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ils mettaient la foi au-dessous de la science dans cel axiome : Fides est supra opinionem et infra scientiam. Hugues de SaintVictor. De sacramentis, 1. I, part. X, c. il, P. L., t. clxxvi. col. 331 ; cité et expliqué par S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. iv, a. 1 ; In IV Senl., 1. III, dist. XXIII, q. il, a. 2, sol. 3. ad 1'"". Au-dessus de l’opinion par sa certitude, elle est au-dessous de la science par son obscurité. Il faut donc admettre dans la foi une obscurité toute spéciale. Conséquence à tirer : dans l’explication théologique de cette obscurité, il faudra chercher autre chose que les considérations qui vaudraient pour notre science humaine comme pour la foi : le caractère abstrait ou analogique des concepts, le vague des métaphores, etc. ; quoi qu’on doive aussi tenir compte de cet élément commun. Autre conséquence : l’obscurité de la foi par rapport à la science et à la vision n’est pas une question de simple différence accidentelle dans le degré de clarté, une différence seciindum magis et minus ; mais il doit y avoir dans la science une espèce de lumière qui manque totalement dans la foi ; en d’autres termes, il doit y avoir dans la foi un élément d’obscurité exclu totalement par la science, et qui constitue ainsi une note spécifique, une différence essentielle. Car les documents sur l’obscurité de la foi ne parlent pas d’un moindre degré d'évidence, de vision ; ils nient simplement la vision. Aussi a-t-on ralement rejeté la différence purement accidentelle que Durand de Saint-Pourçain a exprimée en ces termes : Aclus visionis et scientise aequisitw et tutus fidei non habent oppositioncm nisi secundum magis evidens et minus evidens. In IV Senl., 1. III, dist. XXXI, q. iv, n. 11, Paris, 1550, fol. 232. Il dit ensuite que cette opposition est seulement « apparente » , et il conclut logiquement : Aclus scientiæ stat in patria cum aclu visionis secundum doclores, ergo similiter aclus fidei polcrit slarc in palria cum visione. Loc. cit. Sur l’habilus fidei, il conclut aussi qu’il peut demeurer au ciel, et quant au fait, s’il ne demeure pas, il dit qu’on ne peut en avoir une pleine certitude. Ibid., q. iii, n. 13, fol. 331. Ces conclusions, si peu conformes a l’enseignement de l'Écriture et des Pères, et rejetées par Benoit XII peu après la mort de Durand (voir le document ci-dessus), suffiraient à montrer que ce théologien aventureux est parti d’une conception fausse de l’obscurité de la foi. A l’appui de sa thèse, il disait qu’un degré de perfection moindre pouvait bien être de l’essence de la foi, mais non pas une privation, parce qu’un être positif n’est constitué que par des éléments positifs. Ibid., q. v, fol. 233. Mais un élément négatif, une privation même. peut, comme condition essentielle, servir a caractériser une espèce, concourir ; i la spécification d’un acte ou d’un habilus, comme l’a bien remarqué contre lui Capréolus, ce prince des thomistes. au xv siècle : Privaiio potest ondilio objecti hululas positivi : non quidem u/ principaliter motiva nec terminaliva, sut concomitativa : lieul eiiam incertitudo et formido ri tilubatio sunt de tatione opinionis, quee est habilus posilivus ; et irroim ttale de ratione asini, qui est species substantiæ posiet lumen irralionale dicil privalionem. C’est ainsi qu’il fail (le l’obscurité une condition ou raison fornulle de l’objet de foi : m hoc modo dicimus senigma formalem ralionem objecti fidei… Non est rai m mooens vel motiva, ner primo terminaliva, sed conco mttatt iones Iheologiie D. Thomw, I. III Sent.,

XXV, q. i. a. '.', . » 1. Tours, 1904, t. v, p. 328. 329. olu dit encore qu’une privation on négation peut appartenir à l’essence d’une chose positive non lanquam parlem tialem aai intrgralem, sed tan

quam parlem ralionis, designalivam il charactcritaii '""" "/ modum differrntiir extrinseem. !, <.

cil., rlisl [.,, ., . ;, ', . | 2. p. 388. Il en est de

l’obscurité dans l’objet que l’on croit comme de la difficulté dans l’objet qu’on espère. Voir Espérance, col. 632, 633. Comme la difficulté n’est pas un motif d’espérer, au contraire elle est souvent un motif de découragement, ainsi l’obscurité n’est pas un motif de croire, ce n’est pas elle qui attire notre intelligence à une vérité. Xous espérons malgré la difficulté, nous croyons malgré l’obscurité. Mais l’une et l’autre caractérisent nos actes d’espérer et de croire. Cette remarque est commune chez les théologiens.

