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HYPOSTASE

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tèiiie reproduit, dans ses expressions, la plupart des termes dont se sont servis les Pères grecs pour expliquer ce qu’est l’iiypostase. Cependant sa terminologie ne tient pas assez compte du Tooro ; tt, ; ItA’jciijiz, sur lequel insistent saint Basile, Léonce de liyzance, saint Jean Damascène, Théodore Abucara ; voir plus haut. Son principal mérite est d’envisager l'être en lui même, en corrigeant par là ce qui peut être défectueux dans le point de vue latin. De plus, le dogme est clairement exposé dans cette théorie. Mais par le fait même qu’elle veut renouveler la métaphysique grecque, l’opinion de Tiphaine laisse sans solution la diiriculté signalée plus haut. Voir col. 407. Il reste toujours en elTet à expliquer comment une diŒrence substantielle peut exister dans une réalité qui matériellement demeure la même, qu’elle soit hypostase ou qu’elle soit simplement nature. La raison de totalité invoquée par Tiphaine n’explique rien par ellemême. Cette totalité semble bien n'être conçue que d’une manière Imaginative et non d’une manière rationnelle : elle n’est, en elïet, qu’une totalité quantitative, c. xvii, n. 10, dans laquelle partie et partie s’additionnent pour former un tout ou se séparent pour devenir réalités distinctes et substances complètes en elles-mêmes. Or, la totalité siibstantidle ne doit pas être conçue de cette façon : elle ne peut provenir que de l’unité d'être qui alîecte et la réalité totale et les parties de cette réalité. Voir S. Thomi s, In IV Sent., t. III, dist. VI, q. ii, a. 3 : In Meinnh., t. VII, lect. xiii. On pourra donc toujours se demander, aussi bien dans la théorie de Scot que dans celle tle Tiphaine, comment les deux natures, humaine et divine, ne forment dans le Christ qu’un seul tout substantiel. Il faut, pour expliquer cette unité substantielle, plus qu’une addition de nature à nature ou à hypostase, plus qu’une iuxLaposition de réalités : il faut que les deux substances s’unissent réellement à un môme principe déterminant qui les saisisse physiquement. Autrement leur union ne serait qu’accidentelle ou morale. Cf. Hypostatique ( Union).

Troisième et quatrième écoles : la subsisicnce est constituée par un mode substantiel réellement distinct de la nature concrète, qui complète cette nature dans l’ordre de l’existence en soi. — C’est à la fois pour maintenir l’unité substantielle du Christ et la différence obiective que cette unité substantielle semble exiger entre l’hypostase et la nature concrète, que certains théologiens, conmientateurs pour la plupart de saint Thomas, In Sum., III », q. iv, a. 2, conçoivent la subsistence comme un mode substantiel, distinct de la nature concrète, à laquelle il s’ajoute pour constituer une personne ou une hypostase. On cite, comme précurseurs de cette théorie, au moyen âge, Durand de SaintPourçain, In IV Sent., t. I, dist. XXXIII, q. i, n. 13, 16, 17, 22, 37, et Thomas de Strasbourg, In IV Sent., t. III, dist. VI, q. i, a. 1. Pour le premier, il semble que ce soit à tort. Durand est plutôt un précurseur de la théorie de Tiphaine, voir la discussion des textes dans Tiphaine, op. cit., c. xt, , n. 8-14 ; car, s’il parle de mode, il identifie expressément le mode et la chose modifiée. Loc. rit., n. 30. Mais le véritable inventeur de la théorie du mode substantiel, qui eut, aux xvi « et xvii'e siècles, une si grande vogue et qui, de nos jours encore, a de si chauds partisans, est le cardinal Cajétan. D’autres théologiens remarquables, Suarez, Vasquez, De Lugo, Grégoire de Valencia, etc., ont repris cette théorie, mais en la modifiant si profondément qu’il convient d’exposer séparé.-nent le système de l’illustre dominicain et de son école et celui des grands théologiens de la Compagnie de Jésus.

