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IMMACULEE CONCEPTION


blir que, même dans le cas où la mère de Dieu aurait été conçue dans le péché, on pourrait encore raisonnablement célébrer sa conception. Certaines expressions sembleraient bien supposer une adhésion positive à l’opinion défavorable au privilège, mais la valeur d’opposition réelle qu’elles pourraient avoir devient hypothétique en face de correctifs tels que celui-ci, § Ad aliud dicendum : Ex unione animæ cum carne conlrahitur peccalum originale, a quo beata Virgo, si conlraxit, fuit slatim sanctificala. Texte intégral du fragment dans Pierre de Alva, Radii solis, col. 689092 ; cf. Doncœur, p. 40 sq. A tout le moins, ce témoignage pris dans son ensemble, et plus nettement encore ceux de Benoît XII, de Jean XXII et de Jean de Pouilly, marquent-ils l’opposition que, pendant la première moitié du xrve siècle, la pieuse croyance rencontrait chez des docteurs de Paris dont la formalion théologique se rattachait à l’enseignement des grands maîtres du siècle précédent.

2. La défense du privilège.

Au premier rang apparaissent les frères mineurs. L’unité n’exista pas dès le début. Bertrand de la Tour, prédicateur renommé, archevêque de Salerne, en 1319, puis cardinalévêque de Frascati († 1334), reste fidèle à l’opinion, commune encore, d’Alexandre de Halès et de saint Bonaventure, sicut tenet scola communis. Serm.. i, de Nativitate et de Conceplione, cité par Pierre de Alva, Radii solis, col. 1141. Alvare Pelage, pénitencier apostolique sous Jean XXII, puis évêque de Silves en Portugal, écrivant à la cour d’Avignon de 1330 à 1332, suit également les anciens théologiens, avec une pointe à l’adresse de certains jeunes qui s’écartent du sentiment commun : licet quidam novi theologi a sensu Ecclesiæ recedenles commuai… De planctu Ecclesiæ, t. II, a. 52, Venise, 1500, p. 110. Mais ces quidam novi sont déjà nombreux, comme on le voit par la liibliolhcca franciscana de Holzapfcl, et parmi eux ^e trouvent des gens qui comptent, comme Pierre .Vuriol, Jean de Bassolis, Pierre Thomas, François de Meyronnes, Pierre d’Aquila, François d’Ascoli ou de la Marche, etc.

Quelques-uns de leurs écrits méritent d’être signalés. Pierre Auriol, Aureolus, compose à Toulouse, en 1314, un traité De conceplione immaculalæ Virginis, en six chapitres ; il ne se contente pas d’y soutenir la possibilité et la convenance du privilège, il montre que, sous réserve d’une détermination contraire de la part de l’Église, on peut en affirmer l’existence sans péril d’hérésie ou d’erreur, c. v. Ostenditur, quod absque periculo fidei et erroris teneri potest, quod Deus eam prœservavit de facto ; nec una pars ncc alla est de neccssilate fidei, donec per Ecclesiam determinatum fueril. . la suite d’une attaque, Auriol rédige un Rcpercussorium contenant huit conclusions, relatives surtout à la nature du péché originel et de la concupiscence. Ces deux écrits se trouvent dans les Quiestiones disputatie, de Quaracchi. Pierre de Alva les a insérés dans ses Monumenta anliqua scraphica, p. 15 sq., en y joignant un extrait des commentaires d’Auriol sur les Sentences, t. III, dist. III, q. i, De sanctificatione Virginis. Entre 1316 et 1320, Pierre Thomas, catalan et docteur de Paris, soutint la même cause dans un Liber de innoccnlia V. Mariée, qu’il fit présenter à Jean XXII. Pierre de Alva, ibid., p. 212. François de Meyronnes († 1327) seconde les précédents ; outre la question qu’il consacre à la sanctincation de la bienheureuse Vierge dans son commentaire sur le III livre des Sentences, il compose un Tractatus de conceplione beatæ Marite Virginis et prêche le privilège dans plusieurs sermons pour le jour de la fête. Pierre de Alva, ibid., p. 275 sq. Parmi les traités qui n’ont pas été conservés, rapjjclons celui de I.udolphc Cara<-ciolo, dont Il a été fait mention, col. 1070. Sous

l’influence de ces maîtres, la pieuse croyance s’implanta toujours de plus en plus chez les franciscains ; à la fin du xiv » siècle, elle était devenue commune.

