Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/290

Cette page n’a pas encore été corrigée
565
566
HYPOSTATIQUE (UNION


résout dans la conscience que le Christ possède de sa qualité de Messie, fils de Dieu. Mais cette conscience n’implique pas la conscience de la divinité unie à l’humanité. « La divinité de Jésus n’est pas un fait de l’histoire évangélique dont on puisse vérifier critiquement la réalité, mais c’est la définition du rapport qui existe entre le Christ et Dieu, c’est-à-dire une croyance dont l’historien ne peut que constater l’origine et le développement. Cette croyance appartiendrait à l’enseignement de Jésus, et l’historien devrait le reconnaître, si le quatrième Évangile était un écho direct de la prédication du Sauveur, et si la parole des Synoptiques sur le Père qui seul connaît le Fils, et le Fils qui seul connaît le Père, Matth., xi, 27 ; Luc, x, 22, n’était pas un produit de la tradition. Mais le quatrième Évangile est un livre de théologie mystique, où l’on entend la voix de la conscience clirétienne, non le Christ de l’histoire, et j’ai expliqué, dans l’Évangile et l’Église, p. 45, 46, pourquoi le passage de Matthieu et de Luc a chance d’être un fruit de la spéculation théologique, l’œuvre d’un prophète chrétien, comme le quatrième Évangile. » A. Loisy, Autour d’un petit livre, p. 330. Le Christ historique s’est toujours personnellement distingué de Dieu et n’a pas eu conscience d’être Dieu. C’est la théologie postérieure qui a superposé la christologie de saint Jean, fruit d’une spéculation étrangère à la conscience du Christ, à la christologie des Synoptiques. « En soi, le dogme est une construction doctrinale que le théologien est enclin à interpréter comme une réalité psychologique, sauf à créer, pour la circonstance, une psychologie spéciale, qui n’est pas une psychologie, puisqu’elle n’est pas fondée sur l’observation, mais sur des raisonnements dont le point de départ est une interprétation non historique de l’Évangile. Le théologien conçoit deux intelligences et deux volontés distinctes, on peut dire deux consciences qui sont comme superposées, avec pénétration réciproque, la conscience humaine étant entièrement subordonnée à la conscience d’être Dieu. On ne reconnaît, dans cette doctrine, ni la psychologie que laissent entrevoir les Synoptiques, ni la simple théologie de Jean, mais une combinaison des deux, avec prédominance de l’élément johannique. » Ibid., p. 148-149.

A l’origine de l’élaboration du dogme de l’union hypostatique, nous trouvons donc l’idée messianique, existant dans la conscience de Jésus, et manifestée par lui dans ses paroles et ses actes. Cette idée implique un rapport tout particulier d’union entre Dieu et l’homme Christ. Mais il n’est pas établi que ce rapport, quoique spécial et unique, dépasse l’ordre créé et humain et comporte une participation substantielle à la divinité. Puis, la conscience chrétienne, par une évohition graduée, aurait ajouté et superposé à cet élément primitif des éléments nouveaux et étrangers. « En premier lieu, saint Paul aurait imaginé que Jésus, non seulement avait été prédestiné éternellement à la dignité messianique, mais encore avait réellement préexisté au ciel avant de venir sur la terre. Jésus était l’homme céleste, I Cor., xv, 47-48, qui était prédestiné par Dieu et qui préexistait auprès de lui, pour venir, au temps marqué par la Providence, réparer la faute de l’homme terrestre, détruire le péché et ses suites, sauver le monde par la foi. i » A. Loisy, op. cit., p. 123, Dans un second stade, l’apôtre aurait fait du Christ, non « plus seulement l’agent médiateur du salut des hommes, mais l’agent intermédiaire de la création », p. 124. Philon avait essayé de relier le monde’.i Dieu par le Logos, idenlifié à la Sagesse de l’Ancien Testament. Paul assigne harlimenl cette plarc an Christ éternel, image « lu Dieu invisible, premier-né de toute créature, par qui et pour qui tout a été fait, en qui tout subsiste, premier

