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HYPOSTATIQUE (UNION


dans l’existence en soi le constitutif de la personne ; l’existence serait donc l’équivalent de la subsistence, pris au sens abstrait du mot, qui est le sens de la théologie scolastique. Une nature raisoiinable, couronnée par son existence propre, devient par là incommunicable, et doit être appelée une personne ou une hypostase. Dans l’incarnation, l’humanité n’est pas une personne, parce qu’elle n’a pas son existence propre, cette existence étant suppléée par l’existence même du Verbe. L’existence du Verlje s’étend aussi à l’humanité, non pas à la manière d’un acte qui l’informe, mais à la manière d’une perfection qui la termine et la couronne. Ainsi, l’union est hypostatique, parce que réalisée grâce à l’unité d’existence substantielle. Voir col. 423. — b) Remarques critiques. — a. Au point de vue philosophique, quelle que scit la liberté laissée par l’Église relativement à l’emploi de ces théories pour justifier en regard de la raison le concept d’union hj’postalique, il est permis de constater que seules les opinions relevant de la philosophie de saint Thomas semblent fondées en raison : le mode négatif de Scot, la totalité de Tiphaine n’explicquent rien, et Suarez et toute son école, en niant la <listinction réelle de l’essence et de l’existence, rencontrent dans leur explication d’insolubles difficultés. Voir la discussion philosophique de ces théories, col. 41 1 sq. Avec la théorie thomiste, surtout avec celle qui se dégage de la conception assez étrange d’un mode substantiel, la subsistence, terminant l’essence et la disposant à l’existence en soi, on comprend mieux comment la nature prise par le Verbe devient vraiment l’humanité de ce Verbe divin. Puisqu’elle est terminée par l’existence même du Verbe, elle a été créée telle, dans son individualité, dans ses perfections, en vue du Verbe, qui était sa fin et sa raison d’être, qui devait la consacrer, l’épouser pour l’éternité. Quoi qu’il en soit, tous les théologiens catholiques sont d’accord pour aiïirmer, sous des opinions et des explications différentes, l’union réelle, substantielle, hypostatique du Verbe de Dieu et de la nature humaine prise par lui dans le sein de la Vierge Marie. Cf. Hugon, op. cit., p. 179-180. — b. Au point de vue slriclement théologique, aucune des théories proposées ne rend plus facile l’explication de la difBculté tirée de l’union de l’humanité au Verbe seul et non aux trois personnes de la Trinité. Voir Incarnation. Toutes les opinions, en effet, doivent admettre ce fait que l’humanité est unie à l’être divin. Les divergences n’existent que par rapport au comment de cette union ; les uns (Scot, Tiphaine) le conservant comme une addition ; d’autres (Suarez) l’expliquant par un mode spécial, liant l’humanité à Dieu ; les thomistes enfin l’entendant comme une suppléance de l’existence humaine par l’existence même de Dieu, considérée dans le Verbe. De plus, chacune des opinions rapportées, mais surtout celle que défendent Tiphaine, le cardinal Franzelin et leur école, prétendent s’appuyer sur l’autorité des Pères. On fait valoir que les saintes Écritures et les Pères afhrment que le Christ a pris tout de notre nature, sauf le péché. Donc il a pris l’existence humaine et non pas une nature privée de son existence. Cf. Heb., ii, 17 ; iv, 15 ; concile de Chalcédoine, Denzinger-Bannwart, n. 134 ; concile de Latran (649), c. ix, n. 210 ; S. Athanase, Contra Apollinarem, I. II, n. 5, P. G., t. xxvi, col. 1139 ; S. Jean Damascène, De ftde orlh., t. III, c. vi, xiii, P. G. t. xciv, col. 1006 ; 1034 ; S. Léon le Grand, Scrm., lxiii, P. L., t. Liv, col. 354 ; Cassien, De incarnatione, t. I, c. V, P. L., t. L, col. 26. On afiirme même que certains Pères, tels S.Cyrille d’Alexandrie, Adeersiis Nestorium, t. I, c. I, P. G., t. Lxxvi, col. 19 ; Euthymius, Panoplia, tit. XVI, P. G., t. cxxx, col. 1063, attribuent au Christ l’existence humaine, parce