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IMMACULEE CO>ÎCEPTION


cration à IMarie immaculée, dans laquelle se trouvait ce passage : « Je promets d’honorer tous les jours de ma vie votre immaculée et très pure conception, comme aussi de rester fidèle aux dogmes de la foi catholique orthodoxe. » C. Goloubiev, Parat/raphes explicatifs sur l’histoire de l’Église russe-méridionale, dans les Troudy de l’académie de Kiev, novembre 1904, p. 464-467 ; cf. Échos d’Orient, art. cité, p. 73-75. La foi des Moscovites n’était pas différente de celle de leurs frères du sud et de l’ouest. Eux aussi restaient fidèles à l’ancienne tradition bj’zantine touchant la sainteté originelle de la mère de Dieu. Au concile de Moscou de 1666, les évêques russes, après un examen attentif, donnèrent une solennelle approbation à l’ouvrage de Siméon Polostski intitulé : Gezl pravleniia ( Virga direclionis), dans lequel il est dit explicitement que « Marie fut exempte du péché originel dès sa conception. » Gezl pravleniia, I’^ partie, réplique 10 « . Cf. Macaire Bulgakov, Histoire de l’Église russe, 1890, t. xii, p. 681. Le même ouvrage fut approuvé, l’année suivante, par les Pères du grand concile de Moscou, auquel assistèrent deux patriarches grecs, Païse d’Alexandrie et Macaire d’Antioche. Mais déjà certains grecs commençaient à faire pénétrer en Moscovie leur doctrine de la purification de Miuie, au jour de l’annonciation. Quand le patriarche Nicon voulut corriger les livres liturgiques des Russes, il demanda des éclaircissements aux patriarches orientaux, qui lui firent parvenir plusieurs documents, entre autres cette Explication de la liturgie du grec Jean Nathanaël, dont nous avons parlé plus haut, col. 965. La négation de l’immaculée conception qui y est contenue passa d’abord inaperçue ; mais lorsque le livre de Jean Nathanaël, traduit en slavon sous le titre de Skrigeal, eut reçu l’approbation du concile de Moscou de 1667, les russes qui ne voulurent pas accepter les décisions de ce concile relativement aux réformes liturgiques, et, sous le nom de starovières restèrent fidèles aux anciens rites et se séparèrent de l’Église officielle, ne manquèrent pas de relever le passage du Skrigeal, où il est dit que la mère de Dieu lut purifiée du péché originel au jour de l’annonciation. Ils en firent un grief contre l’Église niconienne, et l’accusèrent d’avoir dévié de l’antique tradition. Eux, les starovières, retiennent jusqu’à ce jour comme un dogme de foi la doctrine de l’immaculée conception : « Relativement à la très sainte mère de Dieu et toujours vierge Marie, disent-ils dans une profession de foi rédigée en 1841, nous confessons qu’en vérité elle est plus sainte que les chérubins et les séraphins, plus élevée que les cieux et au-dessus de toute créature… que seule, non seulement elle n’a participée) ! rien à la tache originelle, mais qu’elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. » N. Soubbotine, Histoire de la hiérarchie de Biélocrinilza, Moscou, 1874, t. I, p. XLii de la préface. Leurs polémistes continuent à attaquer l’Église officielle sur ce point : « Sur notre sainte Dame, la mère de Dieu, ils n’ont une doctrine orthodoxe qu’à partir de l’incarnation du Fils de Dieu. Ils confessent que, jusqu’à la conception du Christ, Marie fut une simple jeune fille, ayant en elle, tout comme les autres femmes, le péché originel, dont elle n’aurait été purifiée qu’au moment où l’archange la salua. C’est ce qui est imprimé dans leur livre appelé Skrigeal. Or, en cela ils portent atteinte à l’honneur de la mère de Dieu et lui font contracter la tache du péché, comme si Dieu n’avait pas été assez puissant pour se créer sur la terre un ciel animé, pur de toute souillure. » Paul, starovière. Courte comparaison entre les diverses confessions hérétiques dont le baptême et l’ordre sont valides, cité par N. Soubbotine, op. cit., p. 457 ; Gagarin, op. cit., p. 84-85.

