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HYPOSTASE


de transformation, » Les aUéralions de la personnalité, Paris. 1892, p. m : de Bourdeau : « L’unité du moi… est l’efïet d’une syntlièse qui, totalisant dans un organe central les données de l’activité psychique, en font apparaître la somme comme une réalité simple, Il Le problème de la mort, Paris, 1893, p. 88 ; de Th. Ribot : « Dans le langage psychologique, on entend généralement par « personne » l’individu qui a une conscience claire de lui-même et agit en conséquence" c’est la forme la plus haute de l’individualité. » Les maladies de la personnalité, Paris, 1891, p. 1. CfRenouvier, Les dilemmes de la métaphysique pure, Paris, 1901. c. v. p. 184-24(5 ; c. vi, 5^ dilemme, p. 25425.5. La théologie catholique s’est toujours maintenue à l'écart de systèmes qui mènent droit au scepticisme et suppriment ce que la philosophie traditionnelle a toujours considéré comme élément constitutif de la personne, à savoir l'être rationnel, conscient de luimême et de ses actes, mais subsistant, avant d'être conscient, en lui-même et indépendamment de toute autre réalité substantielle. Deux écoles toutefois ont pensé pouvoir accorder avec le dogme le concept moderne de la personnalité. Eu Allemagne, la tentative de cet accord impossible fut l'œuvre de Giinther et de ses disciples, en Italie, elle fut l'œuvre de Rosmini.

2. Giinther et son école.

Le principe de Gûnther fut de subordonner la théologie aux systèmes philosophiques en vogue. Pour lui, on ne saurait expliquer, au XI xie siècle, le dogme catholique ^vec des idées philosophiques vieilles de quinze cents ans : « Le concept (théologique) doctrinal, écrit-il, n'échappera jamais, dans son développement et sa formation conforme ou contraire à l’esprit du christianisme, à l’influence de la science contemporaine, attendu que celle-ci n’est pas autre chose que l’interprétation par l’esprit pensant du donné dans la nature et dans l’histoire… L’interprétation du christianisme admet des degrés qui dépendent, partie de la puissance de la réflexion subjective, partie de l'étendue de l’horizon scientifique ; à propos de quoi il y a lieu de remarquer qu’une compréhension plus haute n’exclut pas l’inférieure comme s’exclueraient des théories les unes conformes, les autres contraires. « Vorschule zur speknlativen Théologie, Vienne, 1828, t. ii, p. 280 sq. Giinther adopte donc pleinement et sans restriction le concept moderne de la personnalité, qu’il définit la conscience de soi, Selbstbewusstsein : « La personnalité, écrit-il, est-elle autre chose que la conscience de soimême ? Et cette conscience n’est-elle pas la forme essentielle de l’esprit ? Et peut-on parler d’une véritable humanité excluant cette forme essentielle, c’està-dire enfermant dans une enveloppe corporelle un esprit diminué de moitié, parce que sans forme ? » p. 260. Et encore : n En chaque personne, il faut distinguer essence et forme. La première est l'être en lui-même, substance-principe ; la seconde est la pensée de cet être, lorsqu’elle a l'être lui-mênre pour contenu. Et voilà pourquoi la conscience de soi est ce par quoi l'être se reprend lui-même, devient sujet spirituel ou moi, » p. 296. On retrouve ces assertions chez les disciples de Giinther, et spécialement chez Baltzer. Neue theologische Briefe an D' Ant. Giinther, x'^ lettre, où le disciple veut défendre la doctrine du maître en l’appuyant sur le symbole intercalé dans les actes du concile de Chalcédoine, act. 1, Mansi, Concil., t. vi, col. 880 ; Merten, Grundriss der Metaphysik, Trêves, p. 27 sq. D’autres théologiens allemands, sans adopter pleinement les théories giinthériennes, ont néanmoins fait des concessions trop faciles à la philosophie mo derne de la personnalité. Stenlrup, op. cit., th. xxviii, relève les noms de Kuhn, Standenmaier, Dieringer, Berlage, et réfute leur système.

