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IMMACULEE CONCEPTION

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Kirche, art. Maria, 3<" édit., t. mi, p. 320. La difficulté, spécieuse à premièie vue, vient d’une contradiction qu’on dit exister entre ce passage et la doctrine professée, quelques lignes auparavant, sur la purification de la Vierge. La thèse de Radbert est que la mère de Dieu n’a pas enfanté son fils comme les autres femmes, mais que, l’ayant conçu virginalement, elle l’a ensuite enfanté en dchois des lois communes. Vient alors cette objection : la chair de Marie fut une chair de péché, soumise à la loi commune de la concupiscence ; elle devait donc concevoir et enfanter suivant cette même loi. Oui, répond-il en substance, s’il n’y avait pas eu purification préalable, mais cette purification ayant eu lieu quand le Saint-Esprit descendit sur la Vierge au jour de l’annonciation, il n’y avait plus en elle, quand elle conçut son divin Fils, chair de péché ni, par conséquent, chair soumise à la loi de la concupiscence. Il sera question plus loin, à propos de saint Anselme et des théologiens du xiie siècle, de cette théorie de la purification de Marie. Contentons-nous ici de répondre qu’il y aurait contradiction réelle entre les deux passages et, par suite, indice d’interpolation, si, dans la pensée de l’écrivain, la purification opérée au jour de l’annonciation portait sur le péché originel proprement dit ou le supposait nécessairement ; mais ceci n’est pas démontré. D’après une manière de voir que beaucoup partagèrent alors et plus tard, Paschase a pu regarder la sanctification première de la mère de Dieu comme s’étendant à l’àme seule et laissant la chair soumise, en principe ou même en fait, à certaines suites de la faute originelle, notamment à la concupiscence, dite loi du péch-, et c’est en cela qu’il y eut l)iirification : lotain defœcavil a sordibus virgincm ri dccoxil, ul esset santtior qiiam aslra cxli, col. 1372. Quand le saint abbé dit : » D’ailleurs comment n’aurait-elle pas été libre du péché originel, après qu’elle eut été remplie du Saint-Esprit, celle dont la glorieuse naissance est proclamée heureuse et bénie dans l’Église du Christ ? > il fait un raisonnement a forUori dont voici le sens complet. si dès avant sa naissance Marie fut exempte du péché originel (proprement dit), comment la purification opérée en elle par le Saint-Esprit, au jour de l’annonciation, ne l’aurait-elle pas totalement délivrée, en sa chair et en son esprit, de ce même péché considéré dans ses traces ou conséquences ? Et cela, pour qu’elle conçût et enfantât son fruit d’une façon virginale et en dehors de toute action ou passion se rattachant, de près ou de loin, à la concupiscence. La contradiction réelle disparaît, mais le dernier mot ne pourrait être donné que par une édition strictement critique de l’écrit.

Un dernier témoignage couronnera dignement cette première période des docteurs latins posléphésiens ; il est de saint Fulbert, évcque de Chartres au début du xie siècle († 1028). Dans un premier sermon, où il utilise largement rÉvan ;  ; ile apocryphe de la Nativité de Marie, il nous montre la bienheureuse Vierge descendant d’ancêtres péclieurs, mais apparaissant elle-même « belle comme un lis au milieu des épines <, puis parlant de ses perfections qui dépassent toutes nos louanges : i Ce qu’on peut d’abord atfirmcr, dit-il, c’est que l’àme et la cliair de Marie, clioisie par la Sa’.'csse divine pour devenir sa demeure, furent pleinement exemptes de toute malice et impureté, ab nmni maliUa et tmnmndilia puri ! isim ! e, conformément à ces paroles de l’Écriture, Sap, r, 14 : Qitoniam in imdcvolam animam non in-Iroibtt xapienlia, nec habilabit in corpnre’iibdilo pfCcfdis. I^ sagesse n’entrera pas dans une âme qui médite le mal, et n’habitera pas dans un corps esclave du péché. » STm., iv, de Xalivilale B. M. V.. P. L., t. cxLi, col. 322. Le ton s’élève dans un autre sermon