Introduite furtivement en Moscovie par le livre de Jean Nallianaèl, l’opinion novatrice des grecs modernes y rencontra une igoureuse résistance non seulement de la part des vieux-croyants, mais aussi de la plupart des théologiens russes de la seconde moitié du xvii< ! siècle. Sur la fin de ce siècle, les deux frères Likhoudès, deux grecs envoyés à Moscou par le patriarche de Jérusalem, Dosithée, attaquèrent ouvertement la doctrine de l’immaculée conception et réussirent à gagner à leur cause le patriarche russe Joachim (1674-1690). Celui-ci mit tout en œuvre pour combattre une doctrine, que les grecs lui représentaient comme une innovation latine. Ses efforts restèrent à peu près stériles, et nous avons dit plus haut comment le privilège mariai continua à être enseigné à l’académie de Kiev jusque vers 1750. partir de cette date, l’influence de la Tlxéologie protestantisante de Théophane Prokopovitch devint prépondérante dans toute la Russie. Prokopovitch avait nié ouvertement l’immaculée conception dans ses leçons de théologie dogmatique données à Kiev, dès 1711. Vivement combattues pendant sa vie, ses opinions luthériennes finirent par prévaloir après sa mort dans les académies et les séminaires. La plupart des manuels de théologie parus en Russie dans la seconde moitié du xtii<’siècle ne sont que des résumés de la Theologia christiana crthodoxa de Théophane.

Au xixe siècle, les théologiens russes restèrent sous l’influence protestante du siècle précédent jusque vers 1840. A cette date, il y eut un revirement vers des opinions plus modérées et plus voisines de < l’orthodoxie » du xvii<e siècle. En 1848, l’archimandrite Antoine Amphithéatrov publia à Kiev sa Théolagie dogmatique de l’Église orthodoxe catholique orientale, qui fut approuvée par le saint-sj’node comme manuel pour les séminaires russes, et que Théodore Vallianos traduisit en grec, en 1858. Chose curieuse, nous retrouvons dans cet ouvrage un écho de la doctrine de Grégoire Palamas sur la purification progressive des ancêtres de la Vierge, afin que celle-ci fût un rejeton immaculé. Après avoir dit que Jésus-Christ seul a été sans péché, parce qu’Homme-Dieu né sans le conc » urs de l’homme « de la Vierge toute bénie et tout-immaculée, que la grâce divine avait purifiée auparavant de toute souillure du péché, afin que le Fils de Dieu prît d’elle une nature humaine sans tache, » Antoine explique comment s’est faite cette puri fication préalable de la mère de Dieu : « Déjà dès l’époque d’Abraham, dit-il. Dieu choisit dans le genre humain l’unique génération des ancêtres de Marie, la Vierge toutesainte, et il les purifiait d’une manière spéciale et progressivement. Aussi, lorsque l’archange Gabriel annonça à Marie la conception virginale de Jésus-Christ, il l’appela pleine de grâce. Les saints Pères de l’Église, à leur tour, lui appliquent ces paroles du Cantique des cantiques : Tu es toute belle, et il n’y a point de tache en toi. Et saint Jean Damascène la nomme le rejeton tout-immaculé de Joachim. l’enfant toute-sainte d’Anne. Et notre sainte Église lui donne les épithètes de très pure, de seule pure, et l’appelle palais immaculé et sans tache, demeure toute-immaculée. » Antoine, op. cit., trad. grecque, p. 191-192. Quelle que soit sa valeur intrinsèque, la théorie de la purification progressive des ancêtres de JNIarie sauvegarde suffisamment l’idée dogmatique de la conception immaculée, et on est heureux de la trouver dans un manuel de théologie russe en plein xixe siècle, devenu également un manuel grec non encore complètement délaissé. Cela n’empêcha pas plusieurs théologiens russes d’attaquer la définition de 1854 ; mais il est remarquable que les grands théologiens du xi.x’e siècle, Philarète de Moscou, Macaire Bulgakov, Philarète Goumilevski, gardent un silence complet sur cette question de