1. Sustème de Cajétan.

a) Erposé. — Cajétan, comme tous les thomistes, conçoit, dans les êtres composés de matière et de forme, la nature concrète et

individuée comme le résultat de la composition des éléments spécifiques et des principes individuels. Pour devenir réalité objective, l’essence individuée et concrète doit être actuée par l’existence, dont elle se dislingue réellement, comme la puissance se distingue réellement de l’acte qui la perfectionne. Voir, sur ces deux points, Essencf, t. v, col. Ma sq. Mais, dans la constitution de l’hypostase ou de la personne, Cajétan exige de plus un troisième élément, qui, si l’on peut s’exprimer ainsi, s’intercale entre la nature concrète et son existence : c’est le mode subslantiel, dont l’effet est de rendre incommunicable la nature, en la terminant en elle-même et en la disposant immédiatement à être actuée par son exisenre propre. « La personnalité, dit-il. In Sum. 'î. Thomsf, III », q. iv, a. 2 est donc la réalité constitutive de la personne comme telle. C’est d’elle que découle dans la nature qu'élit affecte cette répugnance à être principe incomplel ou partiel de l'être, cette aptitude à posséder les réalités personnelles, l’existence propre, la qualité du sujet, l'être et tout ce qu’on attribue à l’hjpostase Cette réalité doit être placée réductivement dans le genre substance, comme tous les autres éléments constitutifs des substances, par exemple, chez l’homme, le caractère rationnel. Toutefois, ce n’est pas, à proprement parler, une différence spécifique, c’est un terme ultime, et, comme tel, un terme pur de la nature-substance. » Le P. Hugon a clairement exposé cette opinion chère à la famille dominicaine ; « La substance, dit-il, est complétée, terminée dans l’ordre substantiel par la personnalité, qui lui donne son cachet définitif, la fait s’appartenir à elle-même tout entière, la met à l’abri de toute atteinte du dehors, et l’existence réalise le tout. La subsistance est intemédiaire entre la substance et l’existence ; elle couronne la substance, elle est couronnée par l’existence. Elle est une sorte de perfection préalable et préparatoire que l’existence ne peut suppléer. Le propre de l’existence est de réaliser, d’actualiser l’essence ; mais rien dans son concept n’assure l’incommunicabilité. Il faut, avant elle, une entité d’un autre ordre ; toute nature qui en est privée, jouît-elle de l’existence, est condamnée à n'être jamais une hypostase. L'âme séparée possède bien l’existence, mais, comme ce n’est point par l’intermédiaire d’une substance qui la rendrait un tout indépendant, incommunicable, elle n’a pas les gloires de la personnalité. Voilà la doctrine des trois réalités, qui semble bien avoir été enseignée par saint Thomas et qui est défendue par ses disciples, Cajétan, Sylvestre de Ferrare, Banez, Jean de SaintThomas, Goudin, Billuart, Zigliara, Del Prado, les Salmanticenses, Sanseverino, le cardinal Mercier, M. Chauvin, etc. Ces trois perfections ne nuisent en rien à l’unité substantielle du tout, parce qu’elles sont subordonnées de telle sorte que l’une est le terme et le complément essentiel de la précédente. La nature est essentiellement perfectionnée par la subsistance comme la puissance par son acte, la subsistance est essentiellement perfectionnée par l’existence qu’elle prépare et qui est son couronnement définitif. La subsistance n’est donc pas un mode aiouté à l’existence, ce qui serait absurde, mais un acte préalable à la perfection dernière. » Le mystère de l’incarnation, Paris, 1913, p. 176-179. CL du même auteur. Le mystère de la sainte Trinité, Paris, 1912, p. 323-324 ; Cursus philosophiæ thomisticse, Paris, s. d. [1907] t. v, Metaphysica ontologica, p. 257-260.

Toutefois, il faut considérer que, dans ce système, l’hypostase est intrinsèquement constituée par la seule nature individuée, terminée par le mode substantiel. L’existence propre n’entre pas dans la constitution de la personne, si ce n’est par voie de conséquence, cf. Cajétan, loc. cit., a. 3, ad 1'"", en ce sens qu’il