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IMMACULEE CONCEPTION


même prépondérante. La plupart s’en tenaient à la sanctification in utero, avec des nuances cependant. Les uns regardaient cette sanctification comme postérieure à la conception proprement dite, qu ils supposaient faite dans le péché ; tels, entre autres, Nicolas de Clairvaux, In Naliuit. S. Joannis Baplislæ (sennon attribué souvent à saint Pierre Damien), P. L., t. cxLiv, col. C28 ; pseudo-Bernard, Serm., iv, in Salve Regina, n. 3, P. L., t. clxxiv, col. 1075, malgré des expressions qui, séparées du contexte, suggéreraient l’idée d’une conception sainte ; Maurice de Sully, évoque de Paris († 1196), sermon ms. in Nativilatem, cf. Noyon, Notes bibliogr., juillet-oct. 1920, p. 299 ; Jean Lothaire (Innocent III, 1198-1216), Serm., xiii, in solemnitate Purificafionis, P. L., t. ccxvii, col. 506. D’autres affirment simplement que Marie fut sanctifiée dans le sein de sa mère, sans rien ajouter qui exprime ou suppose une relation de priorité et de postériorité entre la conception proprement dite et la sanctification ; tels, le bienheureux Amédée, évcque de Lausanne († 1158), disant de la Vierge : pulctira ab ortu usque ad finem. Homil., vii, de Maria virginea matre, P. L., t. clxxxviii, col. 1341. De même le vén. Godefroy, abbé d’Admont († 1165), parlant de l’âme de Marie : qaam ab ipso nalivitatis ejus primordio mirabili virtutum structura, inœstimabilis castitalis et munditiee sanctimonia in locum liabilationis suse Deus Pater mirabiliter composait, decenler ornavil et sanctificavil. Homiliæ /estivales, Lxxviii, P. L., t. clxxiv, col. 1028. Et Pierre de Blois, archidiacre de Bath en Angleterre († 1200) : ab utero malris suæ plenitudinem gratiæ et sanctitatis accepcrat. Serm., xxxviii, in Nativitate B. M., P. L., t. ccvii, col. 675. Témoignages neutres, à ne considérer que la teneur des termes. D’autres, enfin, ou parlent d’une façon dubitative, comme Achard de Saint-’Victor, déjà cité, ou proposent même une disjonctive ; ainsi Pierre de Poitiers († 1205) qui, dans ses œuvres imprimées, présente la Vierge comme « purifiée dans le sein de sa mère », Sent., t. IV, c. VII, P. L., t. ccxi, col. 1165, et parle ailleurs de la sanctification comme faite au début de la conception ou aussitôt après : ab inilio conceptionis, sive in utero, id est stalim post conceptum. Sermon ms. in Anmintiatione, Paris, B.N. ms. lat. 14593, io. 136 v, cité par le P. Noyon, Notes bibliogr., avril 1911, p. 182. Évidemment la pieuse croyance gagnait peu à peu du terrain même parmi les doctes ; pour un certain nombre, la croyance à la sanctification de Marie in utero devenait comme une dernière étape avant le terme final, la croj’ance à l’immaculée conception. 2. La purification de Marie à l’unnoncialiou, d’après les théologiens du XW siècle. — Avant d’étudier le progrès de la fêle, il importe de fixer un instant notre attention sur la doctrine de la purification de la Vierge au jour où le Saint-Esprit vint sur elle et où la vertu du Très-Haut la couvrit de son ombre. Luc, i, 35. Rencontrée dès l’âge patristique, cette doctrine nous apparaît maintenant en des termes qui sembleraient, A première vue, créer une réelle difficulté contre ce qui vient d’être dit. Soient d’abnrd, à titre d’exemples, quelques affirmations particulièrement exjjressives. Kadmer, rai)porlant non sa propre opinion, mais celle de contemporains, Tractatus, n. 12 : Quod si aliquis ipsam Dei genilricem usque ad Ctiristi annunciationem originali peccnio nbnoxiam as.ieril, ac sic fide qun angelo credidit inde mundatam. Saint Yves de Chartres († 1117) : Omnem quippe ncevum tam originalis quam aclnnlis culpm in en delevil. Serm., viii, de Nativitate Domini, P. L., t. clxii, col. 570. Herbert de I>osinga, évoque de Non-ich († 1110) : Purgnt ab originali i-t aciunli culpn quam sua impleinrus eral gratin. Serm., I, in die natuli Domini, dans The Li/e, Letters and Sermons o/ Herbert de iMSinga, édit. E. M. Goulbum,

