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IIYPOSTATIQUE (UNION ;


fait, devenir, peut se dire de trois laçons : a. de ce qui commence d’être et, en ce sens, c’est une locution impropre, car le néant ne devient pas quelque chose ; il. de ce qui cesse d’être ce qu’il était auparavant pour devenir un être nouveau : il s’agit alors d’une mutation substantielle ; or, une telle conversion répugne à la nature même de Dieu ; c. de ce qui acquiert une qualité ou une relation nouvelle, tout en demeurant substantiellement identique à soi-même : dans la créature, cette acquisition implique une modification accidentelle du sujet ; mais dans le Verbe, une telle modification est inconcevable. Il faut donc conclure que la chair, c’est-à-dire l’humanité, s’est unie au Verbe par une relation ne portant en Dieu aucune modification, mais cependant assez étroite, assez intime, assez substantielle, pour qu’on puisse dire en toute vérité que le Verbe est homme et que cet homme est le Verbe. D’ailleurs, l’unité de la personne du Christ est l’objet principal de la contemplation, chez saint Jean. Saint Jean est soucieux de ne « pas diviser le Christ ». Dans une même phrase, il marquera donc souvent la sujétion humaine de Jésus et la dépendance éternelle du Christ. Cf. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, p. 412.

b) L’apôtre saint Paul nous dévoile lui aussi le mystère de l’union substantielle de la divinité et de l’humanité en un seul sujet Jésus-Christ. Nous avons déjà constaté que nul autant que lui ne fait usage, en parlant de la personne du Christ, de ce que les théologiens appellent la communication des idiomes. Certains attributs ne convenant pas à la nature humaine et certains autres étant incompatibles avec la nature divine, il faut nécessairement conclure du langage de l’apôtre qu’il y a en Jésus-Christ deux na tures, la nature divine et la nature humaine, mais unies en un seul sujet d’attribution. Cette conclusion, saint Paul la présente lui-même comme un fait, sans vouloir cependant en donner l’explication dernière. L’Épître aux Hébreux manifeste la préoccupation de ne pas séparer les différentes phases de l’existence du Christ. L’auteur a soin d’en enchaîner la série dans une courte phrase où se manifeste l’unité de la personne du Christ : « C’eiSt lui qui, étant le rayonnement de sa gloire et l’empreinte de sa substance, soutenant l’univers par la parole de sa puissance, a expié nos fautes et s’est assis à la droite de la majesté, au haut des cieux, étant devenu (yEvo’aîvoç) supérieur aux anges, d’autant que le nom qu’il a reçu en héritage est plus grand que le leur. » J. Lebreton, op. cit., p. 355. Mais, bien plus, saint Paul nous révèle qu’en Jésus habite corporellement la plénitude de la divinité. Col., II, 9. « Les exégètes reconnaissent que la plénitude de la divinité ne peut être que l’intégrité de l’essence divine et par conséquent la divinité elle-même. En effet, 6eotï) ; (deitas), abstrait de Œo ;, n’est pas identique à 6£LÔTr|< ; (divinitas), abstrait de Œïo ;. Le dernier mot pourrait s’entendre de la qualité ; l’autre doit s’entendre de la nature. Ce sens s’imposerait encore avec plus de force au cas où Paul combattrait l’erreur des Colossiens plaçant dans les puissances supérieures des parcelles et des émanations de la divinité ; mais, au fond, il est indépendant de cette hypothèse. Que veut dire corporellement ? Beaucoup de Pères le rendent par « réellement » ou « substantiellement » ; mais le corps n’a ce sens que lorsqu’il est opposé à l’ombre. Cf. Col., ii. 17. Corporellement signifie « dans un corps, sous forme de corps » ; cette acception convient de tout point et il n’y a pas à en chercher d’autres. » Prat, La théologie de saint Paul, II « partie, p. 230-231. Cette interprétation obvie, dans un corps signifiant incarné, va droit au but que se propose notre démonstration. L’interprétation des Pères, faisant de afoaaTixàJç l’équivalent de réellement, voir