qu’aucune des natures n’est inexistante, àvj-o’crtaTOç. Voir les textes in voqués, Petau, De incarnatione, t. V, c. i ; Thomassin, De incarnatione Verbi Dei, I. III, c. xvi ; cf. Suarez, De incarnatione, disp. XXXVI ; Vasquez, In III^"’part. Sum. theol. S. Thomie, disp. LXXI, Ysamberl, In III"" p. Sum. theol., q. ir, disp. un. ; De Lugo, Z).incarnatione, disp. XXIV ; Tiphaine, De natura et hyposlasi, c. xxxiii-xxxv ; Franzelin, De Verbo incarnalo, thés, xxxiv. De telles prétentions sont absolument injustifiées. Les Pères n’ont eu en vue que le dogme à exposer et à défendre. C’est à peine si Léonce de Byzance et les théologiens postérieurs esquissent une théorie, non pour proposer une solution métaphysique du problème de l’union hypostatique, mais pour expliquer la possibilité métaphysique d’une nature individuée qui ne si>il pas une personne. Encore que ce point de vue’particulier se rapproche de la solution que Tiphaine donne au problème de l’élément formel constitutif de l’union hypostatique, il faut reconnaître, si l’on est sincère, que la théorie de l’enhypostasie ne répond pas aux préoccupations des théologiens scolastiques. Il est facile, en effet, de répondre qu’à ce compte, le Christ aurait dû prendre, non seulement l’existence, mais encore la personnalité humaine ; ce qui est contradictoire de la toi catholique. Les thomistes expliquent ces autorités, en disant que le Christ a dû prendre tous les éléments appartenant à la nature, c’est-à-dire à l’espèce humaine, sauf le péché. Or l’existence appartient, non à l’espèce, mais à l’individu. Cf. S. Thomas, 7/i IV Sent., t. III, dist. II, q. I, a. 2, ad 1°’" Il est donc inutile, il est même contradictoire d’admettre deux existences, l’une divine, l’autre humaine, dans le Christ. Billot, De Verbo incarncdo, Prato, 1912, p. 148-160, réfute longuement cet argument et d’autres similaires, mis en avant par l’école scotiste. De plus, de ce que les Pères proclament que la matière humaine ne peut être, en Jésus-Christ, inexistante, àvj-o’jtaToç, il ne s’ensuit pas qu’elle doive exister par son existence propre. La conception de l’ivu-ocr-aToç laisse intacte, nous l’avons vii, voir Hypostase col. 407, la question purement scolastique qui nous occupe présentement. La question controversée entre théologiens se superpose donc à la doctrine des grecs du vi « au ixe siècle, mais, quelle que soit la solution donnée au problème controversé, la doctrine des grecs reste entière et s’accommode aussi bien d’une solution que de l’autre. La préoccupation des Pères grecs, même au vie siècle, est éminemment dogmatique ; celle des scolastiques, de Tiphaine et de Franzelin comme des autres, est complètement théologique. Nous faisons nôtre, la remarque judicieuse de M. Voisin, L’apollinarisme, Louvain, 1901, p. 364, à propos des Pères du iv » siècle, et nous rétendons à tous les auteurs de l’âge patristique : ’< Quelle que soit l’opinion que l’on professe sur cette question qui fait encore de nos jours l’objet de vives controverses entre théologiens, on n’est pas en désaccord avec les Pères de cette époque, du moment que l’on peut concilier sa théorie avec les données de la révélation ; car ceux-ci n’avaient d’autre but que de défendre la doctrine positive de l’Église sur le mystère du Verbe incarné ; c’est leur prêter les idées dont on est soi-même imbu, et perdre de vue ce fait que les théologiens d’autrefois n’ont pas eu et n’ont pu avoir toutes les préoccupations des théologiens d’aujourd’hui, que d’invoquer leur autorité en faveur de telle ou telle opinion scolastique. » — c. Les partisans d’une double existence en Jésus-Christ allèguent encore Vaulorité de saint Thomas d’Aquin, De uniont Verbi incarnati, q. un., a. 4, où le docteur angélique semble admettre un double esse dans le Verbe incarné. Certains auteurs, cf. Billot, op. cit., p. 139, note, répondent que ce traité attribué au saint docteur n’est pas authentique. D’autres, Cajétan, / ; î III"" p. Sum. theol.