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HYPOSTATIQUE (UNION)

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constitutif de l’union du Verbe à la nature humaine.

I. CONTINUITÉ DE LA TRADITION C4TIIOLIQVE. —

Celte continuité s’affirme chez les docteurs adversaires, en philosophie, des erreurs nominahstes, en théologie, des erreurs adopUanistes ; les deux principaux représentants de l’orthodoxie sont saint Anselme et saint Bernard.

Saint Anselme, dans son De fide Trinilatis et de incarnatione Verbi, c. vi, P. L., c. CLVin, col. 278, propose explicitement le dogme de l’union hypostatique. En Jésus-Christ, la nature se distingue de la personne, duse naturie, una persona. Autour de cette formule traditionnelle se groupent toutes les exphcations de l’archevêque de Cantorbéry. C’est dans ce chapitre que l’on trouve la formule : in Christo, Deus est persona et homo est persona, nec (amen duie sunt personæ, sed una persona, sur laquelle s’appuiera Baltzer, au xixe siècle, pour détendre les erreurs gunthériennes. "Voir plus loin, col. 555-556. C’est l’ensemble des propriétés singulières qui font l’individu, qui est désigné ici par Deus et par homo, mais non la nature considérée dans ses éléments spécifiques. La formule anselmienne est donc orthodoxe ; toutefois, elle doit être entendue dans le sens que lui donne le contexte. Ce sens permet à Anselme d’appeler Jésus-Christ : ille assumptus homo, col. 279. Cf. Car Deus homo, t. I, c. viii, col. 369. Dans ce dernier ouvrage se trouve également exposée la foi en l’incarnation et en l’union hvpostatique. Voir t. I, c. viii ; I. II, c.

-ix, col. 369, 403-408.

Saint Bernard, l’adversaire d’Abélard, se préoccupe d’éviter le piège où est tombé Nestorius, en ne reconnaissant pas au Christ l’unité de personne en même temps que la dualité des natures. Voir Capz7uZ. hæres., n. 5, P. L., t. CLXxxii, col. 1051 ; De consideratione, t. V, c. IX, x, ibid., col. 800-801. Le Christ a pris une chair véritable, semblable à la nôtre, sujette à toutes les passions humaines, sauf le péché. Serm., xxxiv, P. L., t. CLXxxiii, col. 631. En Dieu, la trinité des personnes coexiste avec l’unité de substance ; en Jésus-Christ, les trois substances ne font qu’une personne. Serm., ii, in vigilia nativitatis, ibid., col. 98 ; cf. De consideratione, t. V, c. viii-ix ; P. L., t. clxxxii, col. 800801. On trouve également bien des traits relatifs à l’union hypostatique en Jésus-Christ dans les sermons in Canlica, et dans le Liber de passione C/îr/s^i, publii parmi les œuvres de saint Bernard. ^1. D’autres représentants de la tradition cathohque sont à signaler : Rupert, dans De Victoria Verbi, t. XI, et plus explicitement encore dans le commentaire In Joannem, t. II, P. L., t. clxix, col. 1443 sq., 257260 ; Ratramne, De Christi nativitate, passim, P. L., t. cxxi, col. 81 sq. ; Flodoard, dans ses poèmes De triumphis Christi, libri très, P. L., t. cxxxv ; le cardinal Drogon, Sermo de sacramento dominicæ passionis, P. L., t. clxv, col. 1515 sq. ; le B. Odon de Cambrai, Disputalio de aduentu Christi Filii Dei, P. L., t. CLX, col. 1103 sq. : le Vén. Guibert, Tractatus de incarnatione, P. L., t. cl, col. 489-528.

Plus tard, à l’aube de l’âge d’or de la scolastique, la chaîne se continue par Hugues de SaintVictor, Summa Sententiarum, tr. I, c. xv-xix, P. L., t. clxxvï, col. 70-80 ; cf. Libellas de quatuor voluntatibus in Christo, col. 841 sq. ; Richard de Saint-Victcr, Liber de Verbo incarnato, P. L., t. cxcvi, col. 995 sq. ; Pierre Lombard et le maître Bandin, dans le IIP livre des Sentences, P. L., t. cxcii, col. 757 sq., 1071 sq. ; Jean de Corbie, Apologia de Verbo incarnato, P.L., X. clxxvi, col. 295 sq.

