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FLACIUS ILLYRICL’S

tière doctrinale on maintiendrait l’enseignement de Luther.

Celle tentative d’accommodement jela la discorde parmi les protestants. Flacius, , en disciple ombrageux et passionné de Luther, y vit une fâcheuse concession au papisme ; il reprocha amèrement à Mélanchthon, qu’il traita de « tison d’enfer transformé en papiste, » d’accepter comme choses indifférentes les vieilles cérémonies et les usages anciens de l’Église romaine, (’.'était, disait-il, l’alliance entre le Christ et Bélial. Tel fut le point de départ d’une guerre sans merci poursuivie par Flacius et ses partisans contre ceux qu’ils n’appelaient plus que les philippicns, les adiaphorisles. L’amitié dont l’avait honoré Mélanchthon se changea dès lors en une opposition d’autant plus blessante que Flacius ne tint aucun compte des bienfaits reçus, ce qui fit dire plus tard à Mélanchthon qu’il avait nourri un serpent dans son sein : Mullis beneficiis affectas est ub Academia nostra et a me. Verum aluimus in sinu serpentem. Dignus essel, cujus fronli stigmata inscriberentur, qualia rex Macedo inscripsit militi : Ijévoç à-/içn<noi. Corpus reformate rum, t. vii, p. 449. Flacius ne pouvait plus décemment rester près de Philippe Mélanchthon ; il donna sa démission de professeur et quitta Wittenberg pour se rendre à Magdebourg.

3° A Magdebourg (1549-1557). — La scission était faite. Magdebourg devint la chaire de Dieu, der Kanzel Gottes, la rivale de Wittenberg, le foyer de la lutte contre l’Intérim et les adiaphoristes. Maurice de Saxe dut assiéger la ville pour maîtriser la rébellion. Échappé à temps, Flacius se mit à parcourir toute l’Allemagne du Nord pour ameuter les protestants contre les Intérim d’Augsbourg et de Leipzig et contre l’adiaphorisme. On comptait, à Wittenberg, qu’une fois la ville prise, Amsdorf et Gallus, à défaut de Flacius, seraient pendus comme les fauteurs principaux du désordre. Il n’en fut rien ; Maurice de Saxe crut plus prudent de ne pas sévir. Mélanchthon obtint du moins du prince d’Anhalt que Flacius quitterait son refuge de Kôthen. Flacius rentra tout simplement à Magdebourg, malgré la présence des troupes de l’électeur. Assuré de l’impunité, il fulmina de plus belle contre Mélanchthon et les philippicns. Il publia en 1550 à Magdebourg, en langue latine, tout ce qu’il avait écrit jusque-là contre les adiaphoristes, .1I. Flac. Ilhjriei omnia scripta latina contra adiaphoristicas fraudes édita. « Ils veulent, disait-il, concilier le Christ et Bélial ; ils retournent au papisme ; ils prétendent qu’on peut prêcher sans attaquer l’Antéchrist romain ! Ne vont-ils pas ramener toutes les abominations papistes par leur adiaphore ? » Ces reproches exagérés étaient peu de chose à côté de la divergence doctrinale, qui s’accusait dès lors touchant le dogme luthérien du salut par la foi seule. Flacius accusait Mélanchthon de l’avoir abandonné et d’introduire celui de la nécessité du concours humain. « Ne rêvent-ils pas une coopération de l’homme dans l’œuvre de sa conversion ? Quoi 1 ils nient que l’homme n’y a pas plus de part que s’il était un bloc 1 Ils ont confiance dans leurs propres œuvres ! Mieux vaut cent fois envoyer les enfants dans les plus infâmes lupanars qu’à l’université de Wittenberg, où l’on enseigne des doctrines aussi diaboliques. » Cf. Omnia scripta, prœf., p. A, a, 6, 8, D, 6, E ; Grùndliche Widerlegung aller Sophisterci, so Junker Eisleb, Dr. Intérim, Morus, Pfeffinger, Dr. Geiz, etc., das Leipsiche Intérim zu beschônigen gebrauchen, p. J, 3, K ; Die fiirnchmslen Adiaphoristichen Irrlhumcr mitteVoir, ellicher Ireuen Lettre, p. G, 2 ; Klærliche Beweisung, dass aile diejeningen, welche die Schriften wider das Intérim und Mittcldinge feil zu haben und zu lesen verbieten, etc.,

Magdebourg, 1550, p. A, 5, 8. On trouve encore un écho tle cette controverse dans Pépître dedicatoire de la Ve centurie, Bâle, 15C2, p. a, 4.