Londres, 1878, t. ii, p. 1. Hildebert du Mans († 1133) : Ut ingressurus eam Dei Filius, et purgalam inveniret a reatu alieno, et immunem a proprio. Serm., ci, contra Judœos, P. L., t. CLXxi, col. 814 : vén. Godefroy d’Admont († 1165) : Spirilus Sanctus superveniens ab omni originali peccato liberam reddidit, et ab omni actuali peccato, si quod illud erat, emundavil. Homiliæ dominicales, iv, P. L., t. clxxiv, col. 41. Autant de textes qui, pris à la lettre, supposeraient qu’au jour de l’annonciation la bienheureuse Vierge aurait encore été soumise au péché originel, et qui, par conséquent, cxclueraient non pas seulement une conception sainte, mais même une naissance sainte. Est-il possible d’admettre une pareille interprétation ? La réponse à cette question nécessite deux remarques préliminaires.

Très large était, au xii » siècle l’acception du mot péché, comme on le voit par ce texte de Roland Bandinelli, op. cit., p. 132 : Nomine pcccati intelligitur macula, quandoque aclus pcccati, quandoque reatus, quandoque culpa, quandoque pena. Ainsi, non seulement l’action coupable, non seulement la faute, étaient appelées péché, mais encore tout ce qui s’y rattache, état de culpabilité, souillure, peine. Cette terminologie s’appliquait presque entièrement au péché originel, que les théologiens d’alors avaient coutume de considérer d’une façon concrète, dans toute son extension, en y faisant rentrer non seulement la souillure de l’âme et l’état de culpabiHté devant Dieu, mais encore la concupiscence, prise soit dans son principe, soit dans ses manifestations actuelles ou ses effets, les mouvements déréglés de la nature, même indélibérés ou involontaires.

Cet emploi large et abusif du mot péclié cadrait bien avec les idées qui régnaient parmi ces théologiens sur la nature de la faute originelle. Saint Anselme l’avait fait consister dans la privation de la justice primitive, mais cette explication n’avait pas encore prévalu. La plupart identifiaient la tache héréditaire et la concupiscence, prise seule ou avec l’ignorance : tels, entre autres, Hugues de Saint-Victor et le Maître des Sentences, Pierre Lombard. Voir J. N. Espenberger. Die Elemente der Erbsûnde noc/i Augustin und der Frûhscholastik, Mayence, 1905, c. ii. Ils ne voulaient pas dire par là que, du seul fait de la concupiscence et partout où elle se trouve, il y ait péché originel proprement dit, car ils enseignent formellement que ni la souillure de l’âme ni l’état de culpabilité devant Dieu ne demeurent dans le baptisé, malgré la persistance en lui de la concupiscence. Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, I. I, part. VU, c. xxvi, P. L., t. CLXXV7, col. 297 : in ipso originali vitio tollitur non pœna, sed culpa. Robert Pull, Sent., t. II, c. xxxi, P. L., t. cLxxxvi, col. 174 : in baplizalis dimiiti dicitur, dum quæ ex ipso est concupiscent ia condonatur. Pierre Lombard, Sent., t. II, dist. XXX, n. 7, P. L., t. cxr.ii. col. 722 : nisi ab ejus realu per Christi baptismum absolvantur. Roland Bandinelli, parlant de la souillure de l’âme, op. cit., p, 136 : que macula usque ad baptismi sacramentum in ea perdurât, sed in baplismatis unda lavatur atque mundatur. Ces théologiens considéraient donc comme choses distinctes la concupiscence prise en elle-même ou matériellement et le reatus, l’état de culpabilité, qui pouvait disparaître, la concupiscence restant, mais avec le simple caractère de peine temjxirelle et de désordre matériel.

Quoi qu’il en soit de la valeur, ou plutôt de l’insuffisance objective de ces vues sur la nature du péché originel et de la terminologie qui s’y rattache, il faut en tenir compte si l’on veut interpréter sainement 1rs textes allégués et comiircndre en quel sens leurs auteurs ont pu regarder la Vierge comme soumise au péché originel jusqu’au jour de l’annonciation. H ne s’agit ni de sa première sanctification, ni du