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IMMACULEE CONCEPTION

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aurait fallu d’abord consulter le siège apostolique. Et le saint termine en s’en reniellant lui-même à cette suprême autorité, dont il accepte, par axancc, le jugement.

Deux {[uestions se posent en lace de cette lettre : 1 une d’aulhenlicité, l’autre d’interprétation. Les critiques ont tenu communément l’illustre abbé de Clairvaux pour son auteur. Voir Mgr Malou, op. cit., t. II, p. 129 sq. Il y a eu néanmoins des dénéiiations ou des doutes ; le P. Antoine Ballerini, en particulier, a soutenu dans une étude spéciale que la lettre aux chanoines de Lyon est l’œuvre d’un faussaire, Nicolas de Clairvaux, secrétaire de saint Bernard et chassé plus tard du monastère pf^ur abus de confiance. Hfïorts infructueux, malgré des conjectures int ; énicuses qui attestent la grande érudition de l’écrivain, mais qui ne tiennent pas devant les documents positifs. La lettre est réellement autiienlicjue, y compris la phrase finale d’adliésion anticipée au futur jugement de Rome. Klle est authenliciue, connue le second sermon sur l’Assoniption, où la même doctrine se retrouve, n. 8, P. L., t. cLxxxiii, col. 420. Vacandard, J, es oriqines de la /êtc, dans la Bnme du chrgé français, t. xui, p. 20, note 2, et p. 40, note 3.

Plus complexe est la question d’interprélation. Ouelques-uns n’ont voulu voir dans l’admonestation adressée aux chanoines de Lyon qu’une protestation juridico-liturgique contre la célébration, ino])portune ou inéiiulière, d’une fête non approuvée ; opinion dont l’analyse donnée ci-dessus démontre l’insuffisance absolue. D’autres, au nom.brc desquels se trouvent Cajélan, Hellarmin et, plus près de nous, Perrone et Passaglia, ont estimé que Bernard avait en vue, par opposition aux partisans de la fête à cette époque, la conception active ou séminale, prise soit en elle-même, soit dans son terme innnédiat, qui est la chair encore inanimée et informe ; en ce sens seulement il aurait nié que la conceplion de Marie put être considérée comme sainte. IMus sérieuse que la précédente, celle interprétation reste pourtant, elle aussi, insullisante ; c’est ce qu ont montré, chacun à sa manière, les deux principaux éditeurs des (tuvres de sailli Bernard, llorslius et Mabillon, malgré les (lilTicullés et les obscurités réelles qui s’attachent à un raisonnement complexe où nulle disîinclion n’est faite, formellement du moins, soit entre la conception active et la conceplion passive, soit entre la conception commencée ou charnelle et la conception consommée ou proprement humaine. Bernard se serl de deux tenues : coticeptio, dont le sens peut être actif ou passif, et conccpliis, dont le sens est, de soi, passif. Il applique le second terme à la Vierge, quand il la considère comme personne humaine qui commence à exister : ainsi dit-il qu’elle n’a pas pu être sanctifiée aant sa conception, anlt : conccplum siii, puisqu’elle n’existait pas alors, ni au moment même de sa conce)>lion, scd nec in ipso concrptu, i cause du))éché qui s’y rencontrait, mais seulement après sa conccplion alors que déjà elle existait dans le sein de sa mère, post conceptiim in utero iuni exislens ; trois cas où il s’auit manifestement de la conception passive consommée ou liroprement humaine, et c’est bien dans ce sens que les grands scoiastiques du xme siècle, à propos de cette question : L’irum H. Virgo snnclifiaita fiierit ante animalioneni, invoqueront l’aulorilé du docteur cistercien ; tel, par exemple. Albert le (Irand, In IV Senl., l. III, dist. III, a. 1. Par contre. Bernard emploie le tenne de conccptio en parlant de l’acte générateur des parents de la Nierge. an forte intir aniplixtis maritales sanrtitas sr ipsi conreptioni immi.sciiit ?Sud(jile c|u’ll ne s’agisse alors de la cfHKejjlion aciive ou séminale ; de celle-là il est directement qucslion, quand le saint abbé montre le péché s’altachant à toute con ception soumise à la loi de la concupiscence L’h> pothèse qu’il rejette paraît être celle d’une sanctification ou purification préventive, de quelque façon qu’on la conçoive, qui précéderait l’existence de la personne môme de Marie. Mais prise dans ses conséquences, son argumentation va plus loin : elle tend à prouver que là où la conception actie est soumise à la loi de la concupiscence, la sainteté ne peut pas se trouver fians la conception passive même consommée, parce que le péché s’y rencontre : scd ncc in ipso conctplii, proplcr pccculiuu quod incrat. En sorte que la pensée du saint peut se résumer en ce dilemme : Ou sainte -Anne a conçu du Saint -Es]>rit, ou Marie conçue par elle a contracté la tare hérêdilaire.