Quiconque avait trempé dans l’Intérim, quiconque surtout s’écartait de la pure orthodoxie luthérienne, tombait sous les coups de Flacius. Major fut de ce nombre. Non seulement il avait accepté les décisions de Leipzig, mais il se permettait d’enseigner que l’homme n’est pas inerte comme un bloc dans l’œuvre de sa conversion et que les œuvres sont nécessaires pour le salut. Flacius qualifia de trahison son passage à l’adiaphorisme et son enseignement sur la justification ; en 1552, il lui décochait un libelle, où il l’appelait le Docteur Avarice pour lui reprocher son amour de l’argent : Wieder den Evangclislen des Heiliger Chorrocks, Dr Geiz Major. Naturellement les professeurs de Wittenberg, indignés qu’un homme aussi jeune se permît de telles diatribes à l’égard des anciens, répliquèrent. Ce n’est point, disaient-ils, par zèle religieux, mais par dépit, que Flacius agit et parle de la sorte. Et ils l’appelaient, à leur tour, le plus endiablé de tous les diables, un monstre d’orgueil et d’ambition. Discourtoise et acerbe, la lutte devait se prolonger longtemps encore.

Entre temps, P’iacius s’en prenait aux osiandrisles. A Nuremberg d’abord, à Kœnigsberg ensuite, entre 1548 et 1552, Osiander avait osé enseigner que le salut de l’homme ne s’opère pointe égard aux seuls mérites du Christ, que Dieu ne couvre pas seulement les péchés de l’âme, comme le soutenait Luther, mais qu’il sanctifie aussi son cœur ; la justification consiste, disait-il, en ce que Dieu demeure dans l’âme, et la rend sainte, et non pas simplement en ce qu’il ne demandé pas compte au pécheur de ses fautes. Une telle dérogation aux principes de Luther parut monstrueuse, blasphématoire et impie au porte-drapeau du pur luthéranisme : Flacius réfuta Osiander, exposant avec clarté le dogme luthérien et en en montrant les conséquences logiques. Confessionis And. Osiandri de justificationc refutatio, Francfort-sur-le-Mein, 1552.

Tous ces coups de langue et de plume, tous ces opuscules et traités, où trop souvent l’ironie de la forme, la violence du ton, les écarts de la colère se mêlaient à la discussion des plus graves problèmes théologiques, ne pouvaient qu’irriter les âmes, ulcérer les cœurs, attiser les haines et accentuer les divisions, au plus grand détriment de la réforme. C’était à la fois déplorable et dangereux. Mieux valait à coup sûr faire taire toutes ces rancunes et mettre un terme à ces discussions passionnées ; l’avenir de l’œuvre commune en dépendait. L’ayant compris, Flacius essaya de réconcilkr les partis à l’assemblée de Coswick, en 1556, mais n’y réussit pas, tant les blessures étaient profondes. C’était donc la guerre à outrance, et, pour sa part, Flacius la mena avec plus de virulence que jamais contre tous ceux qu’il considérait comme des luthériens dégénérés.

L’entente du moins pouvait se faire contre l’ennemi commun. Dans un but apologétique, Flacius voulut prouver que l’Église luthérienne seule, et non l’Église romaine, a le droit de se dire apostolique, en montrant par l’histoire qu’elle est pleinement d’accord avec l’Église primitive : de là le gigantesque projet de relever, siècle par siècle, tout ce qui, dans le passé, pouvait apporter un témoignage à cette thèse. Mais pour mener à bien une telle œuvre, des coopérateurs habiles et laborieux, des secours pécuniaires, des livres et des manuscrits étaient indispensables. L’entreprise était d’un intérêt trop important pour ne pas être acceptée de tous. Aussi rien ne fit défaut ; et quoique de Wittenberg fût partie l’accusation qu’on avait recouru à des soustractions frauduleuses et à