II. CONTROVERSES DOGMATIQUES.

La théologie

du xinie siècle fut préparée par les controverses du xii « . Sur l’ensemble de ces controverses, voir Abélard (Articles condamnés), t. i, col. 43-48 ; Adoptianisme

AU xii « SIÈCLE, ibid., col. 413-417. Tandis qu’au vme siècle la discussion entre catholiques et adoptianisles était principalement scripturaire et patristique, et portait sur la filiation naturelle ou adoptive de Jésus-Christ, au xii", le débat porte directement sur la constitution intime de la personne du Sauveur et sur le rôle de la nature humaine dans cette personne. L’opposition de l’adoptianisme d’Éliphand et de Félix au dogme de l’union hypostatique n’est qu’une conséquence que l’on tire de leur erreur ; mais, dans le néo-adoptianisme de l’école d’Abélard, c’est le dogme de l’union hypostatique qui est en jeu directement : la théorie adoptianiste n’est qu’un corollaire des erreurs enseignées par les auteurs incriminés, relativement au mode d’union du Verbe avec l’humanité. Il faut reconnaître que toutes les écoles paraissent retenir la foi catholique définie contre l’apollinarisme, le nestorianisme et le monophysisme ; mais la discussion des formules catholiques de l’union personnelle ramenait logiquement les erreurs du monophysisme et du nestorianisme.

Les erreurs touchant l’union personnelle du Verbe et de l’humanité en Jésus-Christ, mises en cours par les partisans de l’adoptianisme du xiie siècle, peuvent se résumer sous trois chefs différents : Ia-IIæl y a plus que la négation de la communication des idiomes, il y a négation d’une union substantielle réalisée, dans le Christ, entre le Verbe et l’humanité : une telle union introduirait une nouvelle substance dans la trinité des personnes divines. 2° L’union hjqoostatique est donc une union purement accidentelle et extrinsèque : le corps et l’âme du Christ ne sont pour le Verbe qu’un vêtement, tout au plus un instrument, mû par le Verbe, mais sans être un avec lui. Ils sont bien des réalités, mais ils ne sont pas la réalité du Verbe incarné : le Verbe incarné n’est pas homme ; il a pris (assumpsit), il s’est uni, il possède (habet) un homme. 3° L’humanité de Jésus-Christ est réelle ; mais on ne peut logiquement affirmer que « Jésus-Christ, en tant qu’homme, soit une réalité substantielle » ; il n’y a pas, en effet, identité de la personne de Jésus avec l’humanité. D’où il faut conclure que Jésus-Christ, comme homme, n’est pas aliquid, mais simplement alicuius modi. C’est ce que l’on a appelé le nihilisme ou nihilianisme christologique, Cf. Adoptianisme, col. 413-414.

Sur ces trois points la théologie didactique des auteurs catholiques du moyen âge concentre toutes les controverses christologiques.

1° L’union du Verbe et de l’humanité est-elle une union substantielle ? — 1. Positions hétérodoxes. — La réponse affirmative, qui résume toute la tradition catholique touchant l’union hypostatique, est de foi ; et pourtant elle fut, aux xw et xiii » siècles, grâce à l’autorité d’Abélard et à l’influence de son école, sujette à controverse. Elle est, en effet, directement dirigée contre les tenants de la première et de la troisième opinions rapportées par le Maître des Sentences, t. III, dist. VI. « Les uns disent, rapporte Pierre Lombard, que, dans l’incarnation même du Fils de Dieu, un homme déterminé, constitué d’une âme et d’un corps (tout homme est constitué de ces deux éléments), a commencé à être Dieu, non point par la nature divine, mais par la personne du Verbe, et Dieu a commencé d’être cet homme. Dans cette opinion, cet homme a été pris par le Verbe qui se l’est uni. Dieu s’est fait homme signifie donc que Dieu a commencé d’être une substance déterminée, subsistant dans une âme raisonnable et une chair humaine, et cette substance a été faite, c’est-à-dire a commencé d’être Dieu, non qu’il y ait eu changement de nature, mais, les deux natures conservant leurs propriétés, Dieu est devenu homme et l’homme est devenu Dieu.