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IxMMACULÉE CONCEPTION


Jésus-Christ, toute sanctification qu’on supposerait faite avant la constitution de la personne, à quelque moment qu’on la place et quelqu’ensoitlesujet, la chair. ou l’âme. Par là s’explique qu’à l’idée de sanctification première il associe celle de purification faisant disparaître le péché originel : Sanclificatio de qua loquimur, non est nisi emundalio a pcccalo originali. Par là s’expUque qu’à la 2 « objection inspirée par le texte ansehniea et fonnulée ainsi : Major puritas fuisset bealse Virginis, si nunquam anima cjus fuisset infecta contagio originalis pcccaii, il réponde, comme dans le commentaire sur les Sentences, que la pureté entendue de la sorte est le privilège exclusif du Sauveur des hommes : Si nunquam anima Virginis /uissel contagio originalis peccati inquinala, hoc derogarel dignilati Christi, secundiim quam est uniuersaiis omnium Salvator. Par là, enfin, s’explique que sa conclusion soit, au terme comme au début de sa carrière littéraire : Bealn Virgo conlraxil quidem originale pcccalum, sed ab eo fuit mundata, anlequam ex utero nasceretur. A quelle époque précise se fit cette purification ? Nous ne le savons pas : quo lempore sanctificata juerit, ignoratur, ad 3°™. Ailleurs, traitant de la fête de la Conception, le saint docteur ajoute que la sanctification dut suivre de près l’infusion de l’âme : Creditur enim quod cito posl conceptionem et animæ infusionem fuerit sanctificala. Quodl., VI, a. 7.

Tel est, dans son ensemble, l’enseignement de l’ange de l’École sur la sanctification première de la mère de Dieu. Il est pleinement conforme aux textes généraux, qu’on trouve épars dans ses écrits, sur l’extension du péché originel à tous les decendants d’Adam, le Sauveur excepté, parce que, seul, il n’a pas été conçu par voie de génération sexuelle et soumise à la loi du péché : Sum. IhroL, I » 11*, q. lxxxi, a 3 ; cꝟ. 111 », q. xxxi, a. 1, ad 3°™ ; In IV Sent., t. II, dist. XXXI, q. i, a. 2 ; t. III, dist. III, q. i, a. 2, sol. 1° ; t. IV, dist. IV, q. I, a. 4 ; Contra génies, t. IV, c. iv, cf. c. LU, ad 4um ; De malo, q. iv, a. 6. Enseignement conforme aussi à la nianière dont le saint docteur explique la transmission du ptché originel par Adam, comparé à un premier naoteur dans l’ordre de la génération, de telle sorte que son influence délétère s’exerce nécessairement sur tous ceux qui descendent de lui par voie séminale : Sic ergo Imjusmodi molio quie est pcr originem a primo parente derivatur in omnes qui scminaliter ab eo proccdunt ; unde omms qui scminaliter ab eo proccdunl, contrahunt ab eo originale pcccalum. De malo, q. iv, a. 6, in corp. Voir aussi la réponse ad lô""’.

Oue i)cnscr alors des passages souent invoqués en faveur de la pieuse croyance ? Il en est qui la contiennent réellement, ceux où la Vierge est fonncllement déclarée indemne du péché originel ; l)ar exeniplc, / ; i Epist. ad Gui., iii, 16, lect. vi : Excipitur purissima et omni lande dignissima Virgo Maria ; cf. In Epist. ad Rom., v, 3 ; de même, Expositio de Aue Maria (Opusc., l, al. VIll), c. i, où Marie est dite toute pure, quia née originale ncc mortale ncc veninle pcccalum incurrit. Mais ce sont là des inten>olalions qui ne figurent pas dans les éditions criliques ; et même’Opusculum, ’l (al. VIII) tout entier serait apocryphe, à en croire le P. Mandonnet, Des écrils authentiques de saint Thomns, 2’édit.. Friliourg (Suisse), 1910, p. 110. D’autres textes excluent de la mère de Dieu tout péché, toute tache : Eipositioinorat.domin. (<)pusc., V, al. Vil), petilio.5 », Plenn gratin, in qua nullum pcccalum fuit ; In ps. XIV, 2 : In Christo et H. Virginc Maria nulla omnino macula fuit ; In ps. XVIII, : Quit niillam habuil obscuritalem fMT.cali. Mnis ces affimiations, prises dans le contexte, ne s’appliquent qu’aux péchés actuels. Vn seul témoif ! na( ; e, bien authentique, semblerait dire davantage.

