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HOLBACH

devint en France un instrument d’opposition contre les croyances catholiques. » Lange, Histoire du matérialisme.

Le Système de la nature se divise en deux parties. La première, d’après son titre, traite : De la nature et de ses lois, c. i-v : De l’homme, c. vi ; De l’âme et de ses facultés, c. vii-xii ; Du dogme de l’immortalité, c. xiii ; Du bonheur, c. xiv-xvii.

Comment l’homme doit-il se concevoir ? Uniquement comme une partie de ce grand tout matériel et physique qui renferme tous les êtres et qui est la nature. Elle est la seule réalité : rien en dehors : « L’homme est l’ouvrage de la nature ; il existe dans la nature ; il est soumis à ses lois ; il ne peut s’en affranchir ; il ne peut même par la pensée en sortir », c. i. Or la nature est uniquement matière et mouvement. « L’univers, ce vaste assemblage de tout ce qui existe, ne nous offre partout que de la matière et du mouvement. » Ibid. Cela est vrai de l’ensemble, « chaîne immense et non interrompue de causes et d’effets », et de chaque être, « le tout qui résulte… des propriétés, des combinaisons, des mouvements ou façons d’agir qui le distinguent des autres êtres » ; de l’homme par conséquent. « On a abusé de la distinction de l’homme physique et de l’homme moral. L’homme est un être purement physique. » Ibid. Mais d’où viennent la matière et le mouvement ? « L’éduction du néant ou la création n’est qu’un mot. » Et « cette notion est plus obscure encore quand on attribue la création ou la formation de la matière à un être spirituel qui n’a aucune analogie, aucun point de contact avec elle », c. ii. La matière « a toujours existé » et « elle a dû se mouvoir de toute éternité, vu que le mouvement est une suite nécessaire de son existence, de son essence et de ses propriétés primitives… » Ibid. Qu’est la matière en elle-même ? D’Holbach admet des molécules élémentaires, mais il avoue que l’essence des éléments lui est inconnue ; nous n’en connaissons que quelques propriétés et « nous distinguons les différentes matières par les effets ou changements qu’elles produisent sur nos sens », c. iii. Quelle est l’origine des êtres ? Comme ses contemporains, d’après la loi de continuité formulée par Leibnitz, il a une vague intuition du transformisme. « C’est au mouvement seul que sont dues… toutes les modifications de la matière… Dans ce que les physiciens appellent les trois règnes, il se fait… une circulation continuelle des molécules de la matière… Depuis la pierre, … depuis l’huître engourdie jusqu’à l’homme… nous voyons une chaîne perpétuelle de combinaisons et de mouvements dont il résulte les êtres, qui ne diffèrent entre eux que par la variété de leurs matières élémentaires et des proportions de ces mêmes éléments. » Ibid. A côté des actions mécaniques, d’Holbach admet en effet dans les éléments premiers de la matière des affinités et des répulsions, sortes de qualités mentales, présidant à leur combinaison spontanée. Il se souvient même des cosmogonies anciennes et parle de « l’élément du feu, plus actif et plus mobile que l’élément de la terre, » etc. Ibid. Les vivants ont commencé par générations spontanées et sous l’influence de ces combinaisons. Ibid. et c. vi pour l’origine de l’homme. C’est un des points que réfute particulièrement Voltaire dans son article Dieu du Dictionnaire philosophique. Quant au mouvement, il est ou communiqué, imprime de l’extérieur et sensible pour nous, ou interne et caché, dépendant de l’énergie propre à un corps et que nous ne pouvons immédiatement saisir par les sens. « De ce genre sont les mouvements cachés que la fermentation fait subir aux molécules de la farine… par lesquels nous voyons une plante on un animal s’accroître… et que dans l’homme nous avons nommés ses facultés intellectuelles, ses passions, ses pensées, ses volontés », c. ii. Mais mouvements communiqués et mouvements internes sont tous soumis à la loi de la nécessité, c. iv. Il n’y a ni ordre, ni désordre, ni hasard : ce sont là des façons commodes d’envisager les choses et qui n’appartiennent qu’à notre entendement. Il n’y a pas davantage de miracles, c. v.

D’après cela, il est aisé de conclure que l’homme est « un être matériel », mais organisé ou conformé de manière à sentir, à penser, à être modifié de certaines façons propres à lui seul, semblable en cela à tous les êtres de la nature et nullement « être privilégié », c. vi. L’âme ne se distingue pas du corps ; « elle est le corps lui-même considéré relativement à quelques-unes des fonctions dont la nature et son organisation particulière le rendent susceptible ». Ibid. Elle périt avec lui, entraînée par le mouvement de la nature qui détruit toutes les individualités pour en faire naître d’autres, c. xiii. Aux opérations dites de l’âme, d’Holbach, qui s’inspire de Locke comme tout son temps, donne pour point de départ unique la sensation, « secousse donnée à nos organes » et soumise au travail « de l’organe intérieur », le cerveau, à l’effet de comparer, de juger et d’imaginer. « Les noms de sensations, de perceptions, d’idées ne désignent que des changements produits dans l’organe intérieur à l’occasion des impressions que font sur les organes extérieurs les corps qui agissent sur eux… Les modifications successives de notre cerveau deviennent des causes elles-mêmes et produisent dans l’âme de nouvelles modifications que l’on nomme pensées, réflexions, mémoire, imagination, jugement, volontés, actions » et qui toutes ont la sensation pour base, c. viii. Et par voie de conséquence encore, il n’y a pas de liberté. Elle est « une impossibilité ». Pour être libre, il faudrait que l’homme, « partie subordonnée d’un grand tout, fût tout seul plus fort que la nature entière », et aussi, « qu’il n’eût plus de sensibilité physique », puisque notre volonté est nécessairement déterminée par la qualité bonne ou mauvaise… de l’objet ou du motif qui agit sur nos sens, c. xi. Enfin, c’est la différence des organismes qui fait la différence entre les hommes et « que les uns sont appelés bons et les autres méchants, vertueux et vicieux, savants et ignorants », c. ix.

D’Holbach détermine ensuite les bases de la morale. La morale est pour lui la science du bonheur. Or le bonheur, pour être vrai, doit être conformer à la nature de l’homme, il faut donc se délivrer de la morale religieuse, qui comprime la nature et fait le malheur de l’homme, ainsi que de la société, c. xii et xvi. Il faut partir de la tendance de l’homme « à se conserver et à être heureux », c. ix et xv. Il y a cependant un choix à faire ; il faut chercher évidemment le bonheur le plus grand, et « le bonheur le plus grand est celui qui est le plus durable », c. ix ; enfin il doit être recherché dans l’accord avec le bonheur des autres. L’homme vit en société ; il a fait avec ses semblables, » soit formellement, soit tacitement, un pacte par lequel ils se sont engagés à se rendre des services et à ne point se nuire ». C’est la conséquence de l’inégalité inévitable des forces et des talents. Ibid. Son intérêt exige donc qu’il serve l’intérêt d’autrui. C’est en cela que consiste la vertu et c’est pour cela qu’elle est une des conditions du bonheur, « L’homme de bien est celui à qui des idées vraies ont montré son intérêt ou son bonheur dans une façon d’agir que les autres sont forcés d’aimer ou d’approuver pour leur propre intérêt… L’homme vertueux est celui qui communique le bonheur à des êtres nécessaires à sa conservation… à portée de lui procurer une existence heureuse », c. xv. Pas de vie intérieure