sur le même sujet : « O bienheureux cet enfantement et cette naissance, puisqu’ils donnent à la terre la Vierge qui doit effacer l’antique offense de nos premiers parents, et redresser le monde courbé sous le joug du plus impitoyable ennemi 1 Enfantement dont toute la raison d’être fut de préparer au Fils du Très-Haut une demeure sainte et pure. Car à quelle autre lin aurait-il pu être destiné ?… Dans la conception nécessaire de cette Vierge, l’Esprit de vie et d’amour remplit certainement ses parents d’une grâce particulière, et la garde des saints anges ne leur fit jamais défaut… Combien grande, dites-moi, dut être la sollicitude de ces esprits célestes à l’égard de personnes aussi chères à Dieu, dès qu’ils commencèrent à produire leur fruit, ab initia procrcationis suæ, et combien grande la vigilance des mêmes esprits à l’égard d’un tel fruit I Est-il croyable que l’Esprit-Saint n’ait pas été dans cette enfant choisie, qu’il devait un jour couvrir de sou ombre ? » St’rm., vi, in ortii almse Virginis, col. 326. Isolée, la dernière phrase reste vague ; prise dans le contexte immédiat, elle se rapporte à la bienheureuse Vierge considérée au début de son existence, « alors que ses parents commencèrent à produire leur fruit. » On pourrait incnie se demander si, en parlant de la grande sollicitude des esprits célestes à l’égard de saint Joachim et de sainte Anne à ce moment-là, l’évêque de Chartres ne songerait pas, sous l’influence d’ajiocryphes orientaux, à mettre la conception active de Marie en dehors de la loi du péclié ou de la concupiscence. Quoi qu’il en soit de ce point, le pieux docteur ne se contente pas de voir dans cet événement la préparation lointaine de la future mère de Dieu : il reconnaît, en outre, a présence du Saint-Esprit dans cette enfant de bénédiction, et il unit, dans sa pensée et dans sa vénération, la double naissance, l’extérieure et l’intérieure. Dès lors, que fallait-il pour arriver à la fête de la Conception de Marie ? Il sullisait de dédoubler l’objet du culte et d’honorer à part chacune des deux naissances. C’est ce qui avait eu lieu déjà comme nous allons le voir.

Débuts de ta jêle de la Conception en Occident.


Longtemps cette question est restée fort obscure ; sans être pleinement élucidée, elle a fait, depuis un demi-siècle, de grands progrès. Mais là, comme en beaucoup d’autres points, il faut opérer un triage dans les pièces versées au débat.

1. Documents apocri/plics on sans valeur probante.

— On a revendiqué pour l’iispagne l’honneur des prémices en cette matière. D’après une Vie attribuée à l’un de ses successeurs, saint.lulien de Tolède, et par suite composée une vingtaine d’années après sa mort, saint Ildefonse (f (J()7) aurait « ordonné de fêter la Conception de sainte Marie, c’est-à-dire le jour où elle fut conçue, et c’est en vertu de cette institution que la fête se célèbre solennellement en Espagne. » De son côté, le roi Ervige († 687) aurait prescrit aux Juifs d’observer certaines solennités en usage parmi les chrétiens, et tout d’abord festum sanctæ Virginis Maria’, quo gloriosa concept io ejusdem cclebratur. Mabillon, Acta scmclorum ordinis benedictini, sa ; c. ii, p. 522 ; récemment, J. Mir y Noguera, I.a inmaculada concepciôn, Madrid, 1905, p. 27. Mais ces documents manquent de valeur probante. Le témoignage prêté à saint.Julien de Tolède est apocryphe ; rien de pareil dans le court éloge qu’il a fait de son glorieux prédécesseur. P. L., t. xcvi. col. 43. Le décret d’Ervige n’a pas la portée qu’on lui attribue : il s’applique, non à la conceiition passive de .Marie, mais à sa concciilion active, celle qui, au jour de l’annonciation, la rendît mère du Verbe incarné, liallcrini, Quipstio an S. llildejonsus episropus Tolelaluis conceplæ Virginis festuni in Ilispaniis inslilueril.