en tout, dans le monde physique, pour l’amener à l’existence, et dans le monde moral, pour rétablir, par sa mort et sa résurrection, la paix au ciel et sur la terre », p. 125. A son tour, l’auteur de l’Épître aux Hébreux représente le Fils comme la splendeur de la gloire divine et l’image de la substance incréée. Enfin, Jean complète l’idée de Paul, en découvrant, dans la vie de Jésus, la révélation même du Logos, du Verbe divin, p. 126. Désormais, on a « les éléments essentiels de la christologie ecclésiastique, la notion du Verbe incarné, du Christ Fils de Dieu et Dieu parce que Verbe fait chair en Jésus », p. 119. « Tout n’était l)as dit cependant, et la foi avait encore à trouver le moj’en de concilier entre elles la réalité de l’histoire évangélique, la théorie de Paul et celle de Jean, pour en faire un système coordonné », p. 126. « Ce fut l’œuvre des docteurs et des premiers conciles. Le travail entier de la pensée chrétienne, depuis Paul, Jean, Justin, Irénée, jusqu’aux derniers conciles qui ont fixé le dogme, tend à définir le rapport de prédestination et d’union qui rattache Jésus à Dieu. Le travail théologique n’a pas son point de départ en dehors de l’histoire, dans la spéculation pure ; car l’explication hellénique n’est pas prise à côté du fait initial ; elle s’appuie sur ce fait, elle coïncide avec lui ; on peut même dire qu’elle sort de lui… La modalité de la pensée johannique n’est pas juive, mais la substance de cette pensée était dans les Synoptiques, et la pensée des Synoptiques reflète ce qu’il est bienjiermis d’appeler la consciencepsychologiquede Jésus », p. 134.

De cet exposé succinct de la doctrine moderniste relativement à l’élaboration du dogme de l’union hypostatique, exposé que l’on emprunte à M. Lepin, Les théories de M. Loisy, Paris, 1908, p. 61-74, il résulte que, si le dogme christologique se produit bien autour du fait évangélique, il ne sort pas strictement de lui ; il le dépasse, il y ajoute des faits et des éléments nouveaux et étrangers. Il faut, dit à bon droit M. Lepin, enqiloyer les termes à rebours de leur sens ordinaire, pour prétendre, comme le faisait M. Loisy, qu’ « aucune solution de continuité ne se remarque entre le fait et son interprétation ». Tout au contraire, il apparaît bien que le Christ de la théologie n’est pas celui de l’histoire, mais lui est bien supérieur ; cf. décret Lamentabili, jirop. 29’; / « doctrine christologique que lions livrent Paul, Jean et les conciles de Nicée, d’Éphèse, de Chalcédoine, n’est pas celle que Jésus enseigna, mais celle que conçut de Jésus la conscience chrétienne. Prnp. 31. fin somme, le modernisme proclame équivalemment l’incompatibilité des données de l’histoire avec les définitions actuelles de la foi. Cf. Lepin, Christologie, Commentaire des propositions 27 « , 38" du décret du Saint-Office « Lamentabili », Paris, 1908 ; Jésus, Mr.< : sie et Fils de Dieu, Pnria, 1910, c. iii, IV, et appendice. Voir.Jésus-Christ.

IX. Lks coroli, mriîs df, l’union hypostatique. — On les indiquera brièvement en renvoyant aux articles spéciaux où ils seront étudiés.

La maternité divine de la sainte Vierge.

Tout

d’abord, le dogme de la maternité divine mérite une place à part, puisque c’est sa définition au concile d’Éphèse, cf. Éphèsk, t. v, col. 137 sq., par la consécration otTicielle du mot (-t^oToxo ; dans la terminologie ecclésiastique, qui a été le point de départ par voie de conséquence de la définition du dogme de l’union hypostatique. Voir, dans l’art. CvniM.r. p’-Xlexandrie (.Saint), les anathématismes et le symbole d’union, t. iii, col. 2509, 2511. A proprement » arlcr, le dofiine de la maternité divine est si intimement lié au dogme de l’union In-postalique, qu’il résume en lui toute l’économie de l’incarnation. Cf. S. Jean Damascène, r)e fuir orthodoxa, t. III, c. xii, P. G., t. xciv, col. I(128. Voir Marie.