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ment, je ne pourrais pas être certain que Dieu est infaillible, sans être infaillible moi-même. C’est donc une singulière objection qu’on fait parfois contre les catholiques, qu’ils ne peuvent prouver ni admettre l’infaillibilité de l’Église sans croire d’abord à la leur propre. La certitude, comme je l’ai dit, tombe sur telle proposition déterminée. Je suis certain des propositions 1, 2, 3, 4, 5, une par une, chacune pour soi. Il peut se faire que je sois certain de l’une d’entre elles, sans être certain du reste. Que je sois certain de la première ne fait pas que je sois certain de la seconde. Mais si j’étais infaillible, alors je serais certain, non pas d’une de celles-ci, mais de toutes, et de beaucoup d’autres qui ne se sont jamais encore présentées à moi. Nous pouvons être certains de l’infaillibilité de l’Église, tout en admettant qu’en bien des choses nous ne sommes pas et ne pouvons pas être certains. » Loc. cit., p. 225, 226.

Par ces principes, on réfutera cette objection d’un rationaliste : « L’infaillibilité est nécessaire partout, ou elle ne l’est nulle part… Vous n’avez rien gagné si l’évêque n’est pas infaillible en expliquant les conciles à mon curé, si mon curé ne l’est pas en me transmettant les explications de son évêque, si moi-même enfin je ne le suis pas pour comprendre les paroles de mon curé. » E. Scherer, Mélanges d’histoire religieuse, Paris, 1864, p. 115. Il y aura lieu toutefois d’ajouter plus loin d’autres explications, quand il s’agit de la certitude des préambules non pas chez un homme connaissant suffisamment l’apologétique, mais chez un enfant ou un ignorant.

4° L’Écriture est-elle favorable au fidéisme ? — Les fidéistes, faisant ordinairement peu de cas de la raison humaine, et grand cas de la révélation, sont moins touchés des considérations qui prouvent que leur position n’est pas raisonnable, que des arguments tirés des sources de la révélation. Voilà pourquoi nous devons en venir à ceux-ci.

1. En fait de préambules de la foi, les prophètes et le Christ lui-même, comme ils parlaient à un auditoire juif, déjà profondément imbu de monothéisme, n’avaient à prouver ni l’existence de Dieu, ni sa science, ni sa véracité. Mais il leur restait à prouver une autre classe de préambules, le fait de leur mission, de la révélation divine qu’ils apportaient, et à le prouver par la seule preuve proportionnée à un pareil fait, par le miracle. Voir col. 108. Or, nous voyons cette preuve soigneusement donnée par les envoyés divins. Pour les textes de l’Ancien Testament et des Évangiles, voir Crédibilité, t. iii, col. 2236-2238.

D’ailleurs, le Christ ne suppose pas que sa mission et ses miracles doivent être reçus les yeux fermés, ou comme un objet de pure foi et non d’examen. Il fait appel aux procédés ordinaires de la raison. Il renvoie ses auditeurs à l’étude approfondie qu’ils font des Écritures, auxquelles ils croient déjà, et où ils pourront trouver ce qui est prophétisé sur lui. Joa., v, 39, 46. Il discute avec eux l’origine divine de ses miracles. Quand les Pharisiens essaient de la nier, disant qu’il chasse les démons par la vertu du prince des démons, Jésus raisonne avec eux, et leur montre combien il est invraisemblable que Satan se chasse lui-même, et que son royaume soit ainsi divisé. Matth., xii, 24 sq. Quand ils objectent qu’une guérison faite le jour du sabbat, étant une violation de la loi et un acte mauvais, ne peut avoir une origine divine, il leur montre qu’ils supposent faussement dans un tel acte une violation de la loi. Marc, ni, 4 ; Luc, xiv, 5 ; cf. xiii, 15. Quand ils cherchent à déprécier ses miracles en le traitant de pécheur, Joa., viii, 48 ; ix, 16, 24, il les met au défi de prouver leurs calomnies, ix, 46, 49.

