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HYPOSTATIQUE (UNION ;


déterminé n'étaient qu’une présence et une action apparentes, une illusion de la vulgaire raison qui admet que le lieu d’une chose est le lieu où cette chose apparaît ? « Cette opinion, remarque à bon droit le protestant Hase, op. cit., p. 256, introduit quelque chose de magique et de faux dans la vie de Jésus, puisque toutes les circonstances oii il paraît agir humainement sont réduites à de pures apparences, ou, pour parler plus clairement et plus loyalement, la personne du Christ est réduite à un fantôme gnostique. De là, il résulte évidemment que le dogme tend à entrer de plus en plus en contradiction directe avec la réalité historique. » L’incarnation ne serait eu réalité qu’une théophanie de plus, analogue aux théophanies de l’Ancien Testament. D’autre part, les imaginations auxquelles fatalement aboutissent les dogmatisants de l’ubiquisme, si manifestement en contradiction avec les données historiques, ne peuvent manquer d’amener une réaction tout aussi funeste pour le dogme de l’incarnation. Devant l’impossibilité d’expliquer l’union hypostatique par la communication réelle des attributs divins à l’humanité, il faut, si l’on veut sauvegarder la réalité de cette humanité, nier l’union physique du Verbe de Dieu à Jésus-Christ : » Une fois la sagesse des sociniens décidée, dit encore Hase, op. cit., ]). 236, à laisser monter un homme au ciel et à l’adorer, toutes les théories imparfaites des anciens Pères de l'Éghse et toutes les imaginations fantasques des anciens hérétiques ont reparu ; les rationalistes ont fini par avoir le courage de déclarer ouvertement que le 'Christ n’est qu’un homme. »

Sur l’ubiquisme, consulter spécialement Dorner, Enlwickelangsgeschichte dcr Lchre uon der Person Christi, Berlin, 1854, t. ii ; Fr. J. Stahl, Die lutlierische Kirche und die Union, Berlin, 1860 ; H. Sclimid, Die Dogmalik dcr evang. - hiUierischen Kirche, Francfort-sur-le-Meln, 1876 ; H. Schultz, Die Lehre uon der GôWxeil Christi, Gotha, 1881 ; Nitzsch, Lehrbuch der euangelixchen Dogmalik, Fribourg, 1892 ; Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, Fribourg-en-Brisgau, 1897, t. m ; art. Ubiquildt et Communicatio idiomatiim, de la Realencyclopâdie fiir prolesl. Théologie ; Ubiqiiildlslehre, da Kirehenlexikon.

L’erreur de Hardouin et de Bernnjer.

Au

xvine siècle, le P. Hardouin, voir t. vi, col. 2042-2046, et son disciple le P. Berruyer, voir Dictionnaire de la Bible de M. 'Vigouroux, t. ii, col. 1627, tous deux de la Compagnie de Jésus, proposèrent une théorie de l’union hypostatique à tendances rationalistes et nestorieimes. Cette théorie, aujourd’hui tombée dans le plus complet oubli, mérite cependant une attention particulière, tant à cause de la façon dont elle était formulée, que » arce qu’elle est l’antécédenl logique des théories plus modernes de Giinther et des rationalistes. Elle a été formulée par le P. Hardouin dans son Commentarium in NoDuni Testamentiim, Amsterdam, 1741. misàTIndex, le 28 juillet 1742. Le P. Hardouin d’ailleurs était mort depuis douze ans, lorsque son commentaire fut publié. Mais c’est surtout le P. Berruyer qui reprit la thèse de son maître, dans la H"- partie de son llistoirs du peuple de Dieu, publiée en français, Paris, 1753, suivie des cinq dissertations latines qui forment le t. viii et contiennent l’exposé didactique et la défense de la théorie. La II' partie de V Histoire du peuple de Dieu fut mise ù l’Index le 17 avril 1755 ; elle avait d’ailleurs été publiée à l’insu des supérieurs du P. Berruyer et sans doute du P. Berruyer lui-même. Dictionnaire de la Bible, t. ii, col. 1628.