Cette argumentation trahit manifestement l’influence de la théorie courante à cette époque, la théorie de ceux qui considéraient toute génération sexuelle comme souillée, dans l’ordre actuel, par la concupiscence et qui rattachaient à cette circonstance la transmission du péché originel. Maiie a subi la loi commune ; pour elle comme peur les autres descendants d’Adam déchu, il y eut connexion entre la conception active soumise a la loi du péché et la conception passive dans le péché. Pour qu’on fût en droit d’opposer ou de disjoindre, sous ce rapport, ce que Bernard appelle la concvpliu et le conccpiiis, un fondement ou indice positif de sa part serait nécessaire ; loin de là, il attribue à la mère de Dieu une sanctification qui assura la sainteté de sa naissance, non pas en vertu d’une conccjUion sainte qui aurait précédé, mais seulement ]>arce qu’une sanctification postérieure lit disjiaraitrc lepéché : guw exc.luso pcccato sanctam fcccril ndliinlateni, non lamen et conceplionem. L’ablé de (Clairvaux s’en tient d’ailleurs à la raison tirée des rapports qu’il suppose exister entre la concui )iscencc dans l’acte générateur et la transniission de la tache héréditaire ; nulle trace, chez lui, de l’objection qui deviendra prépondérante aux siècles suivants, celle qui s’appuie sur la loi de l’unixerselle rcdemiilion, censée incompalilile avec l’exemption du péché originel. Cette objection aurail-cUe jm lui venir à l’esprit, alors qu’il concevait la rédemption d’une façon si large que, pour lui, les anges préservés de la chute par une grâce efficace, due aux mérites futurs de Jésus-Christ, étaient des rachetés’.' Serm., xxii, in Cantica, n. G, 1’. L., t. cLXXxiii, col. 880 : qui creavit hominem lapsuni, dédit stanli ungclo ne luberrtur, sic illuni de captivitate erucns, sicut hune a captivitate defendens. El luic ralione fuit ivquc utrique rcdemplio, solrens illuni et scruans istnni.

Remarciuons enfin que, d’après le docteur cislercicn, la sanctification ]>remiêre de la bienheureuse iergc, celle qu’il lui attribue dès le sein de sa mère, est une sanctification exccplionnelle et Iransccndanlc. ent rainant jxiur la vie enlière l’exemption de tout )iéché, n., ’) : Ego puto, quod et copiusior sanctificationis benedictio in eoni desceiiderit, quaipsius non sotur.i sanctifkarct ortum, sed et rilum ab omni deinceps peccfilo custodiret iminunem. Aussi, meilleur exégèle en ce point que la plupart de ses conteniixirains, il entend les paroles de l’ange : Spiritus Sanctus superveniel in le, non ponU d’une i)nrification quelconque, mais d’une surcr(<issance dans la jilénitude de la grâce : nunc superrenire nuntiatur propter abundantioris grutiw plenitudinem, quam effusurus est super illam. Homil., IV, super Missus est, n. 3, I’. L., t. clxxxiii, ’cl. 81. Ivn Marie il salue la nouvelle Eve qui, associée au nouvel Adam, écrase la tête du scr))enl. N’oir ci-dessus, col. 856. Par là s’explique que, malgré la lacune du début, la mariologie de saini Bernard soit restée si belle et si riche et oigne de la mère de Dieu. (Considération ])n>pre à lemi>érer le regret qu’on épr( ue naturellement de ne i » as prnivoir coiuiUer le