Cette constatation préalable de ses miracles, de ses vertus, des preuves de sa mission, le Christ la déclare

nécessaire pour qu’il y ait obligation de croire en lui. Il parle ainsi des Juifs incrédules : « Si je n’avais pas fait au milieu d’eux des œuvres que nul autre n’a faites, ils seraient sans péché, » Joa., xv, 24 sans péché dans leur incrédulité, donc sans obligation de croire : donc cette obligation n’a commencé qu’après avoir examine les œuvres extraordinaires, preuves de sa mission. « Maintenant ils ont vu. » Loc. cit. C’est pourquoi maintenant ils sont coupables de ne pas croire. « Ils ont vu » : il ne leur demande pas de croire en lui. sans avoir vu d’abord ; la foi présuppose d’autres actes intellectuels qui la préparent. « Ils ont vu » : évidemment par leurs facultés naturelles, c’est-à-dire les sens extérieurs, et la raison aui utilise les données des sens. « Ils ont vu » : donc nos facultés naturelles au moins avec une certaine aide de la grâce, ne sont pas incapables de vérifier le fait de la révélation et l’obligation de croire. Vous avez, leur dit-il ailleurs, la permission de ne pas nie croire si les preuves de nia mission ne vous sont pas fournies. Joa., x » 37. Mais si vous avez vu des miracles, avec lesquels des païens même auraient cru, alors malheur à vous ! Matth., xi, 21, 22.

Jésus ne contredit pas cette méthode quand, pour divers motifs, il ordonne temporairement de ne pas divulguer certains de ses miracles. Voir S. Thomas, Sum. theol. IIP, q. xlv, a. 3, ad 4um. S’il demande (parfois seulement) un acte de foi à sa puissance avant de faire le miracle Matth., ix, 28. c’est qu’il s’adresse à des gens qui, sur d’autres motifs de crédibilité, par exemple, sur le récit de ses miracles antérieurs, pouvaient déjà croire en lui : la foi chrétienne reste postérieure aux preuves de ses préambules. Sans doute la « foi des miracles » précède le miracle lui-même : mais cette espèce de foi n’est qu’un charisme donné à quelques-uns, et surajouté à la foi chrétienne, qu’ils avaient déjà conséqucmment à d’autres motifs de crédibilité. Voir col. 69. Cf. Le Bachelet, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de M. d’Alès, art. Apologétique, t. i, col. 191, 192.

2. Les apôtres ne font pas appel à la seule bonne volonté de croire, ils se préoccupent d’expliquer et de prouver les vérités qui sont les préambules de la foi.

Sur la première classe de préambules, qui contient certaines vérités de théodicée, les apôtres insistent quand ils parlent, non pas aux Juils, mais aux païens, dont le polythéisme effaçait la conception du vrai Dieu, créateur et législateur, présent à nos âmes et opérant en elles. D’ailleurs, l’épicurisme, alors très répandu, niait la providence, qui s’occupe de nous, tandis que le stoïcisme, l’autre philosophie à la mode, se noyait dans un vague panthéisme. De pareilles philosophies rendent impossible la foi au témoignage divin : il y faut un Dieu personnel, s’occupant de nous pour nous sauver, pouvant nous parler et nous donner des signes de sa révélation. Deux endroits seulement des Actes nous montrent un auditoire païen : dans les deux occasions, les apôtres ne manquent pas de présenter tout d’abord une doctrine rationnelle sur Dieu. Act., xiv, 14-16 ; xvii, 24-29. Dans les deux passages, ils mènent au vrai Dieu créateur, et à sa providence, par le spectacle de l’univers bien ordonné ; dans le second, Paul insiste sur la réfutation du polythéisme et sur la présence et l’action bienfaisante de Dieu, citant même un de leurs poètes. Ce n’est qu’après ce long prélude, qu’il en vient au fait de la révélation, à la mission du Christ et au signe qu’en donne sa résurrection, xvii, 30, 31. Sa méthode ne sent en rien le fidéisme.

Sur la seconde classe de préambules, le fait de la révélation et ses signes, la méthode des apôtres nous apparaît en de nombreux passages des Actes et des Épîtres. On trouvera les principaux à l’art. Crédibi-