Appliqué à la personne du Christ, re système aboutit en effet logiquement à maintenir la séparation ontologique, comme substance complète et en soi terminée, des deux natures, divine et humaine. L’unité de personne est cependant maintenue, parce que l’intime rapprochement des deux natures fait que la conscience humaine est comme fusionnée avec la conscience de la personne divine : « Il peut se faire, écrit Dieringer, qu’un esprit, gardant sa personnalité, ne soit cependant jamais une personne. Le fait se produit lorsqu’un moi supérieur actuel affirme sa propre personne en cet esprit : en ce cas. cet esprit n’est plus une personne, mais il est rapporté, à l’instar d’une simple nature, à ce moi supérieur. » Dogmatik, p. 109 sq. L’unité de conscience ne saurait créer l’unité numérique : mais elle suffit à créer l’unité dynamique. Nous n’avons pas à discuter présentement cette conclusion ni à la rapprocher de la doctrine nestorienne : nous y reviendrons à propos de l’union hypostatique. Mais il fallait la signaler, pour montrer dès mainteJ nant quelle application théologique on pouvait tirer a de la conception moderne de la personnalité, identifiée avec la conscience de soi.

3. Rosmini. - C’est à la même conclusion qu’arrive Rosmini, en développant la thèse fondamentale de son système, la théorie de l'être. L’idée d'être est le premier objet de la pensée et devient ainsi la lumière intellectuelle éclairant toute autre pensée. Or, cette idée première, nous ne la tenons ni de la sensation, ni de l’expérience personnelle. Bien dans le monde extérieur et dans le monde intérieur ne peut être l’objet de cette idée : l’idée d'être est véritablement innée. Toutes les autres ne sont intelligibles que par elle, en tant qu’on y rapporte, par les sens et la conscience, les données du réel. Mgr d’Hulst, Les propositions de Rosmini, à. ns Mélanges philosophiques, Paris, 1892, p. 463-468. Or, en nous-mêmes, s’opère perpétuellement, par rapport à notre personnalité propre, cette synthèse du réel et de l’idée d'être. L'âme a en elle la faculté de sentir, non pas à l'état de puissance nue, mais à l'état d’acte immanent : elle est une force et elle accomplit deux fonctions dans lesquelles se résument ses pouvoirs essentiels : l’intuition de l’idéal, c’est-à-dire de cette idée d'être qui est le premier objet de sa pensée, et le sentiment du réel. Ce sentiment du réel, en ce qui touche la personne humaine, lui est donné par la conscience aidée des sens. Et l’observation du réel en notre propre corps n’existe dans la conscience que grâce au sens jondamentnl par lequel nous percevons ce corps comme nôtre et réalisons ainsi entre lui et notre âme l’unité personnelle. 'Voir Forme du corps humain, t. VI, col. 569. En sorte qu’on peut dire que « le moi est un principe actif dans une nature donnée, en tant qu’il a conscience de lui-même et en affirme l’acte », Psicologia, t. i, def. xiii, n. 38, ou, sous une autre forme, qu’il est « l'âme aj’ant conscience de l’identité d’elle-même, se percevant avec elle-même ou sur le point d’agir ». Ibid., t. I, c. iir, n. 67. Appliquée aux questions théologiques, et particulièrement aux problèmes christologiques, cette théorie philosophique laisse donc entrevoir la possibilité du cas oi^, dans une nature humaine, « la volonté humaine soit tellement entraînée à l’adhésion à l'être objectif, c’est-à-dire au Verbe, qu’elle lui cède entièrement le gouvernement de l’homme… et cesse [ainsi] d'être personnelle dans l’homme ». Prop. 27, Denzinger-Bannwart, n. 1917.

4. Le modernisme. —- Il est assez curieux de retrouver, dans les écrits modernistes, des considérations analogues à celles que l'école allemande de Giinther développait pour étayer ses nouvelles conceptions théologiques. Il s’agit toujours de mettre les formules dogmatiques en rapport avec les idées philosophiques