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IMMACULEE CONCEPTION


Anglais, Richard de Middletown, Ricardus a Media Villa (t vers 1308), réduit le problème à une seule question : la chair de Marie a-t-elle été sanctifiée avant l’animation, antequam animala ? Gomme ses maîtres, il conclut négativement, en ce double sens qu’avant l’animation la chair ne peut être le sujet d’une sanctification proprement dite, et qu’on ne peut supposer en elle aucune disposition appelant la grâce dans l’âme destinée à lui être unie : anima enim Virginis ex sui unione ad illam carnem peccatum originale contraxil. In IV Sent., t. III, dist. III, q. i. Ce qu’il répèle, et pour la même raison, dans la réponse ad 2°™ : descendit enim caro ejus a primis parenlibus secundum naturalis propaginis legem. Quand la Vierge fut-elle sanctifiée ? Eodem die, cito post constitutionem naturæ, ad 3Jni.

On ne s’étonnera donc pas que les derniers éditeurs des œuvres de saint Bonavenlure aient reconnu, loc. cit., son opposition à la pieuse croyance, et que, dans la préface des QuKstiones disputatæ de immaculala conceptione bealæ Mariée Virginis, imprimées aussi à Quaracchi, on lise cet aveu, p. xi : « Les disciples de saint Bonaventure ont répété sa doctrine, et jusqu’ici nous n’avons pas rencontré un seul de nos théologiens de Paris au xiii° siècle, qui ait accepté ou défendu la doctrine de l’immaculée conception. »

b. Théologiens dominicains. — Albert le Grand († 1280), professeur à Paris de 1245 à 1248, traite la question en deux articles. La bienheureuse Vierge fut-elle sanctifiée étant déjà dans le sein de sa mère ou avant d’y être, in utero vcl unie uterum, (en d’autres termes, ante conceptioncm vcl post conceptionem seminalem ) ! La réponse ne pouvait pas être douteuse : Marie n’a pas pu être sanctifiée in parenlibus ou avant sa conception. La grâce de la sanctification ne vient pas des parents ; elle ne peut donc pas être communiquée par eux. La Vierge fut conçue, comme les autre, par voie de génération sexuelle ; l’acte générateur étant, dans l’ordre actuel, indissolublement lié à la concupiscence actuelle, ne pouvait manquer de lui transmettre le péché. La chair ne participe à la sanctifialion que par l’âme distincte de la chair et n’étant pas, comme elle, contenue dans les ancêtres ; personne ne peut donc recevoir dans les ancêtres la grâce de la sanctification. Vient ensuite la seconde question : la chair de la bienheureuse Vierge a-t-elle été sanctifiée avant ou après l’infusion de l’âme, anle vel post aninvtlionem ? Nous avons vii, col. 1016, comment certains supposaient une sanctification de la chair antérieure à l’animation. Albert rejette cette hypothèse comme une hérésie condamnée par saint Bernard dans sa lettre aux chanoines de Lyon et par tous les maîtres en théologie de Paris. La chair prise en elle-même n’est pas susceptil>le de recevoir la grâce sanctifiante ; il ne peut donc y avoir sanctification avant l’animation. En outre, dans l’iiypothèse d’une purification préalable de la chair, la Vierge n’aurait pas eu besoin de rédemption dans son âme, et ainsi ell échapperait à l’universelle sentence : Morte morieris, qui vaut de la double mort, celle du corps et celle de râmc. Reste que la mère de Dieu ait été sanctifiée dans le sein maternel ; en ((uel jour ou à quelle heure, personne ne iieut le savoir en dehors d’une révélation : il est seulement plus probable que l’attente ne fut pas de lo gue durée, mais que la sanctification suivit de près l’animation : probabilius est, f/uod cito post anumitioncm con/eratur, quam longe exspectetur, a..5. Ces affirmations s<^)nt trop nettes pour qu on puisse légitimement interpréter dans le sens tlu glorieux privilège un passage où le même docleur déclare Notre-Dame indemne de la malédiction du péché originel : Triplex vue culpæ, originalis, mortalis ac venialis… Sive omni Iriplici ure fuit benlissima