Systèmes sur l’obscurité de la foi.

 1. Système de

l’obscurité totale, de la foi complètement aveugle. — Telle semble être la pensée de Guillaume d’Auvergne, quand il ne veut pas même considérer la véracité divine ; celle des fidéistes, quand ils rejettent toute preuve des préambules et du motif de la foi.

Critique du système. — Voir ce que nous avons dit sur la théorie de Guillaume, col. 118, 119 ; sur le fidéisme, col. 175 sq. D’ailleurs, la foi est un acte intellectuel, col. 56 sq., 82 sq., ayant un motif intellectuel, l’autorité du témoignage divin, col. 107 sq. ; le fait de ce témoignage doit être prouvé à la lumière de la raison, col. 189 sq. Un coup de volonté ne peut remplacer cette lumière, col. 171 sq. Voir aussi ce qu'à propos de la liberté de la foi nous avons dit du despotisme de la volonté, col. 396. La grâce vient encore aider à voir la crédibilité avant la foi. col. 237 sq. Enfin, nous venons d’entendre saint Paul décrire ainsi la foi : Videmus in œnigmale : s’il y avait obscurité complète, il ne pourrait dire : Videmus. Ailleurs il l’appelle comprendre, savoir. Eph., iii, 17-19. « La foi est une connaissance, dit saint Thomas, et à cause de cela elle peut être appelée science et vision. » Quæst. disp., De verilale, q. xiv, a. 2, ad 15, , m. Et d’autant plus que c’est une connaissance certaine. « On emploie non sans quelque raison, non immerilo, dit saint Augustin, le mot savoir non seulement pour ce que l’on a vu ou ce que l’on voit, mais encore pour ce que l’on croit sur des témoignages ou des témoins sûrs. Après avoir pris de la sorte, et sans trop d’impropriété, non incongruenter, le mot savoir pour une foi 1res certaine, on est arrivé à dire aussi, des choses cjue nous croyons à bon droit bien qu’elles ne soient pas présentes, que par la pensée nous les voyons, t Liber de videndo Den. ou Epist., r.xLvii, c. iii, P. L., t. XXXIII, col. 600. Sans doute, c’est au sens large et impropre qu’on parle ici de « savoir » , de « voir » . Voir col. Il : ' » , 111. Au sens propre, l’obscurité de la foi nie absolument la « science. la vision » . Mais elle ne. nie pas pour autant la connaissance » . ce qui nous sullil en ce moment. La foi n’esl pas absolument « aveugle. ce que l'éprouve le

concile du Vatican : Fidei assensus nequaquam motus animi csbcus, c iii, Denzlnger, n. 1791. Ce premier

système est donc insoutenable.

2. Système qui explique l’obscurité de lu foi par Vint VidenCt de l’objet formel (qUO, OU motif), en d’autres

termes, par le manque d’evidenlia alteslanlis. C’esl celui de liane/, de l.ugo et autres ennemis intransigeants de celle évidence extrinsèque, qui, la croyant

Contraire aussi bien a l’obscurité qu'à la liberté de la foi. la bannissent de tOUl acte de celle vertu. D’autres mitigent ce Système en admettant cette évidence a titre d’exception, comme nous l’avons vu pour la libellé. Voir col. 399 sq., H2 sq.

Critique du système. a sous sa forme Intransigeante, il a lori de nier l oui fail d' évident la attestant is, el toute possibilité de concilier cette évidence avec

l’acte de fol. b) On peut, pour expliquer l’obscurité de i.i loi. recourir partiellement < celle Inévidence de l’objet formel, en admettant des exceptions. Car enfin, tout manqua d'évidence constitue une espèce d’obscurité, li le P. Pesch semble allei trop loin quand il dit que ce genre d’ob curité est commun a h foi