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HOBBES

écrites en anglais et sa vie, The moral and political works of T. H. of Malmesbury, in-fol., Londres ; Philipp Mallet donna en 1812 une nouvelle édition de l’Human nature et de Liberty and necessity également avec une Vie de l’auteur ; enfin William Molesworth a publié les œuvres complètes de Hobbes en 16 in-8°, Londres, 1839-1845, The Latin works, 5 vol. ; The English works, 11 vol. Trois œuvres de Hobbes traduites en français, les Éléments du citoyen ou le De cive, traduit par Sorbière ; le Corps politique, traduction anonyme du De corpore politico, et le traité De la nature humaine, traduction anonyme du De natura hominis, qui est de d’Holbach, ont été réunies en 2 in-8°, Neufchâtel, 1787, sous ce titre : Œuvres philosophiques et politiques de Thomas Hobbes. Fr. J. E. Woodbridge a publié des extraits des ouvrages philosophiques de Hobbes : The philosophy of Hobbes in extracts, in-8°, Minneapolis, 1903.

II. Idées et influence. Le hobbisme. — « Hobbes, a dit son dernier historien, L. Stephen, est le plus grand penseur anglais de toute la période entre Bacon et Locke. » Hobbes, p. 1. « Celui-ci, a dit Taine, Littérature anglaise, t. iii, p. 29, est un de ces esprits puissants et limités qu’on nomme positifs… efficaces et brutaux comme une machine d’acier. » Il a aborde tous les problèmes religieux, politiques, moraux, philosophiques et scientifiques de son temps. Bayle a remarqué toutefois que ses ouvrages parurent « dans un ordre renversé » Par suite des circonstances, il alla du plus complexe, l’étude du citoyen, au plus simple, la logique et les mathématiques. Il ne traita pas toutes les questions avec un égal bonheur ; il ne compte pas dans l’histoire des mathématiques.

Ce qui le caractérise, c’est sa méthode, la méthode des mathématiques. « C’est d’après les mathématiques qu’il veut réformer le monde » ; c’est donc l’appel unique à la raison ; c’est, comme chez Descartes,

« l’indépendance de la raison raisonnante qui…, s’affranchissant

de la tradition, pratiquant mal l’expérience, trouve… dans les mathématiques son modèle. » Taine, loc. cit. Puis il ordonne tous ses travaux à la question sociale. « En la recherche du droit de l’État et du devoir des sujets… il faut bien entendre quel est le naturel des hommes, etc. » De cive, traduction Sorbière, préface. Enfin « Hobbes est l’un des plus grands ennemis du libéralisme, de l’espérance et de la générosité que le monde ait jamais connus ». Sayous, Les deux révolutions d’Angleterre, p. 124.

La doctrine philosophique de Hobbes est d’abord un nominalisme analytique : les mots sont les noms des idées plutôt que des choses, des signes nécessaires, et toute la logique n’est qu’un calcul, computatio, addition ou soustraction d’idées. A ce propos, Hobbes indique avec netteté le rôle de l’association des idées. Sa doctrine est ensuite sensualiste et matérialiste : toute connaissance dérive de la sensation ; il n’y a d’intelligible pour l’homme que ce qui peut être perçu sensiblement. Tout ce qui existe d’ailleurs est corps : il est absurde de parler de substance incorporelle ; l’esprit n’est qu’un corps plus subtil. Des corps, nous ne percevons du reste que l’impression produite par leur mouvement sur nos organes, où elle détermine un mouvement de réaction qui est la sensation. « C’est donc un phénoménisme sensationniste très rigoureux avec un nominalisme qui ne l’est pas moins » (Renouvier) ; et avec son explication mécanique des phénomènes, c’est bien la partie fondamentale de son œuvre. Cf. Elementorum philosophiæ, part. I, Logica ; part. II, Philosophia prima ; part. IV, Physica ; De la nature humaine, trad. d’Holbach, c. iv-xi ; Leviathan, De homine.

