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crédibilité, de la révélation extérieure ?… Ils les suppriment purement et simplement et les renvoient à 1 ! intellectualisme, système, disent-ils, qui fait sourire de pitié, et dès longtemps périmé. Rien ne les arrête, pas même les condamnations dont l’Église a frappé ces erreurs monstrueuses (suivent des citations du concile du "Vatican). » Trad. franc, officielle, avec texte latin, dans Questions actuelles, p. 7 ; texte latin (avec suppressions) dans Denzinger-Bannwart, n.2072. D’après les modernistes, « la foi, principe et fondement de toute religion, réside dans un certain sentiment intime, engendré lui-même par le besoin du divin… qui gît… dans la subconscience… En faca de cet inconnaissable…, sans nul jugement préalable (ce qui est du pur fldéisme), le besoin du divin suscite dans l’âme portée à la religion un sentiment particulier -. Ce sentiment a ceci de propre, qu’il enveloppe Dieu et comme objet et comme cause intime, et qu’il unit en quelque façon l’homme avec Dieu. Telle est, pour les modernistes, la foi, et, dans la foi ainsi entendue, le commencement de toute religion… Notre sainte religion n’est autre chose qu’un fruit propre et spontané de la nature. Y a-t-il rien, en vérité, qui détruise plus radicalement l’ordre surnaturel ? » Trad. franc., p. 9, 11, 15 ; Denzinger, n. 2074. Avec une pareille conception de la foi, il est bien clair qu’elle ne peut jamais se rencontrer sur le même terrain avec la science, ce qui est contraire au concile du Vatican, comme nous venons de le voir : « Leurs objets sont totalement étrangers entre eux, l’un en dehors de l’autre. Celui de la foi est justement ce que la science déclare lui être à elle-même inconnaissable. De là, un champ tout divers : la science est toute aux phénomènes, la foi n’a rien à y voir ; la foi est toute au divin, cela est au-dessus de la science. D’où l’on conclut enfin qu’entre la science et la foi il n’y a point de conflit possible ; qu’elles restent chacune chez elle, et elles ne pourront jamais se rencontrer, ni, partant, se contredire. » Trad. franc., p. 23 ; Denzinger, n. 2084. Ce qui d’ailleurs n’empêche pas les modernistes de subordonner en réalité la foi à la science et absolument. Denzinger, n. 2085. Enfin leur foi-sentiment est une des plus dangereuses inventions : « Toute issue fermée vers Dieu du côté de l’intelligence, ils se font forts d’en ouvrir une autre du côté du sentiment et de l’action. Tentative vaine ! Car qu’est-ce, après tout, que le sentiment, sinon une réaction de l’âme à l’action de l’intelligence ou des sens ? Otez l’intelligence : l’homme, déjà si enclin à suivre les sens, en deviendra l’esclave… Pour donner quelque assiette au sentiment, les modernistes recourent à l’expérience. Mais l’expérience, qu’y ajoute-t-elle ? Absolument rien, sinon une certaine intensité qui entraîne une conviction proportionnée de la réalité de l’objet. Or, ces deux choses ne font pas que le sentiment ne soit sentiment, ils ne lui ôtent pas son caractère qui est de décevoir, si l’intelligence ne le guide ; au contraire, ce caractère, ils le confirment et l’aggravent, car plus le sentiment est intense et plus il est sentiment. En matière de sentiment religieux et d’expérience religieuse, vous n’ignorez pas, vénérables frères, quelle prudence est nécessaire, quelle science aussi qui dirige la prudence. Vous le savez de votre usage des âmes, de celles surtout où le sentiment domine. » Trad. franc., p. 61, 63 ; Denzinger, n. 2106, 2107. Pour les considérations rationnelles, qu’à l’exemple de Pie X on invoquera utilement contre la foi-sentiment, voir Expérience religieuse, t. v, col. 1828, 1829.

2. Le serment contre les erreurs du modernisme contient ce passage sur le sens du mot « foi » et la nature de cet acte :

Ortissime tenco ac sin cere profiteor, fidem non

esse csrcum sensum religio nis…, sed verum assensum

intellccLus veritati extrin secus accepta ex auditu,

quo nempe, quae a Dco per sonali, creatore ac domino

nostro dicta, testata et re velata sunt, vera esse credi mus, propter Dei auclorita tem summe veracis.