car on y lit de Marie : Quæ a peccato originali et aciuali immunis fuit. In IV Sent., t. I, dist. XLIV, q. i, a. 3. ad 3>im. En réalité, ces paroles ne sont pas plus décisives que des paroles analogues, rencontrées chez.Albert le Grand, col. 1049 : il faudrait prouver que le docteur angélique avait alors en vue l’instant menu’de la conception, et non pas un autre moment, celui de la sanctification première in utero ou, plus vraisemblablement, celui de la sanctification seconde et parfaite au jour de l’aunonciation. Sur ce texte et les autres, voir Chr. Pesch, De Deo crea/i/e, n. 328-330, et X. Le Bachelel, dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1910, t. i, p. 604. C’est à tort qu’à propos de ces passages comparés aux autres, on a parlé soit de rétractation implicite (Jean de Ségovie)ou d’inconsistance dans la doctrine (Mgr Malou, t. ii, p. 471), soit de falsifications textuelles s’étendant jusqu’à la question xxvii de la III" partie de la Somme Ihéologique (Pierre d’Alva, card. Sfondrate, card. Lambruschini et autres cités par F. MorgoLl, La doctrine sur la Vierge Marie ou Mariologie de saint Thomas d’Aquin, trad. Bourquard, Paris, 1881, p. 1601 sq.).

c. Autres théologiens. — Signalons-en deux donl l’enseignement se rapporte aux vingL-cinq dernières années du xm’e siècle. Leurs témoignages confirmeront la communauté de vues qui régnait alors panni les docteurs de Paris sur le fond de la question ; en même temps nous y trouverons accentuée la tendance à considérer la sanctification de la mère de Dieu comme s’étant opérée le plus tôt possible après la constitution de sa personne.

Henri de Gand, le « docteur solennel » († 1293), prononça de 1276 à 1292 quinze disputes sur nombre de sujets divers, Quodlibeta XV, Venise, 1613. Dans la XIII", il traita de la fête de la Conception, ou plutôt de son objet précis. Ceci l’amena tout d’abord à distinguer entre la conception humaine ou naturelle, qua Virgo est conccpla mundo, et la conception spirituelle ou surnaturelle, qua Virgo conccpla est Deo. Dans la première, Marie ne fut ni sainte ni sanctifiée : elle ne le fut pas au début, quand se fit la conception séminale, car à ce moment-là rien n’existait de la Vierge, si ce n’est une pure matière incapalile de grâce et de sanctification ; elle ne le fut pas non plus au terme, quand la conception se consomma, car alors même elle contracta le péché originel et devint ainsi fille de colère : per pcccalum originale, quod conlraxil, fada est filia iræ. iN’ulle autre raison n’est apportée que celle dont saint Bernar<l s’était servi : la connexion qui existe, dans l’ordre actuel, entre la génération humaine, ex semine tnunundo, et la tache héi’éditaire. La Vierge ne fut donc sanctifiée qu’après avoir contracté le péché commun ; mais quand eut lieu cette sanctification ? Henri de Gand n’admet pas. voyant en cela une contradiction, que Marie ait pii contracter le péché originel et en être délivrée par l’infusion de la grâce dans un seul et même instant réel. Hypothèse faite alors, semblc-t-il, puisqu’un autre maître de runiersité de Paris, compatriote et contemporain du docteur soleimel, Godefroy de Fontaines (t vers 1306), la réfute également, Quodl., VIII, q. IV, d’après un extrait publié par Pierre de Alva, Radii salis, col. 1050. Mais si la conceiilion dans le péché précéda réellement la sanctifie alion, rien n’empêche que celle-ci ait pu se faire aussitôt après, mox et subilo, en sorte que l’âme de la bienheureuse Vierge n’ait été infectée du péché originel qu’un seul instant et d’une façon transitoire. nonnisi in instanti et in tninsilu. l".n a-t-il été de la sorte, Dieu seul le sait, ajoute Henri de Gand sans vouloir rien affirmer, si ce n’est que la chose lui seniblr possible et raisonnable : quod ncc scia ncc asscro, scd rationabik mihi vidctnr et possibile.