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IIYI’OSTATIQUE (UNION ;


tique. Sa clirislologie est la synthèse de toutes les décisions conciliaires, de toutes les formules traditionnelles, de toutes les explications adoptées dans l’Église orientale, dans les siècles antérieurs. On a vu à Hypo-STASE, col. 400, comment le Damascène reprend les définitions et les théories philosophiques de Léonce de Byzance, sur les concepts de nature, d’hyposlasc, de réalité enhypostasiée. Ses explications n’apportent aucun élément nouveau de sohition, mais elles ont le grand mérite de donner à sa Ihéologie un caractère didacticjue et méthodique, qui fait qu’on a parfois comparé l’œuvre de saint Jean au viiie siècle à l’œuvre de saint Thomas d’Aquin au xiii « . Il y a, sur ce point, des réserves à faire ; mais il est exact que saint Jean Damascène a donné, pour son temps, la meilleure formule de la théologie catholique en général, et de la christologie en particulier.

Sur le point précis de l’union hypostatique, on peut résumer ainsi sa théologie. L’humanité qu’a prise le Verbe, en s’incarnant, n’est pas l’humanité abstraite, considérée (j-’."I. ; ^ O : ’opia, ni l’humanité concrète telle qu’elle existe dans tous les hommes pris collectivement, mais une humanité individuelle, qui n’est pas cependant par elle-même un individu, une personne, n’étant individu et personne que dans le Verbe et par le Verbe. De fide orthodoxa, t. III, c. xi, P. G., t. xciv, col. 1024. Le Christ, en s’unissant à la nature humaine individuelle, a pris toute notre nature : avec lui et par lui notre nature est donc ressuscitée et montée au ciel. Col., ni, 1. Toute la nature divine s’est unie à la nature humaine, mais par le Verbe seul et dans le Verbe seul, le Père et le Saint-Esprit ne s’étanl unis à l’humanité que x.at’sùociLiav xaî [5frjÀr|a[v, ibid., c. VI, col. 1001-1008 ; l’union du Verbe avec l’humanité est, au contraire, y.a-a aûv6sŒiv rjyrj’jv xaO’j-oaTaatv, c. iii, col. 993 ; c’est encore, pour la distinguer d’une union apparente, Latà çav-aat’av, une union réelle, substantielle, oùclojorlç. Ibid. Grâce à la théorie philosophique de l’àvu-daTaTov, on peut affirmer, contre les monophysites, que la nature humaine prise par le Christ ne perd pas sa o-Jm :, et contre les nestoriens, qu’elle n’est pas îotoajaTaToç : elle est svu7 : da- : a- : o ; et subsiste dans le Verbe. L’union des deux natures, za(J’iiT-o^-ao’.'/, a persévéré dans le triduum de la mort : le corps et l’âme de Jésus sont restés unis au Verbe, mais sans former deux personnes distinctes, puisqu’ils £.ubsistaient dans l’unique personnalité du Verbe, i-oo-i-r/Mç otà toj ^û-ï-oj, quoique divisés par le lieu, to-ixioç, c. xxvii, col. 1097. Saint Jean expose principalement sa théorie de l’enhypostasie dans le De fide orthodoxa, t. III, c. ix, col. 1017 ; De natura composita contra acephalos, c. vi, P. G., t. xcv, col. 120. Il admet la formule cyrillienne ; j. ; a çûa ;  ; xoû ÔEou Adyou a£aa&xo)|j.svY|, dans le sens orthodoxe où l’entend saint Cyrille. De fide orlti., t. III, c. i, col. 1024-1025 ; Contra jacobitas, n. 22, P. G., t. xciv, col. 1460-1461. L’union hypostatique fait que la personne de Jésus, de simple qu’elle était dans le Verbe non incarné, devient composée. La personne du Verbe n’a reçu aucune modification, mais, en considérant le tout que forme le Verbe incarné, une personne en deux natures, il faut dire que le Christ est composé, aûvOs-.oc, non plus d’une, mais de deux natures, t. III, c. vii ; t. IV, c. v, col. 1009, 1109.

