Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/227

Cette page n’a pas encore été corrigée
439
440
HYPOSTATIQUE (UNION)


fidèles. Mais la croyance explicite en Jésus-Christ, qui est un, à la fois Dieu et homme dans cette unité de personne, s’impose à tous, et c’est cette vérité même qui constitue essentiellement le dogme de l’union hypostatique. Le III^ concile de Constantinople ne fait-il pas appel, d’ailleurs, à la tradition des Pères de Nicée, à l’enseignement de Jésus-Christ lui-même et au contenu des révélations prophétiques de l’Ancien Testament ?

4° Pour formuler d’une manière précise le dogme de l’union hypostatique, l’Église utilise des notions philosophiques, dont le sens, au cours des siècles, s’est lui-même précisé d’une façon de plus en plus parfaite. Les termes de l’union sont désignes sous les nonis d’essence, de nature, de personne, d’hypostase, de subsistence, de suppôt, etc. Il est donc nécessaire avant tout d’acquérir une connaissance approfondie de la valeur philosophique de ces concepts, qui sont appelés, à cause même du choix que l’Église en a fait, à traduire, en langage humain, les réalités surnaturelles. Encore que cette traduction soit souvent analogique, elle demeure cependant vraie. L’art. Hypostase, avec les longs développements qu’on a cru nécessaire de lui donner, a précisément pour but de préparer l’esprit du lecteur à l’intelligence des définitions promulguées par l’Église au sujet de l’union hypostatique. Mais remarquons immédiatement que l’Église, en utilisant ces notions de sens commun, ne s’inféode pour autant à aucun système philosophique particulier : « Loin de.s’inféoder à ces concepts, la révélation se sert d’eux ; elle les utilise, comme dans tous les ordres le supérieur utilise l’inférieur, au sens philosophique du mot, c’est-à-dire l’ordonne à sa fin… Ces concepts, évidemment inadéquats, pourront toujours être précisés ; ils ne seront jamais périmés. Le dogme ainsi défini ne peut se laisser assimiler par une pensée humaine en perpétuelle évolution : cette assimilation ne serait qu’une corruption ; c’est lui, au contraire, qui veut s’assimiler cette pensée humaine qui ne change sans cesse que parce qu’elle meurt chaque jour. » Garrigou-Lagrange, Le sens commun, la philosophie de l’être et les formules dogmatiques, Paris, 1909, p. 189. Cf. Billot, De virtutibus infusis, Rome, 1905, épilogue, p. 430-432.

5° Le mot « union », en grec ivtoa’.ç, employé pour désigner, en Jésus-Christ, le concours des deux natures en une seule personne, est consacré par l’usage de la plus ancienne tradition. Voir S. Irénée. Conl. hær., l. l, c. xviii, n. 7 ; t. IV, c. xxxiii, n.ll, P. G., t. vii, col. 937, 1080 ; Origène, Contra Celsum, t. III, n. 41, P. G., t. XI, col. 975 ; S. Athanase, Epist. ad Epictetum, n. 9, P. G., t. XXVI, col. 1065 ; S. Grégoire de Nysse, Orat. catcchetica, c. x, xi, P. G., t. xlv, col. 41, 44 ; S. Grégoire de Nazianze, iîpisL, ci, P. G., t. xxxvii, col. 181, 188. Mais ce mot, par lui-même, manque encore de la précision nécessaire : toutes les discussions christologiques des iv », v^ et vie siècles auront pour résultat d’apporter ces précisions à une expression qu’on trouve aussi bien sous la plume des hérétiques que sous celle des catholiques. Le mot français : union » rend imparfaitement le terme grec v/mciç. celui-ci implique l’idée de réduction à l’unité, d’unification. Voir la lettre de saint Cyrille d’Alexandrie à Euloge de Constantinople, P. G., t. lxvii, col. 225. Aussi Petau, De incarnatione, t. III, c. ii, le traduit en latin par unitio. Souvent même, il prend le sens plus absolu d’unité. Voir Origène, De oratione, P. G., t. xi, col. 481. Il est alors synonyme de (j.ovôtïiç, singularitas, et trouve un emploi plus fréquent dans les discussions trinitaires. Cf. Petau, De Trinitate, t. IV, c. v, n. 15, 16 ; t. III, c. viii, n. 6, 7. Les sabelliens, parce qu’ils réduisaient en Dieu la trinité des personnes en une seule réalité personnelle, ont reçu parfois le nom

d’unioniles ; et ce nom marque d’une façon expressive leur système de nionarfhianisme en Dieu. Le concile de I-’rancfort confesse en Dieu l’union, c’est-à-dire l’unité dans l’essence Mansi, Concil., t. xiii, col. 884.