Les autres ordres religieux ne demeurèrent pas indifférents dans le conflit suscité par la réaction scotiste, ceux surtout dont les théologiens étaient plus intimement mêlés, comme professeurs, à la vie littéraire d’alors : carmes et augustins. Il fallut quelque temps pour que le mouvement se déclarât en faveur de la pieuse croyance. Gérard de Bologne, général des carmes de 1296 à 1318, Guy de Perpignan qui lui succéda de 1318 à 1320 et, plus tard, devint évêque de Majorque, puis d’Elne, en Roussillon (1332-1342), Paul de Pérouse, son contemporain, sont opposés à la conception sans tache, mais d’une façon très modérée. Guy ne se défend même pas d’un mouvement de sympathie pour l’opinion qu’il n’ose pas adopter : Ista opinio, propler reverenliam beatæ Virginis, multum mihi placeret, nisi auctoritatibus canonis et sanctoTum obviaret. Quodl., t. III, q. xiv, d’après Pierre de Alva, Radii solis, col. 1026. Mais un revirement se produisit bientôt, en grande partie sous l’influence de Jean Bacon († 1346), le premier docteur de l’ordre à cette époque. Il avait rejeté l’opinion de Scot et de Pierre Auriol dans ses Quodlibeta, t. III, Quodl., XIII et XrV’, et dans les trois premiers livres de son commentaire sur les Sentences ; il pensait que ces théologiens sortaient des bornes d’une juste dévotion envers la mère de Dieu : Ista opinio nimis est adulatoria, et surtout que dans l’hypothèse d’une préservation, Marie n’aurait pas été réellement rachetée par son fils. In IV Sent., t. III, dist. XXX, a. 2. II comprit, plus tard, que la préservation attribuée à la mère de Dieu par les apôtres de la pieuse croyance n’excluait pas, en principe, la nécessite de contracter le péché originel, et que, si cette nécessité ne sortissait pas réellement son effet, ce n’était qu’en vertu d’un privilège extraordinaire et d’une application spéciale des mérites du Sauveur ; il changea d’opinion et en fit l’aveu, In IV Sent., t. IV, dist. III, q. iii, a. 3 : Ubi dico quod mo.v per privilegium spéciale, in hora conceptionis fuit causa et nécessitas contrahendi in maire Dei exstincta, ut de iure privato illa in animatione non conlraheret originale, quo notatur culpa et macula in anima, licet alibi altendens ad lus commune aliter dixerim. Voir Doncœur, art. cité, p. 48-52 (284-288). Après Bacon, la pieuse croyance triomphe chez les carmes ; pendant la seconde moitié du siècle, ils fournissent à la cause de la Vierge des défenseurs insignes, comme le bienheureux Pierre Thomas († 1366), Tractatus de Mariæ. conceplione ciusque excellentia, et François Martin, Compendium vcritalis immaculalse conceptionis, dont il sera parh’; davantage.

Il en fut des augustins comme des carmes. Dans la première moitié du siècle, Augustin d’Ancône, Henri de Vrimeria, Gérard de Sienne, Grégoire de Rimini s’en tinrent à la doctrine de Gilles de lîome et n’admirent pas le privilège. Mais, dès 1340, Hcrmann de Schildis le défendit dans un traité : De conceplione gloriosæ Virginis Marias ; parmi les multiples bénédictions dont la Vierge fut comblée en sa conception, il indique celle-ci, part. II, c.iv : Quomodo…Deus benedixit conceplse Virgini, creando animam illam sanctissimam, quæ post Caput nostrum immédiate ab ipso Capite esset omnis graliæ receptiva. Pierre de Alva, Monumenta anliqua… ex variis aulhoribus, t. i, p. 139. A la môme époque, un théologien de marque, Thomas de Strasbourg (ab Argentina), enseignait ù Paris la pieuse croyance. In IV Sent., . III, q. i, a. 1. Comme il devint quelques années plus tard prieur général de son ordre, son influence fut décisive. Sur la fin du siècle, Raymond .lordan salue ainsi Nolre-Damc, Contemplationes Idiotir de V. Maria, c. ii, n. 4 : Tota pulchra es,