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IMMACULÉE CONCEPTION


solennise déjà la fôte dans son monastère. Osliert fait enfin un suprOnie appel au zèle d’Anselme et l’exhorte à ne pas laisser inachevée l’eiilreiirise dont il a été l’âme : Que vos ennemis ne puissciil pas dire de vous sur un ton d’ironie, t/u/r/ hic homo cœpit cdificare, et non poliiit consiimmaif. L’appel fut entendu, et l’appui eflicace, car il est indubitable qu’à parlir de cette époque, la fête de la ( ; onceplion t^afina rapidement du terrain en Angleterre. Peul-ètre même serait-ce d’une intervention personnelle de l’abL’é Ansehne qu’il faudrait entendre l’assertion consignée dans un exemplaire manuscrit des.

nales de Tew kesburj’, datant du xin"e siècle, suivant laquelle la fête de la Conception de sainte Marie aurait été approuvée dans un concile de Londres (1129) par l’autorité d’un légat pontifical. Bisho]), nrl. cité, p. 29 sq.

3. Profession explicite de l’immaculcc conception : Eadmer, Osbert de Clare. — Si le résultat de la controverse précédente fut important pour la nouvelle fête, il ne le fut pas moins pour la croyance au glorieux privilège de Marie. Afin de répondre aux objections émises contre la légitimité du culte qu’ils s’efïorçaient de promouvoir, ses partisans durent expliquer pourquoi et sous quel rapport la conceiition de la mère de Dieu leur semblait digne de vénération. C’est en le faisant qu’ils alTinnèrent la pureté et la sainteté originelle de la bienheureuse Vierge. Tels furent les deux principaux alliés de l’abbé -Anselme : L^admer († 1124 ?) et Osbert de Clare (t vers 1160).

La perle des écrits composés alors est incontestablement le Tractatus de conceptione sanctæ Mariæ, P. L., t. CLix, col. 301-.’Î08. Mis pendant longtemps sous le nom de saint Anselme, il fut attribué plus tard par quelques-uns au vén. Hervé, moine du Hourg-Dieu († 1150) ; voir A. Charma, Solice biographique, littéraire et philosophique sur saint Anselme, note.57, p. 112, dans les Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, Cæn, 1853, t. xx ; d’autres en firent l’honneur à l’abbé Anselme. Enfin il a été revendiqué par le P. Ragey pour le pieux et docte Eadmer, ce moine bénédictin de Saint-Augustin de Cantorbéry qui fut le compagnon, l’intime ami et le biographe de saint Anselme ; attribution confirmée depuis par la découverte, due au P. Thurston. d’un manuscrit original de Corpus Christi Collège, Cambridge, portant au début cette inscription : De conceptione sunctx Mariée editum ab Eadmero monacho mayno pcceutore. C’est d’après ce texte que les Pères Thurston et Slaler ont réédité l’opuscule en l’accompagnant de préfaces instructives et d’appendices précieux. La seconde pa’rtie du traité, n. 16-41, n’a qu’un rapport général et indirect avec le glorieux privilège, car elle porte sur les immenses bienfaits dont nous sommes redevables à la Vierge et de sa merveilleuse puissance d’intercession au ciel. Autre est la première partie. Laissant de côté l’annonce prophétique et autres détails qu’il sait empruntés aux sources apocryphes, n. 3 ; cf. De excellentia Viryinis, c. ii, P. L., t. eux, col. 560, Eadmer considère surtout la conception de Notre-Dame comme le début, l’origine première de la future mère de Dieu, et il s’attache à montrer que la sainteté dut être à la base de l’édifice qui s’inaugurait alors. On ne saurait, quand on songe à la dignité et à la grandeur où devait parvenir cette fennne bénie, la supposer d’abord infectée de la tache héréditaire : Si peccati alicujus ex primæ preevaricationis origine maculam traxit, quid dicemus ? Jérémie, destiné par Dieu à l’apostolat, fut sanctifié avant sa naissance ; Jean, le précurseur, fut rempli du Saint-Esprit dès le sein de sa mère : comment celle qui devait être l’unique propitiatrice du genre humain et l’unique demeure du Fils de Dieu, aurait-elle été privée, au

début de son existence, de la grâce du Saint-Esprit’.' N. 9. Il est vrai que, suivant la parole de l’apcMre, tous ont pccité en Adam ; mais la place suréminente que Marie occupe à côté de son fils ne permet pas de l’astreindre à la loi commune en sa conception : ila te non lege nature aliorum in tua conceptione devinctum fuisse opinor, n. 12. Nulle tache de péché n’a dû souiller cette conception ; autrement, entre le fondement de l’édifice cjue la sagesse diine se proposait de construire et l’édifice lui-même, il y aurait eu dissonance, disproportion : Si igitur uliqua alicujus peccati macula conccplio ipsa corrupta fuit, fundamentum habitaculi sapicntiæ Dei ipsi structurif non congruebut, non cohivrebat, n. 13.

Que signifie, pour Eadmer, le terme de conception.’Les adversaires de la fête avaient, dans l’une de leurs objections, distingué implicitement entre la conception consommée et la conception commencée, entre la personne de Marie déjà constituée, après l’union (le l’âme et du corps, et l’état antérieur où ils ne voulaient voir qu’une matière informe et impure. Eadmer sépare et oppose, sous le rapport des idées et des propriétés, la conception active et la conception passive, c’est-à-dire l’acte générateur des parents et son terme ; à la difficulté tirée de ce que tout fils d’Adam est conçu dans l’iniquité, il répond : Si, par suite de l’union sexuelle qui est interveiuie dans la génération de Marie, l’influence du péché originel s’est fait sentir, les parents seuls furent en cause, et non leur fruit : propagantium et non propagatie prolis fuit, n. il. Mais cjuand il s’agit de Marie elle-même, considérée comme objet de vénération, jamais Eadmer ne distingue entre la conception commencée et la conception consommée, soit qu’il ait délibérément néglij.é ou même qu’il n’ait pas admis cette distinction d’ordre purement philosophique, soit que l’admettant en principe, il ait fait en faveur de Marie une exception à la loi du développement progressif de l’embryon humain, comme d’autres plus tard. Voir Trombelli, Maria’sanctissimæ vita, Bologne, 1761, t. i, c. iv. En tout cas, les termes dont il se sert reportent l’esprit soit à la conception, soit à la création, considérées comme le début même ou le commencement de Marie : conceptionis ejus exordium, primoidia conceptionis ejus, n. 3, 5, 7, 11, 13 ; primordia creationis illius, n. 12, 19. En outre, la pureté et la sainteté attribuées à la mère de Dieu ne concernent pas moins le corps et l’àme ; elles excluent le péché originel proprement dit et tout ce qui pourrait s’y rattacher sous forme de tache ou d’impureté : remota omni labe condilionis humame, n. 13 ; munda præ omnibus esse debueras, n. 19 ; omni quod te aliqualenus decolorard peccati imlnere aliéna prodisti, n. 20.

Qu’il y ait là un mystère, qu’une telle sanctification suppose une intervention tout à fait extraordinaire de la part de Dieu, Eadmer en convient pleinement : aussi se contente-t-il de faire appel à la toute-puissance, mise au service de l’amour. Dieu donne bien à la châtaigne d’être conçue, nourrie et formée au milieu des épines sans qu’elles lui portent atteinte : pourquoi n’aurait-il pas pu protéger le corps qui devait être son temple et lui fournir sa chair humaine, en faisant que, conçu parmi les épines du péché, il échappât totalement à leurs pointes’? Quand les mauvais anges tombèrent. Dieu préserva les bons d’une chute personnelle ; et il n’aurait pas pu préserver du péché d’autrui la femme destinée à devenir sa mère’.' « Il l’a pu ; si donc il l’a voulu, il l’a fait », n. 10, 11, 13. Qu’il l’eût voulu, tout ce qui avait été dit auparavant tendait à l’établir par raison de convenance. Eadmer l)osait ainsi les bases de l’argument qui, complété et développé, se résume en ces trois mots : Pctuit, dccuil, fecil. Le dccuit, pièce fondamentale, lui avait été fourni