S. Augustin, Epist., cxlix, n. 25, P. L., t. xxxiii, col. G41 ; ou encore de oW.’» oûic, substantiellement, voir S. Isidore de Péluse, jEpisL, l. IV, epist. clxvi, P. G., t. LX.xviii, col. 1256 ; ou encore de totaliter, voir S. Hilaire. De Trinitate, t. VIII, n. 54, P. L., t. xi, col. 273, est une précision théologique de la pensée de l’apôtre. Mais nous avons déjà, dans cette pensée, l’affirmation de la divinité habitant en Jésus-Christ, selon le mode de l’incarnation. i^fDuaT’.Liôç exprime ici d’un mot le Vcrbum caro factum est de saint Jean. Voir Prat, op. cit., p. 230, note ; Knabenbauer, In Epist. ad Colossenses, Paris, 1912, p. 326-327 ; Zorell, op. cit., p. 556 ; .bbott, . criticaland cxcgetical commentary, Eph. and Col., Edimbourg, 1897, p. 264 ; Lightfoot, St. Paul’s Epistle to the Colossians, Londres, 1892, p. 179. Dans son commentaire sur les Épîtres de saint Paul, Col., II, lect. III, saint Thomas d’Aquin, après avoir en Ijremier lieu signalé l’interprétation de saint Augustin, donne l’interprétation littérale, corporaliler, dans un corps, par opposition à l’inhabitation de la divinité, par la grâce, dans les âmes des justes.

Le texte de l’Épître aux Colossiens enseigne donc l’union de la divinité et de l’humanité dans l’unique personne de Jésus-Christ ; la pensée de l’apôtre reçoit toutefois un éclaircissement précieux dans le célèbre passage de l’Épître aux Philippiens, ii, 6, 7. Saint Paul y excite les chrétiens à la pratique des vertus de renoncement, à l’exemple de ce qui se passa dans le Christ Jésus. Ce sont moins les sentiments de Jésus que son état lui-même que l’on nous propose en exemple. L’incarnation est elle-même l’abaissement, le renoncement que nous devons imiter. Ayez en vous les sentiments dont Jésus est le modèle. Existant dans la forme de Dieu, il ne regarda pas l’égalité divine comme une proie (en prenant le terme io-x^c^oç, au sens passif des Grecs, et non au sens actif de la Vulgate, comme si Jésus ne voulût pas considérer l’égalité divine comme une proie à laquelle on se cramponne avidement de peur d’en être privé), mais il se dépouilla lui-même, (en) prenant la forme de l’esclave et devenant semblable aux hommes ; et reconnu homme par ses dehors (qui manifestaient la réalité de sa nature humaine), il s’abaissa, se faisant obéissant jusqu’à la mort et jusqu’à la mort de la croix. C’est pourquoi aussi Dieu l’a exalté sans mesure et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus, tout genou fléchisse au ciel et sur la terre et aux enfers, et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est entré dans la gloire de Dieu le Père. Le mot [jopçïi désigne quelque chose d’intime et de profond, bien distinct des dehors et des apparences, touchant à l’essence même de l’être et inséparable d’elle. Selon le sens aristotéhcien du mot, passé probablement dans l’usage à l’époque de l’apôtre, voir Lightfoot, Philippians, Londres, 1900, The synonymes aopçr, and a/qij.a, p. 127-133, |J.opçT| est l’équivalent de nature, ou tout au moins signifie quelque chose d’inhérent à la nature. Cf. Zorell, op. cit., p. 366 ; F. Prat, op. cit., P « partie, Paris, 1908, p. 442. D’ailleurs, le participe jzàp/fov, mis en corrélation avec l’aoriste’r, ^r’, na- : o, acquiert un sens d’imparfait et désigne l’existence sans limite de temps : il ne s’agit donc pas pour le Verbe de se dépouiller réellement de la forme, c’est-à-dire de la nature divine ; même sous la forme d’esclave, c’est-à-dire devenu homme, il restera Dieu. L’abaissement accepté par le Verbe ne consiste pas dans le dépouillement de sa nature divine, mais dans le simple fait de l’incarnation, qui, sous la forme humaine, voile la forme divine, ou encore, selon l’interprétation de certains Pères, dans le renoncement, pour la nature humaine, aux honneurs divins auxquels le Verbe incarné avait droit. Cf. Prat, loc. cit., p. 445-451. Par là, apparaît nettement dans le texte christologique l’affirmation de l’union hypo-