A s’en tenir à la simple étymologie du mot, il est clair qu’jvfoj’. :, union, ne saurait être considéré comme synonyme de ^âpz’.iîi ;, incarnation. Théodoret, Dial. II, Inconfusus, P. G., t. Lxxxra, col. 137, explique que l’incarnation comporte l’assomption de la nature humaine par la divinité ; l’union indique une simple conjonction, très intime sans doute puisqu’elle réalise un seul et même sujet, mais n’impliquant pas, en soi, cette assomption d’une nature inférieure par la personne divine. Même remarque chez saint Jean Damascène, De fide orthodoxe, t. III, c. xi, P. G., t. xciv, col. 1024-1025 : simple différence de raison, T/, ; Èrivoiar. dit-il, cf. Dialectica, c. lxv-lxvi, ibid., col. 661-669. Euthymius, Panoplia, tit. vu. P. G., t. cxxx, col. 240, expose didactiquement les différentes significations du mot et note la signification très spéciale qu’il acquiert en désignant l’union hypostatique. Voir également sur ce point S. Anastgse le Sinaïte, Hodegos, P. G., t. lxxxix, col. 70.

6° Avant que la terminologie soit définitivement fixée, les Pères emploient volontiers, pour désigner l’union des natures, âvwj.ç, certains synonymes, dont le sens obvie peut parfois présenter des difficultés d’ordre doctrinal. La règle de foi prescrivait bien de croire à l’union intime des deux natures, mais la formule dernière, exprimant de façon précise cette union, n’était pas encore trouvée. Il ne faut donc pas s’étonner de rencontrer, sous la plume des anciens Pères, des formules et des expressions que l’on n’accepterait plus aujourd’hui. Saint Ignace appelle le Seigneur aaozoçdsoç. Ad Smyrn., c. v, n. 2, dans Funk, Patres apokolici, Tubingue, 1901, p. 280. TertuUien, Adversus Praxeam, c. xx^^I, P. L., t.ii, col. 214, appelle l’union hypostatique un revêtement de l’humanité, cf. S. Athanase, Oralio, ii, contra arianos, P. G., t. xxvi, col. 165, afin d’exclure l’idée d’une transformation du Logos en chair ; mais ce revêtement exprime bien l’idée d’une conjonction des deux natures ; cf. d’Alès, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 198 ; dans le De carne Christi, le terme conversio, employé par le même Père, a nettement le sens d’assumptio, c. ni, P.L., t. iii, col. 10 ; cf. d’Alès, p. 186, note 2. Saint Cyrille d’Alexandrie emploie le terme ŒJvoSo ;, InJoa., t. XI, P. G., t. Lxxiv. col. 557, en y ajoutant ordinairement l’explication -tj ; âvoJasoj ; ou S’ç Év’Djtv, Dialogus de incarnatione, P. G., t. lxxv, col. 1208, ou bien xaO’ivwjiv çucjtP.r ; -/, Anathematismus ni, Denzinger-Bannwart, n. 115, ou encore le terme jjvôpojxrj dç âvotriTa ; Dialogus de incarnatione, . col. 1232 ; cf.’col. 1208. Voir aussi Euthymius, Panoplia, P. G., t. cxxx, col. 249 ; Klée, Dogmengeschichte, t. ii, p. 34. L’anathématisme III signale une autre expression ^uvâ^sta, que les nestoriens acceptent comme synonyme d’ivtoai ;, et que, pour cette raison, rejetait saint Cyrille. Cette expression tjwxov.x, copulatio, du verbe TJvdTTTsaôat, existe toutefois avec un sens orthodoxe, chez saint Basile, Homil. in ps. A’i/r, n.l5, P. G., t.xxix, col 400 ; chez saint Athanase, Oratio, ii, contra arianos, n. 39, 43, 67, 70, P. G., t.xxvi, col. 232, 240, 289, 296 ; chez saint Grégoire de Nysse, Contra Eunomium, t. I, c. v, P. G., t. xlv, col. 705 ; cf. col. 697 ; chez saint Grégoire de Nazianze, Orat., xxxYiii, n. 13, P. G., t. xxxvi, col. 325, et saint Jean Chrysostome l’a consacrée. In Joa., homil. xi, P. G., t. Lix, col. 80 ; cf. Théodoret, Dialogus II, Inconfusus, P. G., t.Lxxxiii, col. 201 ; saint Jean Damascène, De fideorthodoxa, t. III, c. xviii, P. G., t. xciv, col. 1072. Suaçpuia est également employé par saint Grégoire de Nysse, Oratio catechetica, c. xi ; Contra Eunomium,