Mais la sensation est en même temps source de plaisir on de douleur, partant d’amour ou de haine, de désir ou de crainte. Tels sont les principes nécessaires de toutes nos actions. La délibération n’est autre que le conflit des désirs et des crainte ; la volonté, que l’impulsion du désir plus fort ; la liberté, que l’absence d’empêchements et d’obstacles ; le bien n’est que la satisfaction du désir, c’est-à-dire l’agréable et l’utile. Cf. Leviathan, De homine, c. iv-xii ; De la nature humaine, c. viii, ix, xii.

C’est de cette conception utilitaire que Hobbes a déduit sa philosophie sociale. Hobbes est un défenseur du pouvoir absolu, non d’après le principe du droit divin, mais d’après le principe de la conservation et de l’intérêt. Il raisonne ainsi : l’homme n’est pas un animal né pour la société ; la société s’est formée par des pactes, des conventions. Avant toute société, il y eut un état de nature où les hommes isolés et égaux eurent tous un droit égal sur toutes choses : unicuique jus in omnia, conséquence logique de leur nature. La nécessité crée le droit ; or tout homme est nécessité à chercher son bien propre ; ce bien, c’est lui qui le détermine ainsi que les moyens de se le procurer. Il a donc un droit incontestable sur toutes choses. De cive, Libertas, c. i, iii, viii, {{rom|x==. Il n’y a donc ni justice ni injustice dans cet état de nature ; d’autre part, les hommes sont naturellement portés à la domination et tous peuvent désirer les mêmes biens ; cet état dénature est aussi un état de guerre de tous contre tous, bellum omnium in onmes, ibid., c. xii ; bellum uniuscujusquecontra unumquemque, Leviathan, De homine, c. xiii, et aussi de crainte mutuelle. De cive, loc. cit., c. ii. Mais ici interviennent les lois de nature et le raisonnement. Puisque l’homme ne peut vouloir que son bonheur et que son plus grand mal est la mort, la raison lui dicte une vingtaine de lois qui constituent la loi naturelle et dont la première est de chercher la paix. En conséquence de cette loi naturelle, l’homme s’entendit avec ses semblables, pour renoncer au droit naturel que chacun avait sur toutes choses, par une convention que l’intérêt dicte d’observer. La convention seule efficace est que tous transmettent leur droit sur tout à un pouvoir souverain et s’engagent entre eux à une lui résister jamais. Pour remplir son rôle et assurer le bonheur de tous, le pouvoir souverain doit être absolu. Peu importe la forme ; Hobbes préfère la monarchie, à laquelle il est plus facile d’exercer le pouvoir absolu, mais elle n’est pas la forme nécessaire. C’est au pouvoir souverain : 1° de définir le juste et l’injuste : il est faux que chaque citoyen soit juge des bonnes et des mauvaises actions et que tout ce qu’un citoyen fait contre sa conscience soit un péché ; 2° de fixer la propriété : il est séditieux de dire que chacun a la propriété de ses biens. Le pouvoir souverain n’est pas soumis aux lois ; personne ne saurait le juger. Il ne saurait davantage être partagé (contre le Parlement anglais). Il a des limites cependant : le droit naturel de chacun à sa conservation et l’affaiblissement de sa propre puissance : « Les sujets ne sont obligés à l’obéissance vis-à-vis du souverain qu’autant qu’il lui reste le pouvoir de les protéger. « Leviathan, Review and conclusion. Cf. De corpore politico, c. i-v ; De cive, Libertas et Imperium ; Leviathan, De homine et De civilate, c. i-xxx.

Ces doctrines constituent le hobbisme, en partie du moins ; car il reste à définir ce qui le caractérisa davantage aux yeux de ses contemporains, son athéisme.

Hobbes s’est toujours défendu d’être un athée. Il affirma toujours qu’il était bon anglican et il aimait à rappeler que, très malade à Paris, en 1647, et sollicité par Mersenne de mourir en catholique, il s’y était refusé et s’était préparé à mourir selon le culte national. D’autre part, il consacre de longs passages à une exégèse des Écritures pour démontrer qu’il n’est pas en contradiction avec elles et, plus d’une fois, il en cite