virgo Maria. Mariale sive quasstiones super evan^ gelium Missus est, q. xxxi, B. Alberti Magni opéra omnia, Paris, 1890 sq., t. xxxvii, p. 67 ; cf. Biblia Mariana, n. 12, ibid., p. 430 : De laudibus B. M. Virginis, t. I, c. I, t. xxxvi, p. 9-10. Il s’agit, semble-t-il, du péché originel considéré dans son élément matériel, le fomes peccati, dont Marie fut délivrée partiellement en sa première sanctification in utero, et totalement dans sa seconde sanctification au jour de l’annonciation. D’ailleurs, la conception dans le péché est expressément affirmée plus loin, q. clxui, 5 3, p. 239 : Sed quæritur illud, quare et unde fucrit, quod non fuit sine originali labe conccpta ? Dicimus quod luit impossibile, nisi conciperetur de virgine, et sic mater sua fierel virgo mater, et non essel suum privilegium, scilicet quoa essel mater virgo. Ce qui confirme l’étroite dépendance qui existe entre la doctrine d’Albert le Grand et celle de saint Bernard.

Vers la même époque, un autre dominicain, Pierre de Tarentaise (1225-1276), plus tard Innocent V, résout le problème d’une façon à la fois plus compliquée et plus précise. In IV Sent., t. III, dist. III, q. I, a. 1. Quæritur an sanctiflcata fuerit caro eius anle animée infusionem. Il distingue quatre manières dont on peut être sanctifié, sous le rapport du temps : a. anle conceplum et orlum, non seulement avant la naissance, mais même avant la conception, manière qu’il déclare impossible ; b. post conceplum et orlum, non seulement après la conception, mais encore après la naissance, manière habituelle, mais insuflisante quand il s’agit de la mère de Dieu ; c. ni ipso conceplu et orlu, non seulement dans la naissance, mais dans la conception elle-même, manière réservée au Sauveur ; d. in orlu, non in conceplu, dans la naissance et non pas dans la conception, manière propre à la bienheureuse Vierge, qui fut sanctifiée dans le sein de sa mère. Mais cette sanctification antérieure à la naissance peut être rapportée à quatre moments distincts : ante animationem, in ipsa animatione, cilo post animationem, diu post animationem. Pierre de Tarentaise rejette une sanctification qui serait faite avant l’animation, puisqu’alors il n’y a pas de sujet capable de recevoir la grâce sanctifiante qui, seule, fait disparaître la souillure du péché. Il rejette aussi, comme ne convenant pas, une sanctification qui se produirait au moment même de l’animation ; car de deux choses l’une : ou la bienheureuse Vierge n’aurait pas contracté la faute originelle, et alors elle n’aurait pas eu besoin d’être sanctifiée et rachetée par.Jésus-Christ, ce qui est contre la loi universelle ; ou bien elle l’aurait contractée, et alors le péché et la grâce auraient coexisté en elle, ce qui est contradictoire. Marie a donc été sanctifiée après l’animation ; mais l’excellence de sa sainteté ne permet pas de supposer qu’elle soit restée longtemps dans le péché, non convenil ianlee sanctilali, ut diu morala fuerit in peccalo ; il est convenable et jiicux de croire, malgré le silence de l’Écriture, que la sanctification suiît de près l’infusion de l’âme et qu’elle se fit le jour même ou à l’heure même, non pas toutefois au moment njeme de l’animation, videtur convenicns et pic credibilis (liccl de Scriplura non habentur), ut cito post animationem, vcl ipsa die vel liora (quanivis non ipso momenlo) fuerit sanctificala.

Nous retrouvons la même doctrine, avec des nuances notables, dans saint Thomas d’Aquin († 1274). In IV Senl., .

, dist. III, q. i, a. 1 ; Suni. theoL, 111 », q. XXVII, a. 2. Passages les plus importants, non seulement parce que le problème de la sanctification (le Marie y est traité ex professa, mais encore parce qu’ils se rapportent aux deux termes de la carrière professorale du docteur angélique, le premier au début (Paris, 1252-1260), le second à la fin (Naples, 1272).