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IMMACULEE CONCEPTION

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l’immaculée conception. Il faut attendre l’année 1881 pour voir apparaître dans la littérature ecclésiastique russe une longue monoijraphie contre le dogme catholique défini par Pie IX.

Alexandre Lebedev († 1898), l’auteur de cette nonographie, a puisé largement aux sources protestantes, et a tracé de la mère de Dieu un portrait qui est aux antipodes de la tradition byzantine. Il présente comme doctrine de l’Église orthodoxe .l’Orient une théorie toute nouvelle, que les grecs luodernes eux-mêmes n’ont jamais admise. D’après lui, IMaric fut conçue et naquit dans le péché originel, r^lle porta comme le reste des hommes « tout le poids lu jugement de Dieu », fut soumise aux luttes de la voncuplsccnce, et bien que sanctifiée au moment de la .onceptinn du Fils de Dieu, ne fut complètement jiuriflée du péché originel que près de la croix du Christ. Notre théologien laisse en suspens la question de savoir si la Vierge se rendit réellement coupable de péchés actuels après la conception de Jésus. Avec cela, il admet que Marie fut sanctifiée dans le sein maternel ; mais il a une manière à lui d’expliquer <ette sanctification, qui fut accordée à Marie « en considération de la foi de ses parents » et consista en une sorte de bienveillance cxtrinsèciuc de Dieu, ne posant dans l’âme ni grâce habituelle ni grâce actuelle et laissant subsister l’état peccamineux. C’est cette théologie qui valut à son auteur le grade de maître en théologie de l’académie ecclésiastique de Moscou. L’ouvrage d’A. Lebedev exerça une réelle influence sur les milieux intellectuels de Russie. En 1884, le saintsynode, comme nous l’avons dît plus haut, inscrivait la question de l’immaculée conception au programme de théokgie polémique. A partir de ce moment, les manuels de théologie polémique et ceux de théologie dogmatique attaquent tous le dogme catholique. Cette unanimité de la théologie officielle est du reste troublée de temps en temps par la voix de théologiens indépendants. C’est ainsi cjue récemment l’archiprètre P. Svietlov, un partisan de l’union des Églises chrétiennes sur la base des articles fondamentaux, déclarait cjue la croyance de l’Église occidentale sur la conception de Marie « est née d’une bonne source. <run sentiment de profonde vénération pour la mère (le Dieu. » Il trouve sans douti cju’on a dépassé la mesure, mais il fait remarquer aux « orthodoxes » que le culte mariai en Orient n’est pas toujours resté dans les bornes d’une sévère théologie, témoin l’invocation suivan-te : « Sainte mère de Dieu, sauvez-nous. » D’ailleurs, conclut-il, ks catholiciucs peuvent toujours <1emandcr quel est le concil.- œcuménique qui a condamné leur doctrine comme une liérésie. P. Svietlov, La doctrine chrcticnne au point de vue apilogétiquc, 2e édit., Kiev, 1910, t. i, p. 190.

Ce renvoi au concile œcuménique suffit, en effet, à fermer la bouche aux théologiens dissidents qui attaquent le dogme catholique et qui ont conscience de l’impuissance doctrinale de leur Église à résoudre n’importe quelle question. Des trois thèses actuellement en présence au sein de l’orthodoxie orientale : la thèse des grecs plaçant au moment de l’incarnation du Fils de Dieu la purification de Marie, la thèse d’Alexandie Lebedev, prolongeant cette purification jusqu’à la mort de.Jésus, et celle toute récente de Nectaire Kcphalas enseignant que la Vierge fut <lélivrée de la souillure originelle dans le sein maternel, laqufdie est la vraie doctiine de l’Église gréco-russe ? Qui pourra nous répondre ? Pour se tirer d’embarras, nos frères séparés ont tout intérêt à reprendre la chaîne de la tradition byzantine, que leur tendent Georges Scholarios et les théologiens kiéviens du "xvii » siècle, <l de confesser avec nous que la mère de Dieu a toujours été toute-sainte et que Dieu lui a

aiipliqué d’une manière excellente les fruits de la rédemption opérée par Jésus, en la préservant de la souillure originelle, qu’elle aurait dû régidièrement contiacter.

Le présent article, résumé d’un ouvrage plus, développé, ayant été rédigé directement d’après les sources et cellesci ayant été signalées eu leur lieu, nous croyons inutile d’en répéter ici l’énumération. Les sources manuscrites antérieures au xvr’siècle que nous avons utilisées sont en cours de publication dans la Patrolocjia orieiitalis de Graffin et Nau. Nous nous bornerons à indiquer les travaux spéciaux visant directement la doctrine de la conception immaculée dans la tradition grecque.

Sur le dogme du péché originel dans rt’glise grecque, qui fait le principal objet des considérations préliminaires, i’ai donné un bref aperçu dans la Rei.’iiCfiKyij.s/ini’cn/ic, 1910, t. XVI, p. l{i.’V177, mais sans mettre en relief l’importance de la doctrine thomiste au point de vue de l’interprétation <les textes patristiqucs, comme je le fais ici.

