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été répondu, que je sache. Dans ce 11e vol., Vacant va jusqu'à ajouter : « Le sentiment des thomistes me semble néanmoins avoir reçu quelque atteinte, du silence gardé par notre concile sur l’obscurité que les théologiens de cette école exigent pour l’objet de la foi. Jusqu’ici, le silence de l'Église à cet égard se pouvait expliquer, par cette raison que nulle part elle n’avait encore exposé l’ensemble de son enseignement au sujet de la foi. Mais il n’en est plus de même désormais, » etc. Loc. cil., p. 202. Cet argument négatif peut, en effet, confirmer la preuve positive del’opinion adverse. Si le concile avait partagé cette idée de l'école thomiste, qu’il y a la un point fondamental pour la théorie de la foi, il n’aurait eu garde d’en négliger la discussion ni l’affirmation, qui s’offrait tout naturellement en plusieurs endroits. Or il a gardé là-dessus le plus profond silence, et en fait d’obscurité, s’est contenté d’affirmer celle des mystères, et l’impossibilité d’en avoir la science en même temps que la foi.

Preuve rationnelle. — Elle ne considère plus seulement, comme la preuve scripturaire, le dogme de l’existence de Dieu, et le cas du philosophe païen converti qui, voulant recevoir le baptême, doit d’abord croire ce dogme d’après l’apôtre. Elle considère aussi toutes les autres vérités révélées dont un philosophe chrétien peut avoir la démonstration scientifique, spécialement en théodicée et en morale, et prouve que cette science ne doit pas lui nuire en l’empêchant de croire de foi divine ces mêmes vérités. Sans doute, la science n’est pas nécessaire pour le salut, et comme toutes les bonnes choses, elle peut être une occasion d’abus, d’orgueil, etc., et à ce titre les Pères ont pu vanter la sécurité des fidèles peu instruits. Voir col. 114. Mais il est inadmissible que la science soit de sa nature un agent en antagonisme avec la foi divine et que le fidèle soit détourné de la science par sa religion même. Les Pères grecs, s’ils ont voulu que la foi, à cause de sa nécessité universelle et de la brièveté de la vie, prît les devant, ont cependant pressé ceux qui le peuvent d’y joindre la science, yvôxtiç. Et cette « gnose » n’est pas seulement la théologie dérivée de la foi, mais aussi la philosophie avec ses démonstrations intrinsèques et sa propre méthode. Voir col. 186. Les Pères latins ne sont pas moins pressants. « Ce que tu tiens par la fermeté de la foi, dit saint Augustin, vois-le aussi à la lumière de la raison. Loin de nous la pensée que cette raison déplaise à Dieu, qui l’a donnée pour nous élever au-dessus de l’animal. Loin de nous l’idée de croire pour nous dispenser de raisonner : nous qui ne pourrions croire si nous n’avions des âmes raisonnables. » Epist. ad Consenlium, P. L., t. xxxiii, col. 453. « Une fois affermis dans la foi, dit saint Anselme, ce serait de la négligence, à mon avis, de ne pas chercher à comprendre ce que nous croyons. » Cur Deus homo, 1. I, c. ii, P. L., t. clviii, col. 362. « La foi et la raison, dit le concile du Vatican, se portent un mutuel secours… L'Église ne s’oppose point à la culture des sciences humaines. » Sess. iii, c. iv, Denzinger, n. 1799. Or l’opinion adverse semble décourager le fidèle de la science, de celle du moins qui peut se rencontrer avec la foi sur un même objet, et tout particulièrement de la science naturelle de Dieu. Car enfin le fidèle qui acquerraiLcette science, d’après cette opinion, serait mis par là même en état d’infériorité. Sur ces vérités dont il connaîtrait les démonstrations philosophiques il ne pourrait plus avoir la certitude de foi divine qui est une suprême certitude. Comme le vrai fidèle dans le domaine intellectuel tient naturellement avant tout à la foi et à la certitude de foi. ne peut-on pas dire que cette opinion constitue une prime à l’ignorance ?

