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HYPOSTATIQUE (UNION)


elles-nicines, une naliirc iiuiivichiclle n’est pas nécessairement une personne, et chercher. par les lumières de la raison, en quoi consiste cette différence que la révélation nous dit exister, mais que la philosophie ancienne n’avait pas soupçonnée. Voisin, L’apollinarisme, p. 360-301. Les grandes hérésies du ve siècle ont eu précisément comme point de départ cette nondistinction des concepts tie < nature > et de « personne ». Tandis que les Pères, défenseurs de l’orthodoxie, allaient commencer à élaborer diverses théories sur la manière de concevoir cette distinction nécessaire. Nestorius, d’une part, Eutychés, de l’autre, s’obstinant à maintenir la confusion des concepts, devaient nécessairement construire une théologie erronée de l’incarnation, dont l’aboutissant était l’hérésie. < Les écoles théologiques avaient suivi des voies différentes dans le développement de la doctrine de l’incarnation : la diversité des points de départ et des principes dirigeants conduisait naturellement les docteurs d’Alexandrie et d’Antioche à des formules christologiques dissemblables et même opposées. Un terme, celui de 9Ûatç, jetait entre eux les dissensions fondées ; car les uns et les autres entendaient par’nature », en christologie, l’être réel dans sa singularité et son individualité. A l’époque des conciles d’Éphèse et de Chalcédoine, aucune des christologies orientales ne distinguait encore la " nature » de r « hypostase » : le semirationalisme des Antiochiens portait dans ses flancs le véritable nestorianisme ; dans la lutte contre ces théologiens, c’est aux partisans de Cyrille qu’il faul donner raison, comme l’a fait le IIP concile œcuménique. Si la nature est l’hypostase, c’est-à-dire Yindividu, le Christ est une seule nature ; le Verbe, même fait chair, est une seule nature ; nature incarnée, sans doute, composée avec la chair, théandrique si l’on veut, mais rigoureusement unique : c’est Dieu, bien que fait homme. En ce sens, deux natures après l’union, c’est, si l’on ne se trompe et si l’on veut être sincère, la dualité des hypostases, des Christ, des Fils, entre lesquels il n’y a place que pour l’union morale de la théorie nestorienne. » J. Lebon, op. cit.. p. 509.

Telle est, aussi exactement définie que possible la position des deux théologies hétérodoxes adverses, du nestorianisme en face du monophysisme. 2° La théologie orthodoxe de l’union hy postât ique.


1. Les premiers tâtonnements de la théologie catholique.

— En face des premières hérésies christologiques, les Pères, nous l’avons vii, se sont faits les défenseurs du dogme et ont rappelé la tradition catholique. Mais tant qu’il s’est agi simplement d’opposer aux affirmations hétérodoxes l’affirmation traditionnelle, les Pères se sont contentés de rappeler le dogme et, tout au plus, de montrer son bien-fondé dans les autorités de la sainte Écriture. C’est là l’œuvre des écrivains ecclésiastiques des ii^ et m'e siècles. Mais, dès le iv, avec Apollinaire de Laodicée, la théologie commence à se manifester dans le domaine ciiii lui est propre, le domaine des conclusions, déduites des principes révélés, à l’aide de mojens termes empruntés à la raison. En face de cette théologie naissante et favorable, dans ses déductions, à une hérésie destructive de l’humanité en Jésus-Christ, les Père.s doivent faire œuvre, non seulement d’interprètes de la tradition, mais de véritables théologiens. Il s’agissait, nous venons de le voir, de poser le principe de la distinction, dans les créatures, des concepts de nature et d’hypostase. Cette distinction, en effet, est nécessaire pour ne point tomber dans les erreurs opposées de l’apoUinarisme et, plus généralement, du monophysisme, d’une part, et, d’autre part, du nestorianisme ou. d’une manière plus générale, de la dualité de personnes en Jésus-Christ. Dans l’état où se trouvait la terminologie catholique relative aux problèmes christologiques du

ive siècle, les Pères, avons-nous dit avec M. Voisin, étaient incapables de proposer une explication philosophique sur la différence qui existe entre « nature et <’personne ». Mais ils ne confondaient pas ces deux termes et leur attribuaient deux sens différents. Voir Hypostase, col. 385 sq. Bien plus, on rencontre déjà, chez les auteurs du ive siècle, des traits caractéristiques de l’hypostase, ceux-là mêmes que l’on rencontrera plus tard, exposés et longuement expliqués, dans les différents systèmes philosophicpies chrétiens. Il n’y a qu’à se reporter au résumé fait de la pensée philosophique des Pères, à l’art. Hypostase, principalement col. 105.