1. Exposé.

Abusant de la comparaison <le la greffe entée sur le tronc, ces auteurs exposent que l’humanité du Christ doit Être considérée comme un véritable sujet uni au Verbe : elle garde donc toutes les pro priétés de l’hypostase proprement dite. Dans son union et en vertu même de son union avec le Verbe, elle doit être considérée in recto comme étant le Christ, le Fils de Dieu : sccundum veram et germanam generationis filiationisquc rationem, in propositionc cujus subjectum et pncdicatum in recto est sanctissima Christi humanitas compléta Verbo in génère subsistendi, Jésus Christus Dominas nosier uere dici potest et débet naturalis Filius Dci, Dei, inquam, ut vox illa, Deus, supponit pro Deo une et vero, subsislente in tribus pérsonis, agente ad extra, et per actionem transcuniem et liberani uniente humanitatem Christi sanctissimum primo conceptionis suæ inslanti, cum persona unu divina, in unitate personæ, Diss. H, p. 48. Trois assertions sont à relever dans cette déclaration : a) Le sujet et l’attribut de cette proposition : Jésus-Christ est le Fils naturel de Dieu, c’est, considérée in recto, l’humanité même du Christ en tant que complète dans sa subsistence par son union au Verlie ; b) Jésus-Christ, c’està-dire cette humanité, est le Fils naturel de Dieu, selon la vraie notion de la filiation et de la génération ; c) Jésus-Christ est le Fils naturel de Dieu, de telle façon que Dieu signifie ici Dieu dans son unité et sa trinité, agissant ad extra et, par une action libre et transitive, unissant, dès le premier instant de sa conception, l’humanité sainte du Christ avec la personne divine. — De ces principes on doit déduire les conclusions suivantes, qui éclairent la structure de tout le système -.a) Il j' a donc, en Notre-Seigneur Jésus-Christ, deux filiations naturelles : l’une existant dans la personne du Verbe, par rapport au Père ; l’autre réalisée dans l’humanité de Jésus, physiquement unie à la personne du Verbe, ibid., p. 49-50 ; logiquement Berruyer devrait admettre que cette deuxième filiation' existe par rapport au Père, au Verbe, à l’Esprit-Saint, c’est-à-dire par rapport à toute la Trinité : la filiation de Jésus-Christ n’est-clle pas, en etïet, conséquente à l’action ad extra de la Trinité dans l'œuvre de l’incarnation ? Mais il évite cette conclusion inadmissible, en rappelant que l’action transitive ne dépend pas des trois personnes comme telles, mais des trois personnes dans leur communauté de nature et d’action. De même que la création, commune aux trois personnes, est cependant rapportée purement et simplement à Dieu, de’meme le Fils de Dieu est tel par rapport à Dieu, subsistant en trois personnes sans doute, mais considéré dans sa nature et comme agissant ad extra. Quoniam autem non a tribus pérsonis agentibus, quatenus sunt a se invicem distinctæ, sed qualenus unus sunt nutura Deus, peracta est mundi créât io, ideo Deus simpliciter dicitur mundi creator. Non est crgo secundum legitimam prædicandi rationem Jésus Christus, sive Trinitatis, sivc Iriuni personarum, sive suiipsius, sive Spiritus Sancti Filius ; vrrum Filius ncduralis et est et proprie dicitur Dei unius in tribus pérsonis subsistenlibus quidem, sed secundum naturam speclati et ad extra agentis, p. 50-51. Cf. Défense de la seconde partie de l’Histoire du peuple de Dieu contre les c(domnies d’un libelle intitulé : Projet d’instruction paslonde, Avignon, 1755. — b) Dieu le Père, par rapport à.Jésus-Christ considéré dans son humanité, est donc Père jiar simple appropriation : recte, sed per appropriationem, ut aiunt, Deus Pater, sive prima persona, dicitur Pater Jesu Christi, liominis-nvi, Dei et Filii, quenwdmodum recte dicimus : Credo in Detim Palrem omnipotrntem. creatorem rccli et terrœ… C’est en ce sens que soivent, dans l'Évangile, Jésus-Christ, Homme-Dieu et Fils de Dici, cmploie l’expression : Père..Jésus-Christ, Homme-Dieu, pourrait donc être appelé l’ils naturel de Dieu, sans que cette apiiellation impli(|iil pour autant les dogmes de la trinité et de l’incarnation, ce dernier constitué par la vérité atlirniant l’union de