Pour exprimer l’union substantielle du Verbe avec l’humanité, saint Jean Damascène se sert d’une terminologie ordinairement réservée à la signification de l’unité substantielle des personnes divines. 11 appelle l’union hypostatique, -EoiPôpricyiç, (on trouve aussi -apa/(ôpT ; aiç) circuminccssion. Voir les textes : De fide orthodoxa, t. III, c. iii, v, vii, xvii, xix ; t. IV, c. xix ; De imaginibiis, orat. i, n. 21, P. G., t. xav,

col. 996, 1001, 1012, 1069, 1077, 1119, 12Ô3. A dire vrai, cette expression ne lui est pas absolument propre ; on trouve des formules --fi/ojpEiv ou aETayojçeiv liç àÀÀr^La ;, en parlant des deux natures, chez saint Grégoire de Nazianze. Cf. Petau, De incarnatione, t. IV, c. XIV, n. 2. En somme, sous une forme plus expressive, la circuminccssion cliristologique est l’équivalent des formules xpSsiç. aiçt :, que nous avons déjà rencontrées sous la plume des Pères. Voir col. 441-442. Ces formules peuvent se prêter, on l’a déjà fait observer, à des interprétations orthodoxes et hétérodoxes, suivant le sens qu’on leur donne. La comparaison du mélange, de l’absorption des deux natures l’une en l’autre, donne lieu a des sens opposés. Cf. Petau, loc. cit., n. 5.

La comparaison de l’âme et du corps revient tout naturellement sous la plume de saint Jean Damascène. Comme Léonce de Byzance, plus que lui, il y fait les réserves nécessaires. Cꝟ. t. III, c. iii, col. 992, 993 ; Contra jacobitas, n. 54-57, col. 1464-1468 ; De natura composita, n. 7, col. 129, 131. L’homme est formé de deux natures irréductibles entre elles, l’âme et le corps : bien que saint Jean Damascène ignore le terme et le concept de substances incomplètes, tels que les scolastiques les formuleront plus tard, la chose existe déjà dans sa pensée : l’âme et le corps ne comptent pas eu Jésus-Christ pour deux natures unies à une troisième, la nature divine, dans la personne du Verbe. Les deux cléments immédiats dont est composé le Christ sont la nature humaine et la nature divine. De fide orth., t. III, c. xvi, col. 1065-1068 ; l’âme et le corps, en effet, par leur union, constituent une nature unique supérieure à la nature de l’âme et à celle du corps prises séparément, nature qui constitue l’espèce humaine, animal raisonnable. Mais en Jésus-Christ, l’union de la divinité et de l’humanité ne forme pas une nouvelle nature, mais un individu unique. Reprenant l’explication de Léonce de Byzance, saint Jean déclare que le Verbe et l’humanité ne forment pas une ypcaTOTïiÇ, à laquelle plusieurs Christs puissent participer.

Un des caractères de la christologie de saint Jean, c’est de déduire avec rigueur les conclusions théologiques et dogmatiques de l’union hypostatique. On constate que, sur ce point, il est le devancier des théologiens du xiiie siècle, dans l’exposé des corollaires du dogme de l’union hypostatique. Les conclusions de saint Jean Damascène sont les suivantes : a) adoration due à l’humanité de Jésus-Christ, considérée non pas séparément du Verbe, mais unie au Verbe hypostatiquement. De /i(/eor//i., t. III, c. viii, col. 1013 ; b) filiation divine de Jésus-Christ, le nom de Fils marquant une relation de la personne : filiation qui exclut de Jésus-Christ la relation de serviteur vis-à-vis du Père, c. xxi, col. 1085 ; c) communication des idiomes, dont il expose les règles et justifie l’usage, c. IV, col. 997-1000 ; d) compénétration mutuelle des natures unies, -sp ! y(i’)pr, cT ; ç, divinisation (ÙELtoai ;) de l’humanité par la divinité, comportant, non une transformation substantielle de l’humanité, mais une communication, dans la mesure du possible, des dons, des privilèges, de la puissance d’action et d’opération de la divinité : c’est une participation à l’énergie divine : r, oè to5 Kupiou aâpE -rà ; Ûîia ; évec-y £ ; a ; i-’lJy’J)1^’jl, c. vii, col. 1012 ; cf. C xvii, col. 10681072 ; Contra jacobitas, n. 52, col. 1461 ; e) absence de toute ignorance en Jésus-Christ ; le progrès de sa sagesse a été simplement apparent. De fide orth., . t. III, c. XIV, XXI, xxii, col. 1044, 1084-1088 ; De duabiis voluntatibus, n. 38, t. xcv, col. 177. La perfection même de l’humanité de Jésus exclut pareillement tout ce qui, dans les passions humaines et les souffrances, est incompatible avec cette perfection :