C’est cependant à l’aide de cette terminologie peu assise que les Pères entament la lutte contre l’apollinarisme. Nous avons déjà vu quel emploi les Pères ont fait de l’argument sotériologique : « Le Verbe a sauvé l’homme tout entier ; donc il s’est uni ce qu’il est venu sauver. » Mais le moyen terme d’ordre rationnel sur lequel ils s’appuient principalement dans leur réfutation est que le Christ ne serait pas homme s’il ne possédait tous les éléments constitutifs de la nature humaine. Voir le développement de cet argument, sous plusieurs formes différentes. Forme du CORPS HUMAIN, t. vî, col. 552-555. Ces deux principes, dit à juste titre M. Voisin, op. cit., p. 354, le Christ est homme, et il s’est uni à ce qu’il venait sauver, sont les deux arguments fondamentaux auxquels les orthodoxes en appellent unanimement pour établir l’intégrité de la nature humaine du Sauveur. Saint Athanase y ajoute le suivant : la mort consiste dans la séparation de l’âme et du corps et non de la divinité et de la chair. Contra Apollinarem, t. I, n. 18 ; t. II, n. 14, P. G., t. XXVI, col. 1125. 1156. Par conséciuent, si le Christ n’a pas eu d’âme humaine, il serait faux de dire qu’il est mort de notre mort. Au jugement des deux Grégoire, l’union de la divinité au corps se comprend mieux, si l’on admet qu’elle s’est faite par l’intermédiaire de l’esprit. » Dans toutes ces façons d’argumenter en faveur de la vérité révélée, on saisit l’esprit et la manière proprement théologique. La comparaison chère à Apollinaire, de l’union de l’âme et du corps, est reprise par les Pères, non dans le but que se proposait l’hérésiarque, mais uniquement pour démontrer la possibilité d’une union intime, physique, personnelle, entre le Verbe et la chair, c’est-à-dire l’humanité. Léonce de Byzance, au vi » siècle, atteste que cette comparaison était commune dans la tradition catholique. Contra Neslorium et Eutycheten, t. I, P. G., t. Lxxxvi, col. 1280 sq. Déjà, en effet, au ive siècle, saint Athanase, Contra Apollinarem, t. II, c. i, n. 1, P. G., t. XXVI, col. 1133 ; saint Grégoire de Nysse, Adversus Apollinarem, n. 2, P. G., t. xiv, col. 1128 ; Némésios, De natura hominis, c. ra, P. G., t. xi, col. 592593 ; le pseudo-Athanase, De incarnatione Dei Verbi, n. 2, P. G., t. xxvra, col. 92 ; et, plus tard, Théodoret, Dial. Inconfusus, P. G., t. Lxxxin, col. 146-147, puis, chez les Pères latins, saint Vincent de Lérins, Commonitorium, xii, xiii, P. L., t. l, col. 654, 655, et saint Augustin, De civitateDei, I. XIII, c. xxr’, n. 2, P. L., t. xLi, col. 399 ; Serm., ccclxxi. De nativitale Domini, iii, n. 3, P. L., t. xxxjx, col. 1660, proposent implicitement ou explicitement l’union de l’âme et du corps comme terme de comparaison, pour mieux faire comprendre l’intimité de l’union hypostatique. D’ailleurs, la comparaison, au ve siècle, fait pour ainsi dire partie de la prédication universelle et du magistère ordinaire de l’Église catholique. Le symbole dit d’Athanase la propose explicitement : Sicut anima rationalis et caro unus est homo. ita Deus et homoumis est Christus. Denzinger-Bannwart, n. 40. La théologie des Pères trouve un troisième sujet sur lequel elle doit s’exercer et nous touchons ici au point précis de