Réponse. — Les défenseurs de l’opinion négative ne sont nullement d’accord sur la réponse à faire, et

se réfutent les uns les autres. — a) Pour Cajétan, nous l’avons vii, il est bien mieux de savoir que de croire, longe melius : le philosophe chrétien, en ne pouvant plus croire ces vérités, ne serait donc pas mis en étal d’infériorité. Mais c’est aller à un autre extrême, cl déconsidérer la foi. Aussi Melchior Cano regarde-t-il celle idée comme insoutenable. Voir col. 458. Bien que la science l’emporte en évidence sur la foi, l’acte de foi divine reste supérieur en dignité et en certitude. Voir col. 390 sq. — b) D’autres ont répondu : Le philosophe chrétien ne peut pas faire un acte de foi sur ces vérités, mais il le fait in præparalione animi : la disposition de sa volonté est telle que, si la démonstration lui manquait, il n’en tiendrait pas moins cette vérité par un acte de foi. Il ne perd donc rien. A cela revient la solution du cardinal Billot, que, si la science empêche de faire un acte de foi explicite sur ces vérités, elle n’empêche pas de les croire implicitement sous cette formule : Mon Dieu, je crois tout ce que vous avez révélé. De virtutibus infusis, 1905, thés, xi, p. 249, 250. Car la « foi implicite » à laquelle on a ici recours consiste précisément à croire in præparalione animi d’après saint Thomas. Voir col. 344. — Mais contre un telle solution, Banez dit avec, justesse : « Cette disposition de la volonté, præparalio animi, bien qu’elle suffise à suppléer le mérite de la foi à ces vérités, ne paraît pas sullire à suppléer la certitude actuelle qu’en a le fidèle peu instruit : il resterait donc toujours pour celui-ci une supériorité du côté de la certitude. » In //'"> //', Douai, 1615, q. i, a. 5, ad 2° iii, p. 33. — c) Banez préfère donc une autre réponse, assez obscure dans sa brièveté, où il semble dire que la présence de la vertu infuse de foi dans le philosophe chrétien communique à l’assentiment de science du même individu la certitude surnaturelle et propre de la foi divine, « parce que la grâce perfectionne la nature autant qu’il est possible. » Loc. cit. — Mais Gonet rejette la solution de Banez, parce qu’elle fait sortir l’habitus fldei de sa fonction propre et de son objet spécifique, en le faisant influer sur un acte de science concomitante qui a un objet formel tout autre. Clypeus theologiæ thomisticæ, 6e édit., Lyon, 1681, t. iv, De fide, dis]). I, n. 162, 163, p. 226. — d) Jean de SaintThomas, avec d’autres, reprend d’une manière différente la solution de Banez : il observe qu’une force ou vertu supérieure, sans sortir de son ordre, peut diriger une force inférieure et lui communiquer de sa perfection ; ainsi la volonté libre dirige le mouvement du bras, et le rend volontaire ; ainsi l’ange supérieur fait participer l’ange inférieur à un mode de connaître plus élevé, d’après saint Thomas. Sum. theol, , I a, q. cvi. a. L Ainsi l’habitus fidei. non point directement, mais indirectement par des actes passés qui ont laissé dans la mémoire certains jugements sur le donné révélé et sur la valeur suprême du témoignage divin, peut communiquer quelque chose de sa certitude à l’assentiment de science. Cursus theologicus, Paris, 1886, t. vu. De fide. q. i. disp. II, a. 1, n. 22 sq., p. 32-35. Sans se confondre formellement avec la certitude de foi divine, cette certitude participée peut y être ramenée ; elle est de même espèce reductive. non formaliler. Loc. cit.. n. 26. — Mais, dit Gonet, saint Thomas a remarqué expressément, loc. cit., a. 4, que ces participations demeurent toujours bien inférieures à la vertu dont on participe. « Il reste donc toujours à expliquer comment le philosophe chrétien n’a pas une certitude moindre quc le fidèle ignorant (chez qui la vertu de foi agit directement et formellement) ; et l’argument de la partie adverse garde sa force. » Loc. cit., n. 164. Et les Salmanticenses ajoutent : « La solution imaginée par ces thomistes est insuffisante… Soit que cet assentiment de science ait pour motif secondaire le témoignage de Dieu, ce que nous regardons comme faux.