicain, prit ensuite en 1340 l’habit de saint Bruno à la chartreuse de Strasbourg et, dans cette solitude composa la Vita Christi si connue, il y enseigne que la sainte Vierge fut purifiée de la tache originelle dans le sein de sa mère. L’auteur de l’article ajoute que le sentiment de Ludolphe n’était pas celui de l’ordre des chartreux, mais ne serait-il pas possible que le changement de titre ait été fait par déférence pour des gens qui, comme ce théologien, n’auraient pas goûté celui de Conception ? En tout cas, le changement ne fut que transitoire ; l’ancien titre ne tarda pas à reparaître, comme on le verra bientôt.

Quoi qu’il en soit, du reste, des exceptions plus ou moins nombreuses qui existèrent réellement, le doute n’est pas possible pour l’ensemble : c’était bien la conception de Marie que la plupart entendaient fêter. Dans les documents liturgiques du xiv<e siècle, comme dans ceux des siècles précédents, la fête apparaît couramment sous ce vocable. Nul autre objet n’est mis en relief dans les parties les plus caractéristiques de l’office ; tel, à matines, l’invitatoire qui se présente sous trois formes principales, avec des variantes accidentelles.

^’eneranles sacram béate Marie virginis COXCEPTIO-KEM, œtcrnum adoremiis Dominum.

Hodie beatissime virginis Marie celebremus CONCEP-TIONEM, ul ab eius filio remuneremur in celis.

Eia perviglles domino iiibikite fidèles, COKCEPTÛMQUE pie sollemnizale Marie.

Il en est de même des oraisons au bréviaire et au missel.

Deiis qui béate Marie virginis CONCEPTlONEit angelico vaticinio pareniibus predixisii, etc., cf. col. 99L

Deus ineffabilis niisericordic qui prime piacula niulieris per virginem expianda sanxisti, da nobis COXCEPCIONIS eius digne solempnia venerari.

Supplicationem servorum tuorum, Deus, miseralor exaudi, ul qui in CONCEPCIONE dei genitricis et virginis Marie (iingregamur, eius intercessionc a te de instantibus periculis criiamur.

Sans compter l’oraison la plus fréquente, celle de la Nativité : Famulis luis quæsumus, adaptée à la Conception, par substitution d’un mot à l’autre ; ce qui se rencontre aussi dans Y Introït des deux messes le plus en usage alors ; Gaudeamtis omnes in Domino (Assomption), et Gloriose virginis Marie.

Dans toutes ces prières, il s’agit directement de la conception proprement dite, celle dont on célèbre l’anniversaire ; ce que confirment soit les leçons de ces anciens bréviaires, dont la légende d’Helsin forme souvent la trame, soit les hymnes ou les antiennes, remplies d’allusions à cette même légende ou à l’action généralrice de saint Joachim et de sainte Anne, ou à l’origine première de la mère de Dieu.

Toute la question n’est pas résolue du fait que la plupart prétendaient fêter la conception de Marie, car tous ne l’envisageaient pas de la même façon. Un second groupe intervient donc, le groupe de ceux qui s’en tenaient, comme d’autres aux siècles précédents, à un culte ayant pour objet la conception, considérée non comme immaculée, mais comme vénérable à divers titres. Position intermédiaire, que les partisans de la pieuse croyance défendent eux-mêmes, à l’exemple de leurs devanciers, quand ils argumentent ad hominem, dans l’hypothèse d’une conception de Marie soumise à la loi commune. Tel, Jean Bacon, In IV Sent., t. III, dist. IV. Supposito quod culpam contraxisset, quæriiur an adhuc in die suæ conceptionis sit vencranda. Tel, Pierre Roger (Clément VI), dans le sermon indiqué ci-dessus ; après avoir énoncé la controverse relative au privilège, il conclut : Tamen, quidquid sit, dico quod etiamsi in forma… pcccatum originale habiiit, quod adhuc de ciiis conceptione possiimiis valde rationabiliter festivare. Tel encore, Richard Fitzralph, quand il prêcha, le 8 décembre 1342, dans l’église des carmes d’Avignon : Quibusdam dicenlibiis, quod debeat celebrari, quia hac die originata est nostra reparatrix, nostra mediatrix, nostra dominatrix, per quam recepimus et recipimus quicquid nobis proluit gratiæ et salulis. Doncœur, loc. cit., p. 54 (290). Autant de raisons qui tendaient à légitimer une fête indépendante de la controverse doctrinale sur l’exemption du péché originel.