Je tiens pour très cer tain et je professe sincère ment que la foi n’est pas un

aveugle sentiment de reli gion…, mais un véritable as sentiment de l’intelligence

à une vérité reçue du dehors,

et par ouï-dire, assentiment

par lequel nous croyons

vrai ce qu’un Dieu person nel, notre créateur et Sei gneur, a dit, témoigné et

révélé, et nous le croyons à

cause de l’autorité de ce

Dieu souverainement véridique.

Pie X,

Motu proprio Sacrorum anlislum,

dans les Acla aposlolieæ

sedis, Rome, 1910, p.670 ;

dans Denzinger-Bannwart, n. 2145.

II. Rapports de la foi avec les autres vertus : sa fermeté.

Rôle général de la foi dans la vie chrétienne.

Si la foi est un assentiment intellectuel, une croyance, comme il ressort de tout ce qui précède, elle doit avoir une influence sur tous les actes’de vertu qui préparent le pécheur à la justification et le juste à la récompense éternelle. La croyance n’est-elle pas à la base de l’action ? l’intelligence ne dirige-t-elle pas la volonté ? la conviction n’est-elle pas sans cesse nécessaire à la force du caractère et au bon emploi de la vie ? La foi n’a donc pas seulement un rapport de différence (déjà prouvé) avec l’espérance, la charité, etc. ; elle a encore sur elles un rapport d’influence.

Chaque vertu a un ressort spécial, qui fait comme déclencher chacun de ses actes propres : c’est son motif. Et comme en général les vertus, à part la foi, . sont purement affectives et "volontaires, et tendent non pas au vrai, mais au bien, le motif de chacune est une certaine sorte de bien, une specialis honeslas r comme disent les scolastiques, un idéal particulier de bonté morale : ainsi en pratiquant la vertu de miséricorde, notre volonté est attirée par l’idéal du soulagement des misères ; en pratiquant la justice, par l’idéal du respect des droits. Voir Espérance, t. v, col. 632. Mais le motif d’une vertu, son idéal aimé, n’agit pas mécaniquement, brutalement, comme le ressort d’une machine : c’est en passant par l’intelligence qu’il sollicite l’affection et la volonté libre ; ce sont les convaincus qui deviennent les vaillants. Puisque la foi est une conviction, une vertu-lumière, n’est-ce pas à elle que doit revenir le rôle de diriger, d’exciter toute vertu-amour ? A toutes les autres vertus, elle présentera leur motif spécial, leur idéal, pour qu’elles l’aiment et qu’elles y tendent par les voies et moyens qui y conduisent ; son acte servira de préliminaire et de base à leurs actes. A ce titre, on pourra dire de toute espèce de bien qu’il se fait par la foi. Le martyr supporte les tourments par la vertu de force, mais on peut dire aussi, par la foi, puisque c’est dans les vues de la foi qu’il puise le motif de sa force, de son courage ; il combat donc directement par la force, mais indirectement par la foi, dont saint Paul nous recommande l’armure, Eph., vi, 13, 16 ; il résiste « ferme dans la foi, » comme dit saint Pierre. I Pet., v, 9. Le chrétien aspire au ciel par la vertu d’espérance, mais c’est la foi qui montre à l’espérance le ciel ; il se confie joyeusement à la puissance et à la bonté de Dieu d’où il attend les moyens promis de parvenir au ciel, mais c’est la foi qui lui montre cette toute-puissance et cette bonté, et qui lui certifie les divines promesses. Voir Espérance, t. v, col. 612 sq.

Voilà pourquoi l’Église, bien qu’elle fasse dépendre la justification non seulement de la foi, mais encore d’autres actes de vertu dont tel ou tel, comme la charité, est plus excellent et plus efficace, appelle cependant la foi « le fondement et la racine de toute justification, » concile de Trente, sess. VI, c. viii, parce qu’elle est non seulement la première dans l’ordre chronologique, mais aussi la coopératrice des