Pour la période qui va du concile d’Épliése à Michel Cérulaire, voir l’art. Marie. Imnuiciilée conception, du Diction’nairc apologétique de la foi catholiqiw, par X.-M. Le Bachclet, col. 221-21, 3 ; D. Placide de Mecster, J.e dogme de l’immaculée conception et la doclriue de l’Église grecque, ’ailicles parus dans la Revue de l’Orient chrétien, Paris, ! "liM-1 !)05 ; X. Marin !, L’immaculata concezione di Salaria Vcrginre la Chiexa greca ortodossa rfi’.S4 ! rfen/e, Rome, 1008, travail paru d’abord dans le Bessarionc, lilOl-l’JOS ;.V. Spaldalv, Les Pères grecs et l’iinnmculée conception de la mère de Dieu, 1 articles en tchèque dans Casopix katolickcho dnchuvensta iRcvue du clergé catholique de Pohênie), Prague, 1905 ; du même, im article paru dans la même revue, en 1906, sous’e titre : Quiv sit Palrum Ecclesix orieutalis doclrina de gratin sancti ficante B. JMaricc Virginis unie ipsins Filii mortem ; JI. Jugie, L’immaculée conception et les Pères grecs du V"- siècle, dans la revue Soirc-Damc. Paris, l’.'12, t, i, p. 225 ; Saint Sophrone et l’immaculée cnception, dans la Revue augustinienne, 1910, t. xvi, p. ôtiT-r^Vl ; Saipt André de Crète et V immaculée conception, dans les Échos d’Orient, 1910, t. xiii, p 129 ; Photius et l’immaculée conception, ibid., p. 198.

Pour la période du xi" au xv siècle : M. Jugie, De immaculata Deipane eoncer)tione a bt/zcuitinis scriploribus, posl schisma consummatum, edocta, dans les.cta II convenlus’clehradensis theologorum cotnmercii sludi<irum inter Occi(Iciitem et Orientem cupidorum. Prague, 191(1, p. 42 : Michel (ilijciis et l’immaculée conception, dans les Échos d’Orient, t. xiii, p. Il ; Grégoire Pahitnas et l’immaculée conception. dans la Renne augu.’iliniennc, 1910, t. xvii. p. 115 ; Le Discours de Démétrius Cgdonès sur l’aunonciation et sa doctrine sur l’immaculée conception, dans les Échos d’Orient, t. xvil, I). 97 ; Georges Scholarios et l’inuuaculée concepti<in, ibid., p. 527 ; L’homélie de Michel Psellos sur l’annonciation, ibid., I. xviii, p. 138 ; La doctrine mariale de Xicolas Caba.tilas, ibid., t. XIX, p. 375.

Sur la fête de la Conception chez les grecs et les textes liturgiques : Simon Wangnereck, Pielas mariana gnrcorum, ."dunich, 1647 ; Passaglia, op. cit., part. I, sect. lT ; p : irt.II, scct. vu ;, J. Gagarin, Troisième lettre à une dame russe sur le dogme de l’imnmculèe conception, Paris, 1857 ; Th.’l’oscuni et.los. Cozza, De immnculata Deipanv eonceptionc. Ilgiinielogia gra’corum ex edilis et manuscriptis codicibus Crijptofcrratensihus. Home, 1862 ; P. Thibaut, P<inégfiriquc de l’inuuaculée dans 1rs chants hi/mnograiihiqucs de la liturgie grecque, Paris, 1909 ; D. Placide de Mecsier, L<i testa délia concezione di Maria sanlissima nella Chiesa greca, dans le Bessarone. 2’série, t. vii, p. 89 ; A.-II. Kellncr, Ihortologie, Fribourg-en-Hrisgau, 1900 ; 3e édit., 1911, p. ISl sq.. ouvrage traduit en français par Jacques Hund, sous le titre : L’année ecclésiastique et les jètes des saints dans leur vi’olution historique, l’aris. 1909, p. 319-327, où il y a pas mal d’inexactitudes, que beaucoup de gens répètent.

Sur la croyance des grecs et des russes modernes et leurs attaques contre le dogme catholicpie :.1. Gagarin, (, )unlrième lettre à une dame russe sur le dogme de l’immaculée cmueplion l’aris, 187.'> ; Id., L’Église russe et l’immaculée conception, Paris, 1876 ; A. Spîddak, Die Strlluug <ler griechisrli-rnssischen Kirclie zur Lehre dcr l’ube/lecliten ICmpfdngnis.iiRn » Zeitsclirilt fUr t ; atholisrhe Théologie. 1901. t. xxviii. p. 707 ; Id.. Les objections îles théidogicns russes contre l’immaculée conception, dims la revue tchèque Cnsopis katolickcho duclmvrnsta, Prague, 1900, p.’lO, 100 ; S. Polrirlt-, , f.’immaciilée