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spéciale et privilégiée, tendant à faire disparaître en Marie tout ce qui, dans la terminologie augustinienne, constituait la chair de péché, c’est-à-dire la concupiscence considérée soit comme effet ou comme moyen de transmission du péclié originel, soit comme principe de péchés actuels (/unicn pt’cca// ;. C’est également de cette purification consommée que parlait Eadmer, quand il a dit de la mère de Dieu au jour de l’annoncialion : « Nous croyons que, s’il restait encore en elle quelque chose du péc]ié originel ou du péché actuel, son coiur en fut si conplèteinent purifié, que dès lors l’Esprit du Seigneur reposa vraiment dans sa plénitude sur l’humide Vierge qui, tremblante, écoutait le message divin. » De cxceÛenlia Virginis, c. III, P. L., t. eux, col. 561.

Le problème de la conception de Marie d’après Ansehne n’est pas tranché par ce qui précède ; on pourrait nicme arguer de cette purification tendant à faire disparaître dans la mère de Dieu les eiïets ou conséquences du péché originel, pour conclure que le saint docteur devait la regarder comme primitivement soumise à la loi commune. Ce qui paraît confirmé par d’autres textes, notamment ceux où il réserve au Sauveur le privilège d’avoir été conçu et d’être né sans péché : Solus inlcr homines filius Virginis in ulero miitris et nasccns de maire sine pcccalo. De conceptu virgin., c. iii, col. 435 ; in omnibus enim trahitur iniquilas ex Adam, et uinculum pcecali, et propagalio morlis, te solo exceplo. Domine Jesii Christe, qui, nalnra miranle, de Sunclo Spirilu es coneeplus. Medilalio in ps. Miserere, 19, P. L., t. ci.vni, col. 854. Mais dans ces textes, comme dans ceux de saint Augustin et d’autres Pères ci-dessus allégués, il s’agit directement de la question de principe ou de droit, fondée sur le mode de conception ; sous ce rapport, Jésus-Christ seul échappait à la loi commune. Autre est la question d’application ou de fait, l’exception restant possible, s il plaît à Dieu. Ainsi, dans le premier texte, la conception sans péché el la naissance sans péché sont réservées au Sauveur ; malgré cela, en fait et par privilège, le précurseur est né saint parce que sanctifié dans le sein de sa mère, suivant une aflirination déjà rapportée : prias plenus Deo qiuun ex maire.

A rencontre, il est vrai, quand il s’agit de Marie, se présente la phrase où Boson affirme à la fois la conception dans l’iniquité, est in iniqnilalibiis concepla, et la naissance avec le péché originel, et cnm originali peccalo nala est. Mais, à supposer que cette assertion eût été pleinement acceptée, il n’en résulterait pas d’objection efficace contre la sanctification de Marie dans le sein de sa mère, si l’on tient compte de la terminologie d’Anselme. Pour lui, les paroles du lisalmiste : Ecce in iniquitalibns eoncei>lus sum, s’appliquaient directement à l’acte générateur des parents et au terme immédiat de cet acte, soumis l’un et l’autre à la loi du péché, dans le sens expliqué déjà : le mot de conceplion désigne alors la conception première, appelée conceplion charnelle, séminale, ou conception passive commencée, par opposition à la conception seconde ou conception passive consommée par l’union de l’âme et du corps, dans l’hypotJièse formellement soutenue par Ansehne, , De concepla virgin., c. VII, col. 440, où l’embryon ne serait vivifié par une âme humaine qu’après une certaine période de formation. Il résulte de là que, dans le texte allégué, l’expression : nala est, signifie proprement la naissance, non extérieure, mais intérieure, celle qui eut lieu quand par l’union de l’âme avec le corps suffîsamnient développé, la personne humaine de Marie commença d’exister. Cette acception du mol naissance, à cette époque, est confirmée par Pierre Lombard, 5c7)L, t. II, dist. XXXI, § 9.

Si cette considération sauvegarde la sainteté de la

naissance extérieure, la flilficulté tirée des paroles de Hoson n’en devient que plus précise et plus pressante en ce qui concerne la naissance intérieure ou conception consommée. Aussi est-ce surtout de l’interprétation de ce texte que dépend la question de savoir si, finalement, Anselme d(jil être rangé parmi les. adversaires de la conceplion immaculée. Une question préalable se pose : le saint docteur a-t-il fait sienne l’assertion émise par son disciple, ou bien la laisse-t-il seulement passer, sans lui donner son approbation ? La seconde alternative a eu ses défenseurs, notamment Jean de Ségovie, Seplem allegaliones et tolidem avisamenla pro in/ormalione Palrum concilii Basileensis, Bruxelles, 1664, p. 353. et, de nos jours, par le P. Bagey, Eadmer, Paris. 1892, p. 303 : « Le maître laisse dire (le disciple). Son silence équivaut non ; i une concession absolue, mais simplement à une concession hypotliélique, à un laisser-passer. Il ne répond pas : Conceto, mais Iranseat, ou plutôt il ne répond rien, il laisse passer, afin de mieux montrer que, même en admettant que la Vierge fût née dans le péché originel, il ne s’en suivrait pas que Xotre-Seigneur eût été conçu lui-même dans le péché originel. La seule thèse que le saint docteur veut démontrer dans le Cnr Deus homo et dans le De conceptu virginali, c’est que Xolre-Seigneur a été conçu sans péché, et il tient à faire comprendre à ses disciples que l’immaculée conception du fils, si l’on peut s’exprimer ainsi, ne dépend nullement de l’immaculée conception de la mère. » La dernière remai’que est juste, mais l’interprétation proposée ne saurait être tenue pour pleinement suffisante. Il y a, semble-t-il, de la part d’Anselme plus qu’un simple laisser-passer, puisqu’il admet dans ses deux écrits une purification réelle de JMarie. Aussi Jean de Ségovie a-t-il ajouté d’autres explications, dont une au moins mérite quelque attention. Elle consiste à déterminer et à limiter le sens et la portée de la concession faite par le saint docteur d’après l’objet de la purification qu’il admet et en tenant compte du développement intégral de sa pensée. Boson attribuait indistinctement la raison de péché à la conception première ou charnelle, liée immédiatement à l’acte générateur, puis au terme dernier do cet acte, Marie considérée comme personne humaine. Dans le De conceptu virginali, Anselme met les choses au point en distinguant le péché proprement dit, qui convient à l’âme seule, et le péché au sens large ou métaphorique qui, d’une certaine façon, peut convenir au corps. Qu’il ait admis en Marie le péché originel dans le second sens (ce que les théologiens scolastiques appelleront bientôt l’élément matériel de ce péché), qu’il l’ait admis en Marie non seulement avant, mais encore après sa naissance, nul doute ne semble possible, puisque, d’après lui, la purification spéciale et privilégiée de la mère de Dieu a porté là-dessus. Mais cette concession, faite implicitement à Boson, n’entraîne pas, de soi, en Marie la souillure de l’àme, le péché proprement dit, car les deux choses sont séparables. L’entra’nait-elle, de fait, dans la pensée du saint, comme s’il eût admis un rapport nécessaire de cause et delïet entre les deux choses, l’une amenant l’autre’? Bien ne le prouve d’une façon péremptoire. Après avoir exposé ses deux manières d’expliquer comment le Verbe a pu s’incarner sans contracter le péché, il fait allusion à une autre explication, plus profonde, qu’il accepterait volontiers si elle lui était suffisamment démontrée : alliorem autem aliam rationcm… esse non nego, quam, si mihi ostensa fueril, libenter accipio, c. xxi, col. 452. Or il se trouve que, de son côté, Eadmer propose une explication à laquelle il donne aussi l’épithéte de plus profonde, (dlior consideratio, et qui consiste à sauvegarder la pureté du